Ils ne sortiront pas

Boris Johnson est le premier ministre d'un Royaume très Désuni.
Il est inutile de rappeler ici la situation rocambolesque du Brexit, la presse en fait ses choux gras depuis bientôt quatre ans. Il n'est pas non plus nécessaire d'ajouter de nouveaux pronostics sur la date de sortie de cette crise. Ce sont les raisons de l'apparition de la crise qui vont alimenter notre propos.

L'adhésion à l'UE est ressentie par beaucoup de Britanniques comme une perte de souveraineté. Une proportion importante d'entre eux voient ainsi dans le Brexit la restauration d'une souveraineté qu'ils estiment bien mise à mal par leur adhésion à l'UE depuis 1973. Cette fraction de l'opinion publique, pro-Brexit, voit notamment resurgir la perfide France, qui organise selon eux l'opposition au Brexit et fédère leurs compatriotes europhiles. Cette paranoïa est bien alimentée par l'histoire des relations France- Angleterre. La France est en effet le dernier pays qui ait réussi l'invasion de l'Angleterre, ce fut à Hastings en 1066.  Certains pourront sourire de l'ancienneté de cet événement. Le fait est que, depuis Hastings, une telle invasion victorieuse sur le sol anglais ne s'est jamais reproduite. Napoléon a dû y renoncer. Même en 1941, quand l'Angleterre était seule dans la guerre contre l'Allemagne nazie, pourtant victorieuse partout ailleurs, les stratèges allemands avaient renoncé à essayer de l’envahir.
Souvenons-nous aussi que la France est le seul pays à avoir donné un Maréchal à l'Angleterre. Ce fut Foch, en 1918, parce qu'il avait commandé l'ensemble des armées anglaises.

Dans l'inconscient britannique, la France est le seul Etat qui a su, à un moment donné de l'histoire, vaincre ou commander l'Angleterre sur son sol. Depuis mille ans, aucun autre pays ne peut se vanter d'avoir ainsi mis à mal la souveraineté britannique. Les Britanniques tirent de ce constat une fierté tout à fait légitime. Si l'Empire britannique - le plus grand empire jamais constitué- est aussi source de fierté, ce n'est pas un sujet qui crée un affrontement avec les autres pays. Si l'anglais est devenu la langue scientifique et diplomatique mondiale, et par surcroît la langue officielle de l'UE, ce n'est pas vraiment non plus un motif d'affrontement avec les autres nations. Mais la perte de souveraineté, sur leur sol, chocking ! Impensable ! Une seule fois dans l'histoire, et ce fut au bénéfice de la France. Mais dorénavant, plus jamais ça ! L'ego profond du Britannique moyen est touché.

Sur la perte de souveraineté, l'analyse des Britanniques est bonne : il y a bien une perte de souveraineté sur certains points, perte entraînée par l'adhésion à l'UE. Mais sur le mal qui leur serait fait, ils se trompent. C'est globalement du bien que leur apporte l’adhésion à l'UE. Et oui : on ne peut pas bénéficier des avantages énormes de l'adhésion à l'UE, et notamment du marché unique, sans accepter une perte partielle de souveraineté. Par exemple celle de conclure librement des accords commerciaux avec des pays hors UE. 
Plusieurs pays avaient déjà fait leur "crise" anti-européenne avant le Royaume-Uni. En particulier la France, par un référendum à 55% contre la nouvelle Constitution européenne. La France s'est ressaisie et n'a finalement tenu aucun compte de ce résultat.

Crise de démocratie en Angleterre ? Déni de la volonté du peuple ? Des formules vides. Boris le populiste, Boris le grand menteur pense pouvoir se maintenir au pouvoir en clamant qu'il veut la sortie de crise par le Brexit à marche forcée. Et c'est l’impasse. Chaque jour qui passe apporte de nouveaux éclairages sur les inconvénients du Brexit et sur les avantages de rester dans l’UE. Au bout du compte, un pronostic prend forme : les Britanniques ne sortiront pas de l'UE. Parce que c'est leur intérêt, certes pas encore bien compris par tous. Le « no deal » serait une catastrophe économique pour le Royaume-Uni. L'accord dit de "Theresa May" aurait été un bon moyen de sortir en bon ordre. Mais cet accord est une blessure pour l’ego souverainiste des Britanniques, à cause du « backstop ». Le dernier accord, en date du 17 octobre, qu’on pourrait appeler « la reculade de Boris », n’est pas meilleur, puisqu’il comprend toujours les inconvénients de l’accord « Theresa May » et qu’il ajoute pratiquement la réunification de l’Irlande, dans un Royaume Uni qui sera ainsi de fait privé de sa souveraineté sur l’Irlande du Nord.

Le temps est à l’oeuvre et ronge l’ambition de souveraineté des brexiters. Il faut prendre conscience que les Britanniques sont depuis longtemps dans l’UE et entrevoir qu’ils n’en sortiront pas.

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