Climat et biodiversité : exploitons les atouts des forêts françaises

Date de la venue de l'invité: 
Mercredi, 6 mars, 2024

Avec le changement climatique, les forêts françaises font face à de nombreux aléas qui compromettent gravement leurs capacités à absorber le CO2 émis par nos activités humaines, au point de remettre en question l’objectif de captation de CO2 qui leur est assigné en 2050.

Lors d’une Matinale consacrée à la forêt française et ses perspectives d’avenir, Antoine d’Amécourt, sylviculteur passionné et président de Fransylva (Fédération des Syndicats de Forestiers Privés de France) et membre du CESE a partagé avec nous son expertise et ses convictions face à la situation actuelle.

Quelques données pour « planter le décor »

La surface des forêts française a doublé depuis 1850. Elles couvrent 30% de notre territoire métropolitain, comptent 136 espèces (contre 20 en Allemagne et 3 seulement en Finlande). Avec 3,5 millions de propriétaires forestiers qui en gèrent les deux tiers, elles sont largement privées, et morcelées. Les forêts publiques, représentent, elles, 25% des surfaces, gérées par l’ONF.

Principale source d’énergie et de matériel de construction, maisons et navires, jusqu’à la moitié du XXe siècle, le bois n’a été remplacé que dans les années 60 par les charpentes métalliques et le plastique. En parallèle, les scieries artisanales, capables de traiter tous les types de bois, installées au cœur des massifs forestiers, sont  passées de 7000 en 1970 à moins de 1000 aujourd’hui. D’artisanales elles sont devenues industrielles et spécialisées sur un tout petit nombre d’espèces.

De nombreuses menaces pèsent sur l’avenir des forêts

Sécheresses successives, tempêtes, incendies sont sources de grandes fragilités.
Les forêts sont menacées par des pathogènes comme les scolytes des épicéas dans l’Est ou la chalarose du frêne, l’ONF observe que 45 % des hêtres sont en phase de dépérissement. Dans l’est, ces ravages de parasites se multiplient avec le réchauffement climatique et touchent des versants entiers, à des altitudes de plus en plus élevées.

Les massifs forestiers sont également impactés par la prolifération des grands ongulés, sangliers, chevreuils et cerfs. «  L’effet de cerfs » vient s’ajouter à l’effet de serre. Le déséquilibre sylvo-cynégétique est un véritable problème : les cervidés en surpopulation abiment la forêt de l’intérieur et ruinent fréquemment la repousse naturelle ou les efforts de plantation des forestiers.

.La question qui obsède ainsi aujourd’hui les forestiers est de savoir comment renouveler leurs peuplements. Des essais de migrations d’espèces du sud vers le nord sont menés, avec le programme européen Reinfforce (« RÉseau INFrastructure de recherche pour le suivi et l'adaptation des FORêts au Changement climatiquE ») : du Portugal à l’Ecosse ce sont 38 arboreta qui testent l’adaptation des espèces au changement climatique. Sachant qu’il ne faut pas oublier que nos pays ne sont pas à l’abri d’hivers à -20 degrés il faut donc être prudent…
 En France, la perception de ces fragilités a amené les gouvernements successifs à lancer des initiatives : plan Le Foll dans les années 2015, plan France Relance de 2020, projet de plantation d’un milliard d’arbres dans le cadre du projet France 2030.
Certains écologistes militent pour ne pas intervenir dans les forêts, mais une forêt sauvage est une forêt inhospitalière pour l’homme. Il faut savoir que tous les propriétaires de parcelles de plus de 20 hectares ont l’obligation d’avoir un plan de gestion durable.

Préserver la forêt en préservant la (bio)diversité de ses usages

Pour préserver la biodiversité et la pérennité de la forêt, il est essentiel de diversifier les usages pour tous les bois afin de conserver la diversité de nos multiples essences forestières et les modes de gestion, de réindustrialiser la France en matière de transformation du bois. Et aussi de développer les scieries de proximité, leur apporter de la valeur ajoutée, de valoriser les espèces auprès des architectes. Par exemple en développant des fiches techniques pour leur utilisation.

A la délicate question des coupes de renouvellement, ce qu’on appelle souvent les « coupes rases », Antoine d’Amécourt répond qu’elles sont réglementées via les plans de gestion durables et que beaucoup sont des coupes de peuplements ruinés par les parasites, qu’elles font l’objet de repeuplements diversifiés et voient se reproduire très rapidement une belle biodiversité. Les vieux arbres s’accroissent peu, captent donc moins de CO2 et les jeunes plants s’adapteront peut-être au changement climatique. Globalement un mètre cube de bois capte une tonne de carbone. La question du paysage se pose bien entendu, elle est importante, mais il faut accepter que renouveler la forêt passe par une phase de récolte.

La forêt joue aussi un grand rôle, souvent méconnu, pour combattre l’érosion des sols et sécuriser le cycle de l’eau, les racines des arbres drainant l’eau vers les nappes phréatiques. L’eau est un sujet de plus en plus préoccupant, le réchauffement climatique nous imposera de plus en plus une gestion économe de cette ressource.

A la question posée sur le rôle de l’Union Européenne, Antoine d’Amécourt répond que certaines réglementations sont un peu « hors sol », amenant les forestiers français à s’associer avec les pays du Nord de l’Europe, Finlande, Suède, Allemagne, Belgique et Autriche pour faire valoir leur expérience et tenter de mieux faire entendre leur voix.

Malgré tout, Antoine d’Amécourt estime que la forêt française a encore de beaux jours devant elle si elle sait se diversifier, trouver les usages de tous les bois. Pour lui elle va encore croître, du fait de la déprise agricole. Certains terrains devenant difficilement cultivables sans irrigation, la solution est alors de planter des haies et des forêts.

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Vous pouvez retrouver la vidéo intégrale de la Matinale sur notre chaîne YouTube ICI.

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