Esprit d’œuvre

080408-Capitalisme1.jpgLa vulnérabilité d’un capitalisme centré sur la finance et le court terme éclate au grand jour. La crise risque d’être grave mais aura du bon si, dans le cadre de l’économie de marché, elle incite à repenser la notion d’entreprise, à réhabiliter le concept de « communauté de personnes ». Il s’agit de transformer une « main d’œuvre » démotivée en équipes animées d’esprit d’œuvre. Dans la mesure de ses moyens, le Club s’efforcera de contribuer au nécessaire débat.

Share

Commentaires

Il ne se passe pas une semaine sans que je rencontre un responsable de production ou une personne oeuvrant dans des secteurs dont des pans entiers ont été gérés selon la logique du profit à court terme, et qui m'avouent leur crainte de voir la situation relative à leur secteur devenir un jour ou l'autre ingérable.

Prenons par exemple la délocalisation de biens ou de services vers des pays à bas coûts, en Asie par exemple. Cela est une stratégie gagnante à court terme, mais très probablement perdante à moyen ou long terme, compte-tenu de la nature et de l'ampleur des risques associés (contrefaçon, perte de contrôle de la production, etc.). Certaines sociétés en ont déjà fait les frais, et d'autres suivront. Et à chaque fois cela mêne à des séries de gestion de crise pour tenter - à grands frais bien souvent - de s'extirper de la situation délicate.

"Situation de crise", "Gestion de crise" : Ce sont des termes dont j'entends de plus en plus souvent l'évocation autour de moi. La gestion à court terme est bien souvent génératrice de crises, le manque d'anticipation et de vision étant un facteur déclencheur.

Revoir la manière de gérer non seulement l'économie, mais peut-être également les modes de vie, en contrecarrant les idées reçues liées à la performance et le court terme pour également prendre en compte la sécurité et le long terme, c'est savoir ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, c'est savoir imiter la nature : Ce sont des facteurs tels que la diversité et le (très) long terme qui ont permis à la nature - et donc notre environnement - de devenir tels qu'ils sont, extrêmements sophistiqués.

Avoir une vision à court terme et une vision monolithique (généralement plus performante et permettant de rationnaliser), c'est avoir une stratégie risquée. Savoir diversifier et penser aux aspects lointains dans le temps, c'est adopter une vision pérenne, profitable à un plus grand nombre.

Pour ajouter de l'eau au moulin, sur un thème parallèle, une discussion ce soir avec des collègues au sujet des politiques de ressources humaines en vigueur dans de nombreuses sociétés françaises démontrait ce problème. La consigne est bien souvent directe : en focalisant exclusivement sur les jeunes diplômés, et excluant les seniors plus expérimentés, les cabinets RH illustrent la stratégie du court terme, de la performance immédiate mais oublient le rôle important du "sage" visionnaire qui , de part son expérience passée, préviendra les erreurs fatales.

Pour en revenir au sujet, cette notion d'esprit d'oeuvre que le Club souhaite porter me semble excellente, et je ne peux qu'en encourager l'initiative.

A propos de communauté de personnes, je me rappelle ma lecture, il y a bien longtemps d'un ouvrage d'Henri Lespès intitulé "L'usine sans âme".

Le thème en était, bien sûr, la dépersonnalisation du travail que les générations de la première automatisation des tâches percevait au quotidien et entrevoyait comme seul horizon ...

Puis est venu la mode de l'enrichissement des tâches, des ateliers flexibles, des équipes gagnantes, des projets, etc.

Cela a remis, momentanément, l'homme sinon au centre mais dans le territoire de l'entreprise.

Le niveau de vie a augmenté pour tous et donc le prix de revient de chacun.
Les besoins du public dans les sociétés mâtures ont fini de croître de manière exponentielle, annonçant la saturation des marchés domestiques.

Le gain premier dû à l'automatisation massive a trouvé ses limites dans les entreprises privées. L'optimisation des tâches a été remplacée par la suppression des tâches puis, lorsque cela était impossible, par la diminution irréversible du coût des tâches.

L'automatisation productiviste était un investissement dont l'effet se voyait lors de sa mise en oeuvre dans le temps (la durée d'utilisation ) et non par sa seule application.

La baisse des charges a un effet immédiat qui cache le fait que des charges ne sont pas seulement des coûts mais des hommes, des dispositifs, des moyens disponibles pour une future croissance...

Aujourd'hui, son effet se mesure à la marge dans bien des secteurs économiques "mâtures" et la sauvegarde des marges passe pas la diminution drastique des coûts directs, dont les salaires des productifs. Cette diminution trouvant son optimum dans l'externalisation offshore en des pays à bas coûts salariaux, lorsque cela est possible.

Pendant de temps là, l'objectif de ceux qui disposaient de revenus solides et de réserves financières était de les conserver dans une monnaie dont la valeur comparée aux autres était le plus stable possible, grâce à une guerre systématique et parfois idolâtre à l'inflation !

La chasse au gaspi a été remplacé par la chasse au papi !

L'embauche des jeunes diplômés et uniquement d'eux a correspondu à une recherche de "consommation immédiate" de la part d'entreprises qui, certes, pariaient sur leur potentiel d'évolution mais, souvent, sans se donner les moyens financiers de faire évoluer ce potentiel.

La formation était vue comme une charge directe, une dépense pure et simple, un facteur de perte plutôt que de profit (sauf exceptions pour certaines entreprises...).

Jusqu'où cet état d'esprit ira-t-il dans nos sociétés développées ? Nul ne le sait. Mais je parie que bientôt l'Homme redeviendra utile, si ce n'est nécessaire, et que sa "valeur" d'investissement redeviendra à l'ordre du jour.

L'usine "sans âme" ne sera pas devenu l'usine "sans homme" et toutes les pendules du monde devront revenir à l'heure !

Ajouter un commentaire