Désindustrialisation. A qui la faute ?

Le véritable drame de l'économie française s’appelle désindustrialisation. L'industrie est créatrice de valeur et d'emplois. Il faut jouer les cartes de la haute technologie et de la qualité. Nous ne l'avons pas fait, ou mal.

A qui la faute ? Certainement, pour beaucoup, à un système éducatif qui a longtemps mis dans la tête des jeunes, dès le primaire, que l'usine c'est l'horreur et a introduit dans l'enseignement des grandes écoles (faites théoriquement pour former des ingénieurs) des cours de finances dont les élèves remplirent les salles de marché. Se plonger dans les délices de modèles mathématiques hyper sophistiqués leur semblait plus sexy que la mécanique de précision qui fait la richesse de l'Allemagne (où les clés de l'ascension sociale s'appellent apprentissage et promotion interne).

Les comportements de nombreux chefs d'entreprises furent aussi une cause de cette dérive. Que faut-il penser de ce p-d.g. d'un très grand groupe français qui rêvait d’une entreprise sans usines ni employés où il serait resté quasiment seul à bord ? Ce visionnaire décadent a détruit et ruiné son entreprise ... Il ne fut jamais inquiété.

Un exemple presque caricatural de désindustrialisation est apporté par l'évolution du groupe Lagardère. Ce groupe est l'héritier de MATRA que Jean-Luc Lagardère (quels que furent ses défauts mais nobody is perfect) avait transformé en un conglomérat industriel. Présent dans les transports, l'automobile, l'électronique, l'espace, les communications et l'armement, Matra était une vitrine de la high-tech française et contribua à la création d’Airbus-EADS. Le fils de Jean-Luc, Arnaud, lorsqu'il prit les rênes de ce qu’était devenu le Groupe Lagardère, ne cacha pas le peu d'intérêt qu'il portait à l'industrie. Il orienta son groupe vers le sport et les médias (activités jugées probablement plus attirantes que la haute technologie). Arnaud Lagardère avoue qu'il cherche à se débarrasser des 15% que son groupe détient dans EADS. On parle du Qatar comme repreneur potentiel. No comment!

Les partenaires sociaux ont aussi leur part de responsabilité. Le monde change, l'économie change, l'industrie change. Arc-boutés sur la conservation d’avantages prétendument acquis, ils oublient (sauf rares exceptions) leur rôle éducatif en occultant le long terme.

La réindustrialisation de notre pays implique des réformes importantes et des changements fondamentaux de mentalités (dont la réhabilitation du goût du travail bien fait). Les apôtres du « yaka » devraient être conscients que c'est une affaire de décennies et non de quinquennat.

Share

Commentaires

J'estime que cette désindustrialisation et le chômage qui en résulte peut expliquer une grande partie des maux de notre société. Il me semble urgent de tout mettre en œuvre pour préserver ces emplois industriels notamment par un allègement drastique des charges sociales car ces emplois sont si non voués à disparaitre...

La désindustrialisation est plus que jamais au centre des débats politiques en France. Nombreux sont ceux qui lui attribuent un rôle critique dans les difficultés sociales et économiques du moment. Les délocalisations se multiplient et la concurrence des produits fabriqués dans les pays émergents s’intensifie ! Ce phénomène fragilise non seulement les industriels Français mais aussi tous ceux qui distribuent leurs produits… Qui paiera nos futures retraites ? Qui proposera un avenir professionnel pour les prochaines générations ? Surement pas les industriels Asiatiques qui nous inondent de produits fabriqués au mépris du futur industriel et social de notre patrie. L’enjeu ne doit pas être sous-estimé !

@ Michel Chevet : je crois assez bien connaitre Alcatel-Lucent et le groupe Lagardère.

Il est inexact d’écrire que ces deux entreprises sont des symboles de la désindustrialisation de la France. Ce n’est pas parce que Arnaud Lagardère a vendu et vendra peut- être le solde de la participation du groupe dans EADS que cela change quoi que ce soit au contenu industriel de EADS. Je crois même pouvoir affirmer que si EADS existe avec le succès que l’on sait, c’est indubitablement grâce au groupe Lagardère. Comme Arnaud est le fils de son père, EADS est l’enfant du groupe industriel Lagardère. Je précise également que la pseudo vente au Qatar a été évoquée a propos des actions EADS détenues par Daimler (non celles de Lagardère) et fermement écartée depuis.

En ce qui concerne Alcatel-Lucent, la déclaration de Serge Tchuruk était très maladroite mais, avant de le condamner sans appel, prenons un peu de recul… Est-il vraiment nécessaire pour une entreprise industrielle d’être propriétaire de la totalité des usines intervenant dans son processus de production en amont ? Et pourquoi pas aussi en aval ? Certainement pas sauf à vouloir recréer les monstres soviétiques ou les entreprises régionales paternalistes du début du vingtième siècle. Il faut donc choisir avec discernement ce qui doit être intégré et ce qui peut être laissé à l’extérieur de l’entreprise entre les mains de fournisseurs partenaires. Ainsi toute entreprise industrielle pilote aujourd’hui un écosystème d’entreprises partenaires. L’une des taches stratégiques de l’entreprise pilote est alors de surveiller la bonne santé de cet écosystème, son évolution technologique, ses performances industrielles et son indépendance. Faut-il aller jusqu'à n’avoir aucune usine en propre ? Cela dépend du secteur et la réponse peut varier au cours du temps.

N’oublions pas que Apple(deuxième capitalisation mondiale derrière Exxon) ne possède directement aucun moyen de production ! Enfin pour la petite histoire Alcatel-Lucent possède toujours des usines y compris en France. Un exemple : l’usine de Calais leader mondial de la production de câbles sous marin de télécommunications…

Je n’ai aucunement l’intention de céder cette usine. Il suffit d’aller sur place pour comprendre que ce métier nécessite, pour des raisons liées a la qualité, de maitriser l’outil de production.

Cordialement

Ajouter un commentaire