Ukraine : l’impossible choix

L’Ukraine a vocation à être un pont entre la Russie et l’Europe de l‘Ouest. Pour l’instant, elle fait figure d’enjeu. Les enchères montent. Le moment décisif approche. Tout devrait être tenté pour sortir de l’impasse.

Les acteurs sont au nombre de quatre : l’Ukraine dans le rôle de l’écartelé ; l’Union Européenne (UE) qui, depuis longtemps, négocie avec elle un accord de libre échange techniquement difficile ; l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dont l’Ukraine et l’UE doivent observer les règles ; enfin, l’Espace Economique Unique (EEU) qui regroupe la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan.

La manœuvre est conduite par Vladimir Poutine. Pendant sa visite à Kiev le 12 avril, il a confirmé que si l’Ukraine entrait dans l’EEU, elle n’aurait plus à payer son gaz au prix fort comme le font les clients étrangers. Cela représenterait, au cours actuel, une économie d’environ 8 milliards de dollars sur un an. Après cette carotte, M. Poutine a brandi le bâton. L’EEU, selon lui, allait bientôt s’élargir en englobant d’autres républiques anciennement soviétiques et cet ensemble (qui compterait pour plus de 40 % du commerce extérieur ukrainien) se verrait obligé d’ériger des droits de douane contre l’Ukraine si celle-ci se transformait en « passoire » des produits de l’UE.

L’offre est tentante, le risque est réel. L’Ukraine, si elle raisonnait à court terme, devrait incontestablement accepter. Elle continue quand même à négocier avec l’UE, dont l’économie est beaucoup plus moderne et dynamique que celle de l’EEU mais, dans l’espoir de désamorcer la menace poutinienne, demande de conserver une protection douanière sur certains types de produits. Ainsi, ne serait-elle pas une « passoire ». L’accord, si accord il y a, devrait être approuvé par l’OMC qui, en principe, n’aime guère les exceptions.

L’issue ne pourra être trouvée que si les quatre acteurs, au lieu de se considérer comme antagonistes, acceptaient de se mettre du même côté d’une même table et de regarder au-delà des contingences immédiates. La Russie n’est pas étrangère à l’Europe. Un partenariat s’impose dès aujourd’hui et devra se développer dans l’avenir. Faire de l’Ukraine une pomme de discorde, c’est compromettre l’équilibre du continent et contribuer à un climat malsain dans un pays charnière dont une partie de la population (de tradition catholique uniate) regarde vers l’Ouest tandis que l’autre (de tradition chrétienne orthodoxe) regarde vers l’Est. Le but serait d’imaginer des modalités ad hoc permettant à l’Ukraine de participer à la fois à l’UE et l’EEU. Le pays est exsangue. Un menu avec fromage et dessert lui ferait le plus grand bien.

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