La recherche spatiale en pleine métamorphose ?

Jacques Blamont, astrophysicien de renom, membre de l’Académie des sciences, acteur depuis toujours de l’innovation spatiale,  propose de mettre en place ce qu’il appelle une « Fédération spatiale wikinomique », système de production collaborative d’un genre nouveau qui, grâce aux réseaux, associerait les acteurs historiques de la recherche spatiale à des acteurs « non spatiaux » pour produire des innovations.

Sensibilisé il y a une dizaine d’années à l’idée (développée par Don Tapscott et Antony Williams dans leur livre « Wikinomics ») qu’il existe sur le web des foules de compétences inemployées (économiquement), il imagine un système qui permette de tirer parti tout à la fois de la « génération internet », des mouvements hackers et makers, des fablabs, et… de tous les amateurs qui innovent, en s’appuyant sur les évolutions récentes que le paysage industriel mondial connaît à travers les révolutions de  l’industrie 4D.

Concrètement, son objectif est de faire en sorte que des agences spatiales traditionnelles (ESA, CNES) prennent l’initiative de création d’une vaste plateforme virtuelle mondiale qui, grâce aux réseaux sociaux, jouerait le rôle d’une sorte de « direction des programmes ». Celle-ci, s’appuyant sur les pratiques d’excellence des agences, grands acteurs traditionnels de l’espace, fédèrerait et guiderait des initiatives aujourd’hui désordonnées en faisant participer aux missions spatiales des « acteurs non spatiaux ».
A travers cette Fédération spatiale wikinomique, il s’agit de faire participer à la recherche spatiale, de manière coordonnée, ceux qui, de facto, contribuent aujourd’hui à l’innovation mais sans que, pour l’instant, il n’en résulte selon Blamont autre chose qu’un « vaste mouvement brownien sans résultante significative ».

Pour l’observateur de la métamorphose de nos sociétés (décrite par Alain de Vulpian dans « Eloge de la métamorphose. En marche vers une nouvelle humanité »), cette initiative semble en constituer un véritable « symptôme ».
En s’appuyant sur certaines des caractéristiques majeures de cette métamorphose, ce projet de mise en place d’une sorte de « gouvernance mondiale de la recherche spatiale », entretient (soigne) celles-ci, leur donnant en quelque sorte un « coup de pouce » pour qu’un mouvement informel et peu structuré par nature puisse accoucher de réalisations concrètes et innovantes. Il épouse l’émergence d’une nouvelle « société des gens », auto-organisée en réseaux souples et mobiles, favorisée par le développement très rapide des technologies de communisation interpersonnelles. Les hackers, makers et fablabs du monde entier en sont une éclatante  illustration. Ils font partie de ces « nouveaux animaux » décrits par Vulpian, qui émergent ici et là, transforment le tissu social et font naître une nouvelle société.
Cette société nouvelle est à l’affût des « facilitateurs de connexions ». Car elle fonctionne de plain-pied, dans l’horizontalité et non plus entravée par des organisations hiérarchiques dans lesquels des personnes de plus en plus autonomes ne trouvent plus leur compte (c’est un euphémisme…).

La perception de ces forces « naturelles » (et potentiellement très innovantes) conduit ainsi  Blamont à jour le rôle de facilitateur de l’intelligence collective, en imaginant un projet susceptible d’alimenter cette auto-organisation spontanée, tout en lui donnant un minimum de cadrage, de régulations, indispensables dans le secteur de pointe que constitue la recherche spatiale.

Ce projet constitue encore une possible traduction, dans le secteur spatial, de ce que Vulpian qualifie de « société comme un cerveau », qui a la particularité de rassembler, faire interagir, dans un même ensemble connecté, et sans prééminence (à la différence du concept classique de « subsidiarité ») les trois niveaux d’action : le micro, le macro et le global. C’est à cette condition que la société métamorphosée fonctionne.

La « fédération spatiale wikinomique » permettra-t-elle à la nouvelle socio-économie en construction de s’affirmer ? C’est en tout cas le pari fait, conscient ou non. Et grâce à cela, en matière spatiale au moins, la métamorphose pourrait bien se traduire de manière… planétaire !

 

Pour en savoir plus sur la Fédération spatiale wikinomique, vous pouvez lire l'article de Jacques Blamont paru dans la revue de l'Association Aéronautique et Astronautique de France

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