Euro : le débat prend une sale tournure

EuroBeaucoup d’affirmations péremptoires et de soupçons réciproques, peu d’estimations chiffrées et d’évaluations crédibles. Plus les camps s’affrontent, plus le brouillard s’épaissit.

D’un côté, les fans de la monnaie unique dépeignent les adversaires de l’euro comme des fous dangereux. Le divorce monétaire, disent-ils, conduirait au « chaos ». Sûrs d’eux-mêmes, ils réclament des « réformes de structure » suffisamment « courageuses » pour remettre la France « au niveau de l’Allemagne ». Selon eux, c’est une question de volonté. Il suffirait de vouloir pour pouvoir.

En face, on se dit « patriotes » et l’on ne croit pas que la France puisse (et doive) ressembler à l’Allemagne. On argue que, de toute façon, les réformes prônées prendraient des années à être mises en œuvre et que la France serait à genou avant qu’elles aient porté le moindre fruit. Si on les pousse un peu, ils ajoutent que tel est le vœu de l’Allemagne.

Le clivage passe à l’intérieur de la droite et de la gauche. Partout, il existe des hommes de bonne volonté qui se méfient du noir et blanc. Ceux-là conviennent à la fois que la dislocation de l’euro serait un choc et que son maintien n’irait pas sans douleur. Mais après ? Quels seraient les effets du choc ? Quels seraient les effets de la douleur ? On ne voit nulle part d’estimations concrètes. Tout se passe comme si des questions aussi sérieuses pouvaient être traitées en fonction d’idées préconçues et sans efforts réels de réflexion prospective.

Certaines données sont pourtant connues et certaines zones d’ombre pourraient être éclaircies. On sait, par exemple que, pour le moment, l’Allemagne a intérêt au maintien de l’euro mais que, d’un point de vue strictement économique, cet intérêt va décroissant. Pourquoi ? Parce que, depuis 2007, le commerce extérieur de la République Fédérale s’est profondément réorienté : les excédents qui se faisaient pour les deux tiers en Europe se font maintenant pour les trois quarts en dehors. C’est dire que, sauf avantage politique conséquent, l’Allemagne ne payera ... pas très longtemps.

Pour les pays du Sud il est difficile de généraliser car il faut tenir compte de nombreux paramètres. Le montant de la dette extérieure, la nature et la nationalité des créanciers, la marge de manœuvre des industries exportatrices ne sont pas les mêmes en Grèce et en Italie pour ne citer que ces deux cas. De plus, les conditions de sortie de l’euro seraient différentes selon que celle-ci s’effectuerait en bloc ou en ordre dispersé, par le départ de l’Allemagne et autres « forts » ou par le départ de certains « faibles » et, dans cette hypothèse, de quels faibles s’agirait-il et dans quel contexte ?

Pour la France, le problème est vital. Il s’agit de savoir si le souhaitable est possible et donc voir à quel rythme et avec quel chômage la compétitivité peut être rétablie avec un euro rendu fort par la présence allemande. Des modèles, paraît-il, on été « moulinés » à Bercy. C’est probable mais cela ne transpire pas dans le débat public. Or il se trouve qu’un Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP) vient d’être créé. Le Commissaire Général sera Jean Pisani-Ferry qui dirigeait à Bruxelles un centre de réflexion de renommée internationale. Le comble serait que cette institution ne se dépêche pas d’être utile et, pour ce faire, d’informer le gouvernement, les partenaires sociaux et les citoyens en général des avantages et des inconvénients de divers scénarios. On aurait dû le faire au moment de l’entrée de la Chine dans l’OMC, au moment de l’élargissement de l’Union Européenne aux pays d’Europe Centrale et Orientale ainsi que dans d’autres circonstances dont les modalités restaient à débattre avant d’être figées. Pour le meilleur ou pour le pire.

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Commentaires

"Le débat prend une sale tournure". Pas seulement pour l'Euro. Les invectives anti-européennes, de tous bords, qui ont emboîté le pas aux rodomontades de Montebourg contre Barroso, ont mis sur le devant de la scène un "sale" climat où Bruxelles est paré de toutes les tares.
Pendant ce temps là Zagreb célèbre dans la liesse populaire l'adhésion de la Croatie à l'Union Européenne.
Il y a quelque chose qui cloche quelque part !

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