Tunisie : laboratoire sociétal

Un véritable choc de civilisations se produit actuellement au Maghreb sans que personne n’y prête attention. Un an après avoir impulsé la vague des chambardements arabes, la Tunisie a été précipitée dans le trou noir des pays sans intérêt où il ne se passe rien.

On ne retient qu’une donnée : largement vainqueur des premières élections libres, les islamistes ont fait main basse sur la démocratie. Grosse erreur. Car, si les intégristes d’Annahda trustent effectivement les portefeuilles ministériels, la réalité du pouvoir leur échappe. Contre eux s’élèvent 90% de la presse (y compris les télés et radios du service public), 90% du business, généralement aux mains de modernistes, 90% de l’élite intellectuelle et universitaire, 90% des syndicats, 90% de la police, 90% de l’armée, 90% des hauts fonctionnaires et j’en passe. Une quasi-majorité d’un corps électoral intensément religieux a voté islamiste mais on ne retrouve plus cette masse dans la rue lorsque s’affrontent pacifiquement intégristes et séculiers.

La dictature abolie, un véritable choix de société est offert. Les uns préconisent un retour au giron, aux fondements arabo-musulmans d’autrefois. Les autres, une occidentalisation (largement entamée) matinée de traditions ancestrales. Avec toutes les implications juridiques, sociales et finalement stratégiques que chacune de ces options entraîne. Peu de nations sont aujourd’hui placées à une bifurcation si lourde de conséquences. Le choc de civilisations analysé par Samuel Huntington se produit bien mais il n’oppose pas l’Islam et l’Occident. Il surgit au sein même de l’Islam. Qui ne peut plus tergiverser.

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