Michel Camdessus et l’éthique du libéralisme : il faut commencer à l’école

Michel Camdessus

L’ancien gouverneur de la Banque de France, puis directeur général du Fonds Monétaire international, était l’orateur du cycle sur l’éthique du libéralisme organisé par notre ami Bernard Esambert, le 7 mars. Il a commencé par une   introduction étonnamment optimiste. S’appuyant sur des «exercices prophétiques » à horizon 2050, il a balayé le « fantasme de la décroissance » annonçant 3% au niveau mondial, 4% pour les émergents, 2% pour les Etats Unis et l’Union Européenne, le maintien d’une économie de liberté, une population mondiale « limitée » à 9, 7 milliards d’humains en 2050...

Evoquant ensuite les « chances » pour l’humanité, il a énoncé une succession de points positifs qui avaient un peu l’allure de vœux pieux, toujours à horizon 2050 : amélioration de la condition humaine, formidables avancées réalisées grâce au développement durable, effets bénéfiques de la COP 21, progrès technologiques, innovation, formation professionnelle, urbanisation - la ville mère des civilisations -, aspiration à la démocratie des classes moyennes... Sa liste de « risques » semblait beaucoup plus réaliste : rythmes de progrès cahotants, écarts exorbitants entre riches et pauvres, flux migratoires très importants provenant de causes différentes (climat, économie, guerres...), concurrence effrénée pour l’accès aux ressources naturelles... Pour éviter que les chances ne soient balayées par les risques, un retour à l’éthique lui semble indispensable. Les grandes lignes d’un futur code doivent être, pour lui, la justice (par opposition aux inégalités), la solidarité universelle (l’homme est altérité ou il n’est pas) et la responsabilité commune pour respecter le bien public global. Plus que d’autres orateurs de ce cycle, Michel Camdessus, marqué par son expérience des grandes négociations internationales, insiste sur l’importance de la gouvernance mondiale. Première urgence : revenir à une approche multilatérale, incluant une réforme du système de financement, à l’échelle des « pays continents », au niveau de l’ONU et du Conseil de sécurité. À l’échelle des individus, c’est une réforme morale qu’il prône, réforme que seule l’éducation peut imposer. L’ancien responsable de la régulation financière constate que les règles et les menaces ne suffisent pas. Les montants considérables de sanctions financières imposées aux établissements financiers depuis la crise de 2008 le prouvent. La cupidité est devenue politiquement correcte. Il faut donc généraliser des initiatives comme celle du doyen de Stanford qui impose un enseignement de l’éthique dès la première année de toutes les disciplines. En conclusion, seule une éthique universelle renforcée, véritable culture nouvelle empreinte d’éthique, (telle la déclaration des droits de l’homme à la fin de la guerre de 39 -45) pourra nous sauver ; mais pour cela, il faudra se tourner vers les spiritualités et les sagesses que peuvent inspirer les religions du monde. C’est tout à fait le projet de Bernard Esambert.

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