La logique de pénurie

PenurieCette petite information est une des plus marquantes des dernières semaines : aux Pays-Bas une pénurie de lait en poudre serait due à l’accaparement des stocks par des « trafiquants chinois ». L’information semble pour le moment largement invérifiable mais elle signale un changement d’époque.

Il ne s’agit plus d’industriels inquiets du quasi monopole chinois sur les terres rares ou de milliers d’hectares de terres arables achetés ou loués à Madagascar, en Amazonie ou en Ukraine. Il s’agit d’un produit banal de notre vie quotidienne d’occidentaux capitalistes qui menace de disparaître des rayons du supermarché. Alors même que le monde ne vit pas en ce moment de pénurie alimentaire globale comme il en est menacé périodiquement.

Le signal semble clair. Nous allons vivre désormais dans deux logiques parallèles, celle de l’abondance qui fait qu’on s’inquiète des débouchés (bientôt les soldes !) et celle de la pénurie qui fait qu’on s’inquiète des approvisionnements.

Du coup on est amené à accorder plus d’importance à d’autres signaux. Le gaz, dont l’abondance modifie l’équation énergétique américaine, les Européens ne peuvent pas l’acheter tout simplement. Il faut montrer patte blanche et passer par un processus complexe d’autorisation aux Etats-Unis. L’accès aux matières premières et pas seulement leur prix devient déjà pour certains groupes un sujet « très stratégique » relevant de la responsabilité du grand patron. C’est ce que dit par exemple Jean-Dominique Senard, le patron de Michelin.

Les conséquences sont multiples et pas forcément négatives. Gageons que dans les négociations commerciales internationales le « refus de vendre » deviendra un sujet et qu’à l’OMC et dans les autres négociations commerciales on devrait parler d’ouverture des frontières dans les deux sens. En politique internationale comme en politique nationale on va se remettre à parler de secteurs ou de matières premières « stratégiques » comme on avait largement cessé de le faire. L’intervention de l’Etat en économie sera d’autant plus tolérée, voire souhaitée. Le long terme va retrouver ses droits car c’est à long terme que s’organisent les approvisionnements stratégiques. Pour peu que les politiques y mettent un peu du leur, on sera alors étonné de voir comment les entreprises intègrent dans leurs stratégies ces notions de rareté et le fait que notre planète n’est pas extensible.

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