Salah Abdeslam : Riinisation, Breivikisation ou repentir ?

Salah Abdeslam

L'arrestation vivant de Salah Abdeslam le 18 mars pose quantité de questions sur la manière dont il sera traité par la justice et sur ce que sera sa propre attitude. Il est le seul survivant connu par la police des terroristes responsables des attentats du 13 novembre. Le long processus judiciaire qui commence ouvre sans doute un nouveau chapitre dans l'évolution du traitement des crimes en Europe, chapitre qui mettra à nouveau en évidence le recul de la loi du Talion.

L'Europe est le premier laboratoire du monde pour l'abolition de la loi du Talion. Je m'explique : la loi du Talion, apparue dans le code d'Hammurabi vers 1730 avant JC, à Babylone, est la plus ancienne avancée essentielle de notre civilisation. Mettant fin au régime général de la vengeance sans bornes qui irriguait alors toutes les civilisations, la loi du Talion a «plafonné » cette vengeance par le principe très célèbre du « oeil pour oeil, dent pour dent ». Dans le cas de crimes odieux, la vengeance populaire était néanmoins le lynchage ou la mise à mort cruelle en public. L'Ancien Testament, puis la Bible, puis le Coran ont tenté de dépasser la loi du Talion. En vain, car le droit moderne maintient, dans ses textes, le principe de la peine réparant le mal causé. Ainsi le code civil français. Et ainsi pensent la majorité des citoyens. Mais la lente évolution de la société européenne va vers un dépassement de la loi du Talion, et il faut s'en féliciter. Notamment avec la suppression des exécutions publiques, puis avec l'abolition de la peine de mort. Deux très grands criminels européens sont Toto Riina en Italie et Anders Breivik en Norvège. Riina est le plus grand des chefs mafieux siciliens. Il a tué personnellement plus de quarante personnes et a commandité plus de mille meurtres. Breivik, neo nazi célèbre, a tué de sa main 77 personnes. Ces deux criminels sont évidemment en détention, mais ils sont régulièrement montrés et mis en scène dans des véritables « expositions », en exemples de la monstruosité humaine dans laquelle il ne faut pas tomber. Ils ne manifestent pas de repentir. Ils ne semblent pas près de sortir de prison. Ce traitement semble aujourd'hui convenir à l'opinion publique. Dès les attentats du 13 novembre, le frère aîné de Salah l'a appelé à se rendre. Et c'est un ami de Salah qui l'a « donné » aux policiers et a permis sa capture. Or, dans la culture musulmane traditionnelle, il est interdit de « balancer ». Là c'est le réseau de Salah qui dépasse cette interdiction, comme la société européenne dépasse la loi du Talion. La suite promet d'être passionnante... L'Europe, qui a aboli la peine de mort, s'oriente lentement vers un traitement des crimes qui supprime en fait le jugement d'enfermement définitif et ouvre la possibilité d'un retour à la liberté, à condition qu'on aide le criminel à évoluer et à condition qu'il collabore. Et pourquoi pas, à la fin, un Salah Abdeslam repentant qui explique aux jeunes tentés par la radicalisation qu'ils font erreur ? Après tout, il ne s’est pas fait sauter. Il pourrait être plus convaincant que nos moralistes et que nos juges. Il n’est pas interdit d’espérer.    

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