« Mourir de faim au milieu d’une belle nature c’est mal. Manger à sa faim au milieu d’une nature polluée, ce n’est pas bien ». Ainsi a parlé Li Keqiang * lors de sa première intervention publique après son accession au poste de Premier ministre. Auparavant, Xi Jinping *, le nouveau Président, avait mis l’accent sur la lutte contre la corruption : « nous ne chasserons pas seulement les mouches, nous nous en prendrons aussi aux tigres » a-t-il promis.
Pollution, corruption, ces fléaux ont déjà fait l’objet de nombreux discours mais l’affichage de leur priorité marque un tournant dans la politique de modernisation lancée par Deng Xiaoping en 1978 et suivie, depuis lors par tous ses successeurs. Pour assurer le décollage économique et faire de la Chine l’atelier du monde, il fallait accumuler du capital en pressurant la main d’œuvre et ne pas reculer devant des dégâts environnementaux. Il fallait aussi accepter que se creusent des inégalités. « Etre riche c’est glorieux » était, curieusement, devenu une maxime communiste.
Les résultats ont été éblouissants mais le modèle, axé sur l’exportation, commence à s’essouffler. De plus, les Chinois se mettent à contester. Les « incidents de masse » (chez nous on appellerait ça des révoltes) se multiplient. Des cadres du parti, surtout locaux, sont de plus en plus critiqués et parfois malmenés. Tout se passe comme si le régime entrait dans une zone de turbulence. Certains en déduisent, notamment en Occident, qu’une transition vers plus de démocratie est inévitable et que celle-ci ne saurait s’accomplir sans douleur. Est-ce à dire que les révolutionnaires d’antan vont eux-mêmes être victimes d’une révolution et qu’un « printemps chinois » va les empêcher de mener à bien des réformes suffisantes pour sauver ce qu’ils considèrent être l’essentiel ? C’est loin d’être sûr.
La démocratie à l’occidentale n’est pas, à proprement parler, un rêve chinois et nul ne peut contester que d’immenses progrès ont été accomplis en une génération. D’où la question : comment organiser une participation citoyenne sans avoir à recourir à des élections pluralistes ? Li Keqiang, le nouveau Premier ministre, a déclaré qu’il était prêt à « accepter la supervision de l’ensemble de la société et des médias ». En clair, cela signifie qu’Internet pourra sans contraintes exprimer les mécontentements populaires et que les dirigeants s’efforceront d’y remédier. « Nous allons faire des aspirations du peuple à une vie meilleure notre mission sacrée » a-t-il précisé. C’est la deuxième phase d’un despotisme qui, pour survivre, devra être de plus en plus éclairé.
* Xi Jinping (à gauche) et Li Kegiang (à droite)
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