La recherche

Enjeu vital pour la France et l’Europe La situation de la recherche et des sciences ne cesse de se dégrader. C’est le cas en France. C’est plus largement le cas en Europe. L’écart technologique avec les Etats-Unis ne cesse de se creuser. La guerre en Irak l’a, encore une fois, fortement illustré. Il se creuse également avec le Japon qui, malgré le marasme économique qu’il subit depuis le début des années 90, mise résolument sur le développement des sciences et augmente d’une manière significative ses dépenses de recherche et développement (R&D). Or, jusqu’ici ni les politiques nationales de recherche, ni la politique de l’Union ne sont ? la hauteur de l’enjeu. A titre d’exemple, la France se situait, en 1992, au quatrième rang des pays de l'OCDE pour les dépenses de R&D rapportées au PIB. Aujourd’hui, les Etats-Unis consacrent 2,8% de leur PIB ? la recherche contre une moyenne européenne de 1,9%. Avec 2,2%, la France se retrouve reléguée ? la sixième place. Il ne s’agit pas seulement de moyens. Les structures de recherche, trop lourdes, plus pesantes, sont devenues moins efficaces. Si rien n’est fait, l’écart technologique ira grandissant. Comment en est-on arrivé l? ?

Jeune chercheur, puis directeur d’une équipe de recherche et pour finir Administrateur du Collège de France, j’ai eu, tout au long de ma carrière, trois regards différents sur la recherche en France. Comme jeune chercheur formé ? l’Institut Pasteur, je suis parti très vite aux Etats-Unis dans le plus grand centre de recherche médical américain, le NIH (National Institute for Health). A mon retour, j’ai eu ? l’âge de 30 ans, le privilège de former un groupe de neuropharmacologie au Collège de France. Aujourd’hui, les jeunes chercheurs ont des difficultés immenses ? arriver suffisamment tôt ? des postes de responsabilité, ? développer leur pensée, leur domaine de recherche ... Résultat : une désaffection des jeunes pour la recherche ou le départ vers des laboratoires étrangers, en particulier aux Etats-Unis. Plus tard, lorsque, ? 35 ans, je deviens directeur d’une équipe de recherche en neuropharmacologie, l’expérience de mon séjour américain (1963-1965) me fut d’une grande utilité. Elle m’apprit que l’environnement humain est déterminant. Elle m’apprit également la rapidité, l'efficacité, la capacité de réactivité. Elle m’apprit surtout que l’abolition des frontières entre les personnes diplômées et celles qui ne le sont pas peut être très féconde. Mon patron de l’époque le docteur Axelrod, devenu prix Nobel en 1972, était encore technicien quatre ans avant mon arrivée dans ce pays. Il n’avait pas de diplôme. Il avait des capacités. On lui a donné les possibilités de s’exprimer. Dans notre pays de « diplômite » aiguë, c’est impensable. Plus grave encore, le système de castes perdure : trop peu de gens font de la recherche dans nos 144 grandes écoles. La plus grande partie de l’élite de ce pays, qu’elle soit politique ou industrielle ne passe donc pas par la recherche. Le point commun entre plusieurs entreprises de notre pays : leurs centres de décision, leurs directions ne comptent aucun chercheur, ? l’inverse de ce qui se passe aux Etats-Unis ou en Allemagne. Or, la dévalorisation de la recherche, c’est la dévalorisation de l’avenir, celle de notre pays et celle de nos enfants. La recherche n’a pas besoin de grandes réformes générales. Elle a juste besoin que l’on donne un plus grand degré de liberté aux acteurs, que l’on accepte leurs différences et que l’on sache en tirer parti. Les capacités d’action et d’anticipation, fondements d’une recherche dynamique, sont liées ? la responsabilité accordée aux acteurs. Les problèmes de la recherche en France se retrouvent, ? des degrés divers, dans les autres pays européens. D’où l’importance, ? côté de politiques nationales fortes, d’une politique volontariste de la recherche européenne. Des investissements considérables sont nécessaires pour réduire l’écart en terme de R&D et faire de l’Union « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici 2010 » comme les Quinze s’y étaient engagés lors du sommet de Lisbonne en 2000. Pour atteindre l'objectif de 3% du PIB en 2010 fixé par les chefs d'Etat de l'UE, lors du sommet de Barcelone en 2001, les investissements de recherche doivent croître de 8% en moyenne chaque année. Les gouvernements sont-ils prêts ? sortir de l’incantation et ? relever le défi ? Il y va de la place et de l’identité de chaque pays. Il y va aussi de la place de l’Europe dans le monde.

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Commentaires

En lisant le message très fort de M. Glowinski, il m’est revenu en mémoire la petite phrase pleine d’humour et de bon sens qu’un des invités du Club des Vigilants nous avait glissée ? l’oreille : « on a pas inventé les ampoules électriques, en cherchant ? améliorer la bougie !!!".
Dans cette phrase se résume beaucoup de choses : l’importance de la diversité, du décloisonnement, des échanges entre chercheurs et domaines de recherche …

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