Chine-Etats-Unis : duel plutôt que duo

091222-Copenhague.jpgLe demi-échec de la Conférence de Copenhague a été un formidable révélateur des ambiguïtés contemporaines.

Côté pile, la reconnaissance que nous sommes tous embarqués sur un même bateau, que ce bateau s’appelle « la Terre » et que les responsables politiques sont obligés d’avoir un objectif commun.

Côté face, le marchandage entre pays et groupes de pays sur la répartition des efforts à accomplir. Or, qui dit marchandage dit rapport de force. Et qui applique aujourd’hui des rapports de force crée des sources de conflits pour demain.

En toile de fond, le changement de perspectives qu’implique la mondialisation. La Chine est devenue le plus grand pollueur de la planète mais ses représentants peuvent faire valoir que les Chinois sont plus nombreux que tous les Occidentaux réunis et donc qu’un Chinois, pris individuellement, pollue moins qu’un Américain ou qu’un Européen. Ils admettent que la croissance chinoise doit se faire plus verte mais refusent d’en diminuer le rythme.

Si cette croissance était majoritairement tournée vers la satisfaction des besoins chinois, les pays, que, par habitude, l’on appelle encore « riches », n’auraient pas de quoi se plaindre. Ils seraient même contents d’avoir des places à prendre sur ce vaste marché. Ce serait plus facile si les Chinois – consciemment ou inconsciemment – ne nourrissaient pas au fond d’eux-mêmes une envie de revanche. Ils ont été humiliés au siècle dernier et sont maintenant animés d’un esprit de conquête.

Derrière la façade climatique, les polémiques de Copenhague n’ont donc pas seulement porté sur les conditions à remplir pour limiter le réchauffement. La faible valeur du Yuan qui favorise les exportations chinoises et pénalise les importations habitait nombre d’arrière-pensées.

Si l’on creuse plus profond, l’on s’aperçoit que, par delà des querelles apparemment techniques, se cache une grande peur du déclin de l’Occident. Un Chinois, aujourd’hui pauvre est moins pauvre qu’hier et son pays crée des emplois. Un Occidental, en revanche, craint de s’appauvrir et de perdre son travail. Moins il a de sous, plus il achète des produits « low cost » fabriqués au loin et plus il risque d’être victime de délocalisations.

Tout se passe comme si les dirigeants chinois espéraient gagner une guerre sans avoir à livrer bataille. A Copenhague, ils ont trouvé des alliés parmi les autres grands pays émergents et cherché à isoler les Américains. Jouant le long terme (au moins 15 ou 20 ans), ils se posent actuellement en N°2 et accumulent des créances pendant que le N°1 accumule des dettes et s’embourbe en Irak et en Afghanistan, dans des combats douteux.

Conscients, les représentants américains à Copenhague ont fait comprendre que la bonne volonté des Etats-Unis pouvait avoir des limites. Les Européens le savent. Ils craignent, par-dessus tout, qu’en 2012 Obama le tranquille soit remplacé par un Président aventuriste, issu de l’extrême droite du Parti Républicain. Le pire alors pourrait advenir et, dans ce pire, il n’y aurait que des perdants.

Il en résulte un défi majeur que l’on peut résumer en une phrase : Est-il possible, en moins de trois ans, de faire entendre aux Chinois qu’il est dangereux de vouloir rafler toutes les mises ? Sur une planète réduite aux aguets, la raison impose de jouer « gagnant-gagnant ».

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Commentaires

S'il nous fallait encore des preuves pour comprendre que le monde est en guerre, en "guerre économique", la conférence de Copenhague en demi-teinte et en sous-entendus, serait là pour nous convaincre !

L'ancien EMPIRE DU MILIEU DU MONDE semble bien s'être réveillé et de son long sommeil il revient plein d'expérience et de sagesse dans... l'Art de la Guerre.

Dès son époque, Pascal, notre célèbre "Pascal", dans une note manuscrite toujours disponible à la Bibliothèque Nationale de France se posait, pour le Monde de son temps, la question des 2 visions :

- la vision "occidentale", celle portée en gros par les idées de Moïse, donc de la Loi, et

- la vision "chinoise", celle portée par les philosophes et généraux-stratèges de cette région du monde, plusieurs siècles avant J-C, celle du processus, du cours des choses...

En termes guerriers, la vision occidentale de la guerre, celle de l'affrontement massif, brutal, frontal, vasé sur la volonté agissante a bien été décrit par Klauzewitz.
Nos armées et aussi notre manière d'aborder les choses difficiles, celle qui est encore enseignée dans nos "grandes écoles", en sont issues.

Pour la vision chinoise, a contrario, le portrait du "grand général" est celui d'un "stratège" et pas d'un homme d'action planté dans l'immédiateté et la "praxis" du court terme.

Pour la Chine séculaire, pour Sun Tsu, le grand général est celui qui semble avoir "la victoire facile" ! Elle semble venir à lui, tout doucement, comme l'issue naturelle d'un processus vertueux qui ne dévie pas et qu'il convient seulement d'aider...

Son savoir-faire est non pas essentiellement de planifier ses attaques et ses combats, mais d'analyser le "potentiel de la situation" et d'en déduire comment se conduire pour le faire évoluer en sa faveur, à son "profit". Autrement dit, pour le grand général chinois, la guerre ne s'obtient pas à l'arraché, mais elle se "cueille comme une fleur" lorsqu'elle est éclose mais pas avant. L’essentiel est que l'adversaire en arrive à demander "pardon" et qu'il soit contraint à la défaite, sans que le général et ses armées n'aient eu à se battre pour obtenir une victoire !

Plus les jours passent et plus je me demande si nous ne devrions pas un peu plus "comprendre avec intelligence" ce qu'est la philosophie et la vision du Monde depuis l'empire du Milieu du Monde, depuis la Chine éternelle.

Je suis prêt à parier que nos grands capitaines d’industrie et nos grands chefs d’états en tireraient, pour le bien du Monde, un grand avantage …

Pour ceux qui voudraient écouter l'un des experts de l'analyse du fondement de la pensée européenne vue depuis la Chine, je recommande la lecture des ouvrages de Monsieur François Jullien.

Ils peuvent aussi en avoir un avant-goût en écoutant quelques extraits de sa conférence aux dirigeants, sur l'Efficacité, vision occidentale et vision chinoise...

VOIR l’extrait « Entre modélisation et pratique, la circonstance … » sur le lien qui est à copier dans un navigateur Web:

www.pilotesdeprocessus.org/delia2medias/delia-CMS/club/article_id-410/to...

Un élément clé qui est rarement abordé pour expliquer l'échec de Copenhague est la façon dont les pays occidentaux se comportent vis à vis de la Chine en se posant d'un côté en donneur de leçon (que l'on pourrait résumer ainsi: polluer, c'est mal) et d'un autre en se déchargeant des productions les plus polluantes en faisant fabriquer en Chine ce qui était produit localement il y a quelques années.
La Chine est certe le premier pollueur au monde. Mais quelle part représente la production pour leur propre consommation?

La remarque de Fabrice est très intéressante car elle met en lumière l'idée qu'il ne suffit pas de confier la réalisation d'une tâche à un tiers pour pouvoir se donner bonne conscience si celle-ci pose problème ...

Dans le cas des relations commerciales entre Occident et Chine, la part de pollution en Chine due aux commandes de l'Occident est très importante.

Cela met en évidence la question de la responsibilité d'un "acheteur" par rapport à un "vendeur", d'un "consommateur" par rapport à un "producteur".

Si le commerce gouverne le monde actuel, c'est d'abord le commerce qu'il faut "moraliser" ou "réguler". De celui qui donne un ordre et de celui-ci qui l'exécute, il me semble que la responsabilité de son exécution est, au minimum, répartie en parts égales.
Sinon l'excuse est trop facile ...

Si on veut "moraliser" le commerce international, il faut d'abord "responsabiliser pleinement les consommateurs" et pas seulement les producteurs !

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