Le cardinal Barbarin aux patrons : « Méfiez-vous de vous-mêmes »

Economie, liberté, égalité, fraternité. À partir de ces quatre mots, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, primat des Gaules, a décliné, lundi 12 décembre, ses réponses aux questions qui lui étaient posées dans le cadre du cycle de conférences  « Ethique et économie » organisées par Bernard Esambert, ancien Président du Club des Vigilants.

Le cardinal a évoqué plusieurs rencontres avec des chefs d’entreprises. « Méfiez-vous de vous-mêmes » est à la fois une parole attribuée à Jésus et un précepte qu’il a entendu de la bouche de certains de ces patrons. Concrètement, il leur conseille de fixer à l’avance des règles en matière de rémunération du dirigeant d’entreprise (ou une limite à l’écart entre le plus petit salaire et le plus élevé) et de rendre ces règles et limites publiques. Car l’argent rend fou, l’argent rend aveugle. L’aliénation par l’argent est une des dérives les plus évidentes de la liberté d’entreprendre.

L’église est pourtant favorable à la liberté d’entreprendre et aux entrepreneurs a-t-il dit et répété en citant plusieurs encycliques et plusieurs papes. Mais elle n’est pas favorable au libéralisme sans frein.

Des freins de quelle nature ? Bertrand Collomb, l’ancien président du groupe Lafarge, a proposé une distinction entre les actions dont le dirigeant peut mesurer les conséquences, qui peuvent être réglées par des règles morales de comportement individuel, et celles dont on ne peut pas mesurer les effets et qui doivent être réglées par la régulation.

Alors ? Ethique individuelle ? Commandement ? Règlement ? Quelle doit être la part de tous ces freins ? Même s’il n’aime par les commandements (il préfère parler de « paroles de vie » que des « dix commandements ») le cardinal a évoqué à plusieurs reprises la nécessité d’une « régulation », notamment pour la finance.

Le primat des Gaules a également évoqué sous des formes diverses la question de la répartition des richesses, qui est pour lui le vrai sujet de « l’économie » quand on remonte à l’origine du mot. L’église n’est pas pour l’égalitarisme mais pour une certaine « égalité de fond ».

Sans s’exprimer trop ouvertement sur les débats politiques du moment, il a quand même envoyé quelques messages. Le populisme est à son avis une conséquence de l’excès des inégalités et du capitalisme sans contrôle. Sans jamais évoquer directement François Fillon et son  programme, il a évoqué « le grand système mis en place à la Libération », qu’il ne faut pas « remettre en cause en bloc », ainsi que son expérience personnelle, très positive, du système hospitalier français. Plus généralement il a rendu hommage aux politiques qu’il rencontre, qui sont vraiment des « serviteurs », au sens de l’évangile, et se préoccupent du bien commun. Revenant aux trois mots de la devise nationale il leur a dit : « occupez vous de la liberté et de l’égalité ; la fraternité ne vous regarde pas ».

La fraternité c’est merveilleux, mais c’est un plus une sorte de cadeau. Un cadeau qui peut rapporter. C’est presque un conseil de management qu’il a donné sur ce point : « le don et la gratuité doivent trouver leur place dans les activités de l’entreprise ». Ce qu’un employeur « perd » en proposant par exemple à des membres du personnel d’aller aider les Haïtiens après le tremblement de terre, l’entreprise le regagne en « vitalité ».

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