Patrimoines en danger

D’aucuns comparent cette crise à celle de 1929. Il n’en est rien. La crise actuelle est la première crise réellement mondialisée. Elle frappe autant les Etats que les ménages, en particulier aux Etats-Unis.  La situation économique s’est, depuis deux ans, extrêmement dégradée. Or, que voit-on ? Une sorte de fuite en avant des autorités économiques et politiques qui s’avère catastrophique.

En deux ans, rien n’a été fait qui ait eu un impact sur l’économie que ce soit aux Etats-Unis, au Japon – sur lequel il nous faudrait tirer une croix définitive – ou en Europe.

Pour la conjurer, on a exhumé Keynes en faisant tourner la planche à billets aux Etats-Unis comme en Europe. L’arrivée de Mario Draghi à la tête de la BCE semble accélérer le phénomène puisque on est passé d’un trend de 4 milliards de rachat d’obligations italiennes et espagnoles par semaine à 9 milliards ! La baisse des taux de 25 points dès sa prise de fonction sonne aussi comme un coup d’épée dans l’eau dans la recherche du graal de la croissance.

Aujourd’hui, l’impasse est totale. Des pays agonisent rapidement. La Grèce. D’autres plus lentement. L’Italie, où le départ du Cavaliere ne changera pas grand-chose, l’Espagne… C’est dire si la situation est grave. Et pas seulement en Europe, même si les projecteurs actuellement s’y focalisent. Le surendettement des économies avancées est en effet colossal : 20 000 milliards de dollars aux Etats-Unis soit 145 % du PIB, Japon : 250 %, Italie : 135 %, Grèce : 145 %. Les autres pays européens, Espagne, France, et même la "vertueuse" Allemagne, si l’on fait abstraction des ficelles comptables utilisées pour afficher des taux inférieurs à  100, ne sont pas mieux lotis... Or, à mon sens, ces niveaux d’endettement sont irrécupérables. Pourquoi ? Parce que personne n’aura le courage d’administrer les remèdes permettant d’assainir la situation. Trop coûteux en termes de croissance économique et d’emploi, ces remèdes le seront tout autant en terme politique. Ce qui freine radicalement les ardeurs des décideurs politiques à quelques mois d’élections qui doivent se tenir dans un certain nombre de pays.

A observer l’indécision qui règne dans les économies avancées, on a le sentiment d’être dans un avion sans pilote, se dirigeant dangereusement vers le sol et dont le sauvetage ne pourrait procéder que d’un miracle. Mais les miracles sont, hélas, très rares.

En attendant, Aux Etats-Unis, la Fed est devenu le plus gros acheteur de dettes du Trésor américain, devant les Chinois. Rachats qui s’apparentent à un tour de passe-passe où l’on passe de la dette d’une poche à l’autre. Des "ficelles" qui masquent - pour combien de temps encore ? – le fait que l’on est en train de foncer droit au mur !

En Europe, la crise de défiance atteint des sommets. Les pays européens tremblent face aux agences de notation. Une dégradation de leur note augmenterait le taux auquel ils empruntent et détériorerait une situation financière d’ores et déjà catastrophique. Même la "vertueuse" Allemagne est sous pression.

Mais pour l’heure, pas question pour cette dernière de céder à la facilité en utilisant, comme nombre de ses alliés européens le demandent (à commencer par la France), la Banque centrale européenne pour racheter en masse, comme le fait la Fed, les obligations d'Etat et la transformer en “prêteur en  dernier ressort” aux garanties illimitées. Pas question non plus de mutualiser les dettes en créant des “euro-obligations” (ou “euro-bonds”), qui ne ferait que rajouter de la dette à de la dette.

Dans ce contexte de crise généralisée les placements alternatifs deviennent rares. Jusqu’en 2008, il était encore possible d’avoir des taux à 3 ou 4 %, sans risque, sur certaines "Corporate" ou certains Etats. Aujourd’hui, la fête est finie. On prend des risques sur les obligations souveraines, des risques sur les obligations bancaires, des risques incommensurables sur les actions et en plus des risques sur les monnaies. Ne reste que l’or dont la hausse continue confirme son statut de valeur refuge.

Faute d’avoir pris les mesures qui s’imposaient à temps, une récession durable de l’économie mondiale est à craindre.

Olivier Delamarche est stratégiste à Platinium Gestion

Article rédigé en collaboration avec Meriem Sidhoum Delahaye

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