Éradiquer la grande pauvreté, c'est possible !

Date de la venue de l'invité: 
Vendredi, 22 novembre, 2019
Marie-Hélène Boidin-Dubrule / Éradiquer la grande pauvreté, c'est possible ! (extraits)

Cette question, le CESE se l’est posée dès 1987 avec Joseph Wresinski, puis en 1995 avec Geneviève Anthonioz de Gaulle et les avis formulés alors sont à l’origine de la création du RMI et de la couverture médicale universelle. Aujourd’hui, le nombre de pauvres reste important en France, et le CESE, voix de la société civile, formule de nouvelles recommandations.
Mais comment estimer le nombre de personnes pauvres ?
Il existe plusieurs méthodes : « pauvreté monétaire » en dessous de 60% du revenu médian, « pauvreté de niveau de vie », liée aux conditions de vie, « pauvreté absolue » au dessous d’un certain revenu… La première méthode d’estimation est la plus courante dans l’Union Européenne. Selon elle, en France 9 millions de personnes vivent dans la pauvreté, avec moins de 60% du revenu médian (1041€), 5 millions dans la grande pauvreté avec moins de 50% du revenu médian et on estime à 5.5 millions le nombre de personnes ayant recours à l’aide alimentaire. On estime à 200 000 le nombre de personnes vivant dans la rue, dont un tiers de femmes et un quart de jeunes de moins de 29 ans.

La France est l’un des pays d’Europe où le taux de grande pauvreté est le plus bas, grâce à son système de protection sociale. Sans lui ce ne sont pas 14% mais 22% des français qui vivraient avec moins de 60% du revenu médian. Mais ce système est complexe et exercer ses droits sociaux est difficile.

Les déterminants de la grande pauvreté ont été identifiés par Louis Gallois (président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité) comme étant, dans l’ordre : la reproduction intergénérationnelle, le chômage longue durée, les ruptures familiales, l’immigration.

Quelles sont les mesures prioritaires préconisées par le CESE ?

  • Logement : augmentation des prêts locatifs aidés d'intégration, développement de l’intermédiation locative, mise à disposition de bâtiments publics vacants, renforcement des possibilités de domiciliation, …

  • Ressources : création d’un Revenu Minimum Social Garanti se substituant à 7 sur 8 des minima sociaux, accessible dès 18 ans, simplification et automatisation du versement des prestations pour lutter contre le non recours, avec un dossier social unique …

  • Emploi : mieux accompagner les chômeurs longue durée, développer l’expérimentation Territoires Zéro Chômeur Longue Durée, faciliter les parcours en insertion et autoriser le droit à l’erreur en insertion, …et reconnaître un droit effectif à l’accompagnement en désignant un référent de parcours, « tiers de confiance » pour les bénéficiaires, s’appuyant sur un dossier social unique.

Les sujets liés à l’éducation, fondamentaux, sont moins abordés ici car faisant déjà l’objet de travaux et de mesures par le gouvernement.

Compte tenu de l’ampleur des sujets traités, le CESE préconise de se doter d’une loi de programmation dès 2020, définissant les grands objectifs à atteindre pour éradiquer la grande pauvreté d’ici à 2030, et d’en confier la mise en œuvre à un Haut commissaire interministériel placé auprès du Premier ministre. Un maillage régional de Hauts commissaires à la pauvreté est mis en place, il faut une action qui ne soit pas seulement au niveau commune ou département mais bien région, pour éviter des transferts arbitraires d’un département à l’autre.

Le CESE insiste sur la nécessaire simplification de notre système social d’une complexité inouïe et l’importance de l’accompagnement en valorisant mieux le rôle des travailleuses et travailleurs sociaux ainsi que celui des bénévoles impliqués. Il faut retrouver une logique d’action sociale et non d’allocation sociale. Il souhaite une co-construction des politiques de lutte contre la grande pauvreté avec les personnes concernées et propose de changer de regard sur la pauvreté.

Quelles sont les suites de cet avis ? Le CESE présente son avis et les préconisations en réunion plénière avec des membres du gouvernement, puis à l’Elysée, au Premier ministre, à l’Assemblée nationale, au Sénat, aux acteurs de l’économie sociale et solidaire …
L’enjeu est de faire partager des convictions mais, ces préconisations étant issues d’un travail réunissant tous les groupes de la société civile représentés au CESE (entreprises, unions professionnelles, syndicats ; …), elles intéressent de plus en plus le gouvernement. Six mois après la première présentation de l’avis, un bilan est fait au CESE.
Certaines thématiques comme le RMSG ( revenu minimum social garanti ) semblent déjà prises en compte avec l’évocation récente d’un RUA (revenu universel d’activité), ou les réflexions sur les manquements à l’obligation de domiciliation.

Des études longitudinales sur les déterminants de la précarité mais aussi sur les modes de sortie pourraient utilement guider les politiques futures.

Cette intervention a suscité de nombreuses questions sur le constat, la pertinence des modes de calcul du taux de pauvreté, les difficultés en France à quitter la pauvreté …, mais aussi sur les pistes d’action, une meilleure prise en charge par le système scolaire des enfants pauvres, une réflexion au niveau des métropoles ou des régions pour éviter que certains départements ne « déplacent » les pauvres, une évaluation de l’expérience Territoire Zéro Chômeur, la formation des migrants plus rapide, un mécénat d’entreprise orienté vers le social … et le Club souhaite connaître la suite donnée à cet avis et les orientations concrètes de la politique du gouvernement face à la pauvreté.

Marie-Hélène Boidin-Dubrule / Éradiquer la grande pauvreté, c'est possible ! (intégrale)
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