555 : un thriller "financier" à télécharger gratuitement pour les fêtes !

Les membres des Vigilants, certains lecteurs du Portail se souviennent peut-être de moi comme directeur général de Coface. Depuis mon départ de la direction générale de Coface et après plusieurs années au comité de direction générale de Natixis, j’ai rédigé un roman, 555, jeudi rouge. C’est financier, c’est dans l’air du temps, c’est polémique et c’est gratuit

Je vous propose ci-dessous l’introduction et les premières pages de 555, en espérant que vous aurez envie d’aller plus loin : vous pouvez télécharger librement la version électronique de  555, jeudi rouge en quelques secondes (ou l’acheter en version papier, il n’est pas interdit de préférer l’édition traditionnelle !) sur internet en cliquant ICI.

 L'objectif étant de contribuer (modestement) au débat indispensable sur la finance spéculative en général, et la banque universelle en particulier. Ce roman décrit la prochaine crise financière (celle qui suivra le psychodrame sur l’Euro). Les lobbys de la finance spéculative y affrontent des héroïnes sympathiques et indignées. On y voit aussi une grande banque française vouloir en racheter une autre avec la bénédiction de l’Elysée, des Chinois empêtrés dans leurs investissements, et tout le petit monde de la haute finance française que j’ai bien pu observer. Et si vous croyez comme moi qu’une des grandes menaces de demain est la mauvaise maîtrise que nous avons des marchés financiers, faites connaître très largement autour de vous l’adresse du site, et donnez-moi votre sentiment, positif, ou négatif ! Merci et très bonnes fêtes, PS : vous pouvez aussi podcaster l’émission de BFM du 20 décembre à 13.00 heures : j’y parle à Hedwige Chevrillon de mon analyse de la crise et aussi bien sûr de 555, jeudi rouge

Prologue

La trêve, avant un armistice ? Editorial du Financial Times du 5 juillet. Hier, les marchés financiers ont marqué une pause, profitant de la fermeture de Wall Street pour l’Independance Day : un effet de la fatigue, ou peut-être l’espoir collectif que le pire n’est pas toujours sûr. Depuis six semaines, l’économie mondiale est engagée dans une course à l’abîme que rien ne semble pouvoir arrêter. Les bourses ont chuté de plus de moitié, l’économie réelle s’arrête progressivement et détruirait actuellement un million d’emplois par jour. Nos lecteurs constateront que leur journal ne contient aujourd’hui aucune publicité, pour la première fois de son histoire. La coopération internationale tourne à l’affrontement, à un moment où le monde n’a probablement jamais eu autant besoin de consensus. La pause d’hier dans la montée des spéculations financières évoque à ce journal une autre parenthèse : celle du 25 décembre 1914. Le temps d’une nuit de Noël, de la mer du Nord jusqu’à la frontière Suisse, les soldats des deux côtés d’un front de presque 500 kilomètres avaient fraternisé. Et puis, très vite, politiques et généraux avaient fait repartir canons et mitrailleuses, forçant l’Europe à reprendre son interminable suicide au ralenti. Ce journal a toujours défendu le libre jeu des marchés financiers. Mais il est difficile aujourd’hui d’en ignorer les terribles limites. Puissent politiques et financiers entendre l’appel à la raison de ce 4 juillet. 38 jours auparavant, le mardi 29 mai « La canicule s’installe sur Paris – trois personnes âgées sont encore mortes hier en région parisienne. » Le Parisien Il lui mentait. C’était peut-être la trentième fois qu’Eric posait la question. Et donc la trentième fois qu’il recevait la même réponse. Mais cette fois-là était différente… Eric n’aurait pas pu dire ce qui l’avait mis sur la piste. Quelque chose probablement dans le regard de son collègue quand il lui avait répondu « rien d’inquiétant ». Charles lui mentait. Quelque part dans l’économie mondiale une lampe rouge venait de s’allumer qui disait que la crise était imminente. Eric Pothier n’était pas un banquier classique : il s’était donné une mission. Eric était convaincu qu’une crise financière allait bientôt submerger l’économie mondiale, bien plus grave que les précédentes ; qu’elle serait due à la spéculation bancaire ; et que c’était son rôle de mettre en garde ses collègues banquiers. Il poursuivait cette crise comme le capitaine Achab poursuivait Moby Dick. Les crises reviennent, comme les baleines : il recroiserait sa route. Aujourd’hui, il était sûr de l’avoir vue souffler. Eric avait institué un petit rituel, à la fin de chaque comité mensuel des risques de la Banefi, le comité censé balayer les grands risques de la banque : il demandait à son collègue, le directeur des marchés, Charles Enjolas, -Charles, vois-tu venir quelque chose d’inquiétant sur tes radars ? Et ce mardi, quand Charles avait répondu son habituel « rien d’inquiétant », Eric avait eu la brusque intuition qu’il lui mentait. Il essaya de se souvenir du début du comité des risques. C’était facile, la réunion avait été particulièrement terne : tous les indicateurs de la banque étaient au vert tendre… sauf ce comté américain. Il vérifia, -Charles, ce comté américain dont tu nous parlais tout-à-l’heure… -Foxwell, compléta Enjolas en souriant -Oui, Foxwell. Tu nous as dit qu’il allait sans doute faire faillite. Il doit ressembler à beaucoup d’autres collectivités locales américaines, non ? -Beaucoup, en effet. -Et le total des prêts aux collectivités locales américaines est gigantesque ? -Trois mille milliards : le marché des Munis pèse trois mille milliards de dollars. Enjolas prononçait « muniz », l’abréviation de « municipal bonds » : les obligations des collectivités locales américaines. Ceux qui avaient acheté ces obligations municipales avaient prêté aux villes, aux comtés ou aux états américains. Enjolas, le directeur des marchés, répondait de manière directe, sympathique. Il était d’ailleurs presque toujours amical et souriant. Eric le comparait à un chat : le poil souple et bien tenu, caressant, le mammifère avec lequel on se sent en empathie complète. Et puis un jour, quand on le surprend à déchiqueter vivant un oisillon avec le même air intéressé, appliqué et joueur, on mesure les dangers de l’empathie mal placée. Enjolas était ouvert, d’excellent contact, mais sans scrupules. Et avide. Comme un petit animal. Il en était à sa troisième banque et avait plus que doublé sa rémunération à chaque changement. L’année précédente il avait touché dix-sept millions d’euros, partie en cash, partie en actions : c’était plus que le président de la Banefi, Lenoir, et son directeur général, Gonon, additionnés. -Et donc, poursuivait méthodiquement Eric, cette faillite va inquiéter beaucoup d’investisseurs qui ont des Munis ? Le physique austère d’Eric, légèrement prophétique, cadrait bien avec la mission qu’il s’était attribuée : grand, maigre, des cheveux gris bouclés, des yeux sombres enfoncés dans le visage. Son élocution aussi, rapide, passionnée, vous mettait sur la piste. Eric était athée, mais on l’imaginait facilement montant en chaire. Eric s’entendait plutôt bien avec Enjolas, mais il agaçait certains de ses collègues : un banquier n’est déjà pas forcément facile à vivre, alors un banquier avec une mission… Achab à la poursuite de sa baleine ne devait pas être agréable tous les jours non plus. Enjolas voyait parfaitement où Eric voulait en venir. Il se mit à rire. -Arrête l’interrogatoire, Eric, j’avoue ! C’est vrai, il y a pas mal de collectivités locales américaines qui voudraient bien se mettre en faillite. Leurs contribuables riches sont partis, les pauvres sont au chômage, ils n’ont plus de base fiscale. Les fonds de pension de leurs fonctionnaires sont vides. Aucune n’a encore trouvé l’astuce juridique pour arrêter de rembourser sans trop de risques pour ses élus. Si le système de Foxwell tient la route, elles vont se reposer la question. Et tous ceux qui détiennent des Munis vont s’inquiéter. -Cela ne te gênerait pas vraiment… Enjolas jeta un regard de connivence à Eric. -Ce serait une excellente nouvelle pour la banque. Les Munis sont un gros marché sans aucun intérêt : beaucoup trop stable. S’il bougeait, on commencerait à s’amuser et à gagner un peu d’argent. Enjolas donnait à tout ce qu’il faisait l’air d’un jeu, exactement comme un jeune chat. -C’est gentil de te préoccuper des marchés, Eric. Gonon, le directeur général de la banque, et à ce titre président du comité des risques, venait s’interposer dans leur dialogue, visiblement mécontent. Mais il était toujours mécontent. Eric le comparait à ces poules hirsutes à qui une couronne de plumes dressées en bataille sur la tête donne l’air perpétuellement furieux, comme si on venait de leur marcher sur la patte. Gonon était une énorme poule hirsute d’un mètre quatre-vingt-dix, avec l’œil noir et la silhouette massive d’un empereur romain de la décadence.

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Commentaires

Merci beaucoup pour votre intérêt. Mon idée en écrivant ce roman était de produire un "carton rouge" à la banque spéculative, et donc mon objectif est de diffuser au maximum 555. C'est une première action concrête, pour ouvrir un débat qui est particulièrement en retard en France: vous pouvez m'y aider, et tous les membres des vigilants. Le buzz commence bien, après une interview sur BFM mardi (podcastable sur http://direct-radio.fr/BFM/podcast/Hedwige-Chevrillon/Le-12-15) je passe ce soir à 20.10 et 21.10 sur LCI, et la semaine prochaine sur Europe 1.
Au delà, tout à fait d'accord sur l'idée d'un groupe Vigilants sur le thème que vous indiquez. C'est une menace majeure qui rentre complètement dans les missions du Club. Jérôme Cazes

Bonjour Jérôme

Comme vous, et comme maintenant beaucoup de gens, je suis extrêmement inquiet au sujet du dérèglement financier international. Mais la machine perverse et folle semble impossible à arrêter...

On peut suspecter les politiques de mollesse ou de compromission envers le lobby financier ; on peut constater que les financiers eux mêmes sont convaincus que ce système sert l'intérêt général plus que leur intérêt personnel, comme sont convaincus les représentants de toute corporation du service qu'ils rendent et de la nécessité de préserver les privilèges de cette corporation.

Mais on ne peut plus rester les bras croisés devant les risques graves que fait courir l'emballement de cette machine à l'ensemble de l'économie mondiale et donc à tous les particuliers de cette terre.

Bravo pour avoir écrit ce roman. Mais ne devons nous pas aussi (et enfin) agir ? sous quelle forme direz vous ?

C'est exactement le débat...

Je propose la création d'un groupe de travail sur "comment peut on arrêter la folie financière".
Je ne suis pas financier, mais je me sens très concerné...
Clémenceau disait "la guerre est une chose trop sérieuse pour qu'on la confie aux militaires". La finance serait elle une chose trop grave pour qu'on la confie aux financiers ? pour ma part j'en suis sûr...

Cordialement

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