De Kerviel à Lehman Brothers…

081017-LehmanBrothers.jpgLa présente crise financière a son origine immédiate aux Etats-Unis, plus spécifiquement dans le scandale des « subprimes ».  Au mépris de toute règle morale et éthique, des établissements financiers avaient prêté des sommes faramineuses à des acquéreurs immobiliers qui devaient se révéler insolvables au moindre retournement de conjoncture.

Que ces organismes subissent les conséquences de leur esprit de lucre ne saurait provoquer nos larmes ; il n’en n’est pas de même pour les malheureuses victimes qui se retrouvent à la rue. 

Comment ce problème strictement américain est-il devenu une crise mondiale ? La réponse à cette question est fondamentale pour éviter toute récidive. Les plans de sauvetage, les « bailouts », de centaines de milliards de Dollars et d’Euros ne font que soigner les symptômes, sinon conforter le système, sans s’attaquer au mécanisme de propagation de la pandémie. En dehors des Etats-Unis peu de monde s’est penché sur ce phénomène ; aucun responsable politique ou économique n’a vraiment identifié publiquement les causes du mal (hormis les financements immobiliers acrobatiques). Seul Jacques Attali en a fait clairement mention mais fort discrètement. Le sujet est en effet aride, technique et fort complexe. 

Les établissements financiers américains à l’origine des « subprimes » ont repassé une grande partie des risques (il y a là véritablement escroquerie) en utilisant tout un panel d’outils financiers sophistiqués : titrisation et produits dits dérivés. Ces produits sont basés sur des modèles mathématiques de simulation de transactions à terme.  Les marchés à terme ne sont pas une invention récente puisque les premiers virent le jour aux Etats-Unis et en Angleterre à la fin du XIXeme siècle. Leur but, louable, était de protéger contre les fluctuations de cours des matières premières, à l’origine agricoles (pommes de terre, blé) ou minières (cuivre, zinc), commerçants et industriels soumis aux aléas de variations de prix. Le pétrole devint un des marchés à terme les plus importants. Entre le moment où un raffineur achète une cargaison de brut et la vente des produits raffinés il peut s’écouler de nombreuses semaines (transport, raffinage, stockage) pendant lesquelles les cours des produits peuvent varier. Les marchés à terme permettent de bloquer la marge économique au moment de la prise de décision.  

Tout cela fonctionnait bien (mis à part quelques scandales provoqués par de purs spéculateurs) jusqu’au jour (années 80) où des banques devinrent des intervenants majeurs sur ces marchés, à la grande perplexité des professionnels des matières premières.  De « market makers » sur le pétrole ou l’aluminium, les banques se lancèrent dans des transactions à terme sur des produits strictement financiers, non adossés à un produit physique, de plus en plus complexes sinon inintelligibles par les non mathématiciens. Ce fut l’âge d’or des « golden boys » et les salles de marchés se remplirent de polytechniciens et de centraliens (du moins en France…).  

Des voix s’élevèrent dans les années 90 aux Etats-Unis contre ces dérives, les « derivatives » échappant à tout contrôle. Warren Buffett déclara, dans l’indifférence générale, que les « quants » (pour : quantitatives - concepteurs de produits dérivés) avaient entre leurs mains des armes de destruction massive (à quand un T.N.P. dans la finance ?). Ne dit-on pas qu’il n’y a que 20 personnes au Monde capables de comprendre et maîtriser certains produits dérivés qui véhiculent des milliards de dollars ? 

Avec le soutien actif d’Alan Greenspan, l’administration Bush torpilla tous les projets de régulation élaborés par certains membres du Congrès. Georges W. Bush ira même jusqu’à signer une loi exonérant les produits dérivés du règlement de la Commodity Futures Trading Commission. On sait malheureusement ce qu’il en advint. 

Les « quants », à l’admiration béate de leurs directions générales, mirent au point des outils de plus en plus complexes et empochèrent des bonus indécents. Le cours de mathématiques financières de Mme Karoui devint un must (voir le site : www.maths-fi.com/devenirquant.asp). Les rares commentaires, embarrassés, de madame le professeur à l’Ecole Polytechnique sur la crise actuelle sont fort intéressants. 

Des banques, aveuglées par les « performances » de leurs traders), ne mirent même pas en place les instruments habituels de contrôle des salles de marché. Seul comptait le : Toujours plus ! D’où l’affaire Kerviel, traité par Bouton de « terroriste » (sic). Des produits dérivés, qualifiés aujourd’hui de toxiques, fondamentalement de même nature que ceux manipulés par Kerviel, propagèrent de part le monde les risques inhérents des subprimes. 

Au début il y a un problème de morale : prêter sciemment de l’argent à des gens potentiellement insolvables, suivi par une absence totale d’éthique et de prudence. 

Eviter le renouvellement de
s catastrophes financières que nous vivons
nécessite un changement profond de comportement des décideurs, dont le profil, pour nombre d’entre eux, doit être modifié. La financiarisation à outrance ne peut qu’être abandonnée pour revenir à une économie industrielle et commerciale. La finance est un outil et ne doit rester qu’un outil. Ce n’est pas la fin du libéralisme, martelée par certains, qui s’annonce mais le retour au bon sens. 

Comme Warren Buffett, il ne faut investir que dans ce que l’on comprend. C’est la sagesse. En est-on capable ?

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