Bruno Piriou : être maire en 2022

Date de la venue de l'invité: 
Jeudi, 24 mars, 2022
Bruno Piriou : être maire en 2022 (extraits)

La société française bouge beaucoup, le pays est en profonde transformation.  Qu’est-ce que son expérience de la politique et du "terrain" enseignent à Bruno Piriou, maire de Corbeil-Essonnes, sur le rôle d'un maire aujourd’hui ?

Ce qu’il évoque en premier est le phénomène de déstructuration de la vie politique française. En quelques décennies on a assisté à la quasi disparition des corps intermédiaires classiques (partis politiques, syndicats, associations). Le maire, lui, est toujours là et se retrouve ainsi en quelque sorte en ligne directe avec les habitants.
Pour Bruno Piriou ceci fait courir le risque que soient entretenus des « citoyens-consommateurs », interpelant le maire tous les jours pour des problèmes de voirie, de crèches, etc. Et, c’est ce qu’il sous-entend, de le faire ainsi crouler sous des demandes particulières sans qu’il puisse véritablement prendre le temps de s’intéresser à l’intérêt collectif et dégager une vision globale pour la ville.
Car pour lui, une ville, ce sont des « quartiers connectés », des « problématiques transversales », « des transports, des services publics à bien répartir sur la commune », « des centres villes à restaurer » (vs les centres commerciaux). Il s’agit de réfléchir aux sujets comme l’urbanisme de manière globale et « pas seulement en s’attaquant au problème d’un petit coin de rue ». Avoir une pensée globale du territoire et de la ville dans son territoire.

Il évoque à de nombreuses reprises le fonctionnement de notre système démocratique actuel et sa conviction née de son expérience "du terrain" de la nécessité vitale d’une place plus importante donnée au citoyen dans les institutions démocratiques.

Ainsi les abstentions records aux élections municipales interrogent la légitimité-même du maire. Il le dit lui-même, avec une abstention à 65%, son équipe a été élue avec 16% des suffrages des habitants inscrits sur les listes ! Selon lui cette abstention est le signe que « les gens » acceptent de moins en moins de confier le pouvoir à un homme[1] seul et de lui donner en quelque sorte un « chèque en blanc » pour toute la durée de son mandat.
Il confie ainsi son projet de faire une sorte de "bilan de mi-mandat" en interrogeant les habitants de Corbeil-Essonnes. Pas via des sondages, qui lui semblent un bon moyen d’éviter le débat, mais avec de vrais échanges, des réunions publiques. Car « dès qu’on leur donne la parole, les gens sont porteurs d’idées ». Il imagine ainsi leur demande d’évaluer ce qui a été fait, leurs idées de ce qu’il faut améliorer, leurs « nouvelles exigences », les actions à mettre en place.es. Même si, à la fin, « c’est le maire qui tranche », cette idée d’un dialogue semble profondément ancrée dans sa vision du fonctionnement politique moderne, dans lequel la fonction du maire est de faire vivre notre devise républicaine "Liberté-Egalité-Fraternité".

Invité à donner son parrainage pour les aux élections présidentielles, lui-même se dit avoir été incapable de le faire[2] : tous les candidats « prétendaient avoir un programme parfait, je n’y crois pas ». Car « on ne peut prétendre résoudre les problèmes sans que les citoyens eux-mêmes s’en mêlent ». Ou, dit autrement : « On ne fait pas le bonheur des Hommes malgré eux » ! Pour cet ancien communiste (membre des jeunesses communiste dès son adolescence, il a quitté le parti communiste en 2013), c’est cet « idéal du commun » qui a donné naissance à deux des systèmes les plus effrayants : le capitalisme et les pays dits « communistes » …

Aujourd’hui, quand on est maire, et Benoît Piriou emploie plusieurs fois ce terme, il s’agit « d’animer » la ville, de « faire ville », de « fabriquer de la ville ». Et de le faire en faisant participer les habitants aux décisions qui les concernent. C’est sa conviction et il essaye de se donner les moyens de la traduire dans les actes (il cite ainsi lors des échanges plusieurs exemples concrets de « dialogues » organisés avec les habitants pour aboutir à des solutions consensuelles sur des questions d’aménagement local et d’urbanisme). Et comme « la participation cela ne s’improvise pas », il fait appel à des professionnels pour animer les débats et donner la parole aux habitants.

Et Bruno Piriou appelle de ses vœux une vie politique nationale donnant elle aussi plus de place à la participation des citoyens sur les sujets qui les concernent très directement (âge de la retraite, enseignement, …).

In fine, pour Bruno Piriou, le maire, les maires, sont aujourd’hui (et peut-être encore plus qu’auparavant) une espèce de rouage indispensable à la vie politique. S’il en fallait une preuve, c’est la manière dont, quand des crises adviennent, on fait appel à eux pour aider à les résoudre. Avec la "crise des gilets jaunes", la pandémie du Covid, la guerre en Ukraine, « à qui a-t-on fait appel [pour organiser le Grand débat, pour déployer la vaccination, pour s’occuper de l’accueil des réfugiés] ? Aux maires ! ».

Les maires sont ainsi un recours. Mais, et il l’évoque cela plus ou moins explicitement à plusieurs reprises, ils ne sont pas dotés des moyens financiers nécessaires, avec des milliards d’euros de dotations perdus pour les collectivités territoriales depuis des années…

Remarque : le Club des vigilants, très attaché à tout ce qui pourrait permettre de revitaliser la démocratie en France, s’intéresse particulièrement à toutes les initiatives que nous avons appelées « de démocratie concrète ». C’est sur ces points que l’intervention de Bruno Piriou nous a semblé particulièrement intéressante mais nous vous incitons à visionner la vidéo intégrale de ce webinaire au cours duquel il a évoqué bien d’autres sujets ….

Quelques mots sur le parcours de Bruno Piriou

Issu d'une famille ouvrière et communiste, il s'oriente très tôt vers la politique en adhérant aux Jeunesses communistes. En 1986, après des études à Tolbiac, il devient le directeur de cabinet du maire historique de Corbeil (de 1959 à 1992), le communiste Roger Combrisson.
Opposant de toujours de feu Serge Dassault, élu conseiller cantonal (aux Tarterêts) en 1998 et vice-président du Conseil départemental de l’Essonne de 2001 à 2015, il a tenté sans succès à plusieurs reprises de remporter les élections municipales à Corbeil-Essonnes, "sa ville". Il en est finalement élu maire en juin 2020 en menant une liste sans étiquette de rassemblement de la gauche et des écologistes (il a démissionné du PCF en 2013).
Il est également aujourd'hui vice-président en charge du renouvellement urbain de Grand Paris Sud.

En 2016 association Anticor lui a remis un prix éthique pour avoir lancé l’alerte contre le système d’achats de voix à Corbeil-Essonnes, un véritable combat que Bruno Piriou décrit dans un livre : "L'argent maudit" (édité chez Fayard).

 


[1] Il précise de lui-même qu’il parle d’homme car il y a peu de femmes en politique…

[2] Le 31 décembre 2021 il publie une tribune dans Libération pour s’en expliquer https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/au-dela-de-la-presidentielle-20211231_VWOCFIJMWZE2HE3PRDRMCHEPXA/

 

Bruno Piriou : être maire en 2022 (intégrale)
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