En relisant Marc Ullmann

UllmannComme d’autres membres du Club j’ai, en préparation de l’hommage des Vigilants, relu l’ensemble de des éditos publiés par Marc Ullmann dans Vigilances. Quel plaisir de retrouver la pensée et le style simples et profonds de Marc !

D’abord, on est tenté par une certaine désillusion. Pour une part, l’édito consiste à souhaiter ce qui devrait être plutôt que ce qui est et à appeler une conduite rationnelle du monde dont les bienfaits seraient profitables au plus grand nombre. Le retour en arrière est cruel. L’Europe qui pouvait sortir en tête de la crise financière, la croissance de 2%  des années 2000 qu’on trouvait médiocre et qui aujourd’hui fait rêver ; les tentatives de régulation des émissions de CO² crucifiées par divers égoïsmes ; Obama en qui Marc espérait un Founding Son capable de moderniser l’art de gouverner dont le bilan, mitigé, n’a pas enrayé l’approfondissement des clivages politiques, sociaux et ethniques ; le proche et le Moyen-Orient défigurés par les guerres, les haines et les nettoyages ethniques où aucune réconciliation n’apparaît ; la Turquie, possible « médiateur entre l’islam et la modernité » aujourd’hui sous la coupe d’un autoritarisme conservateur, etc., etc.

Et puis, plus profondément, apparaît la pensée de Marc, son originalité et sa force. D’abord il y a une méthode, elle est basée sur celle de Jean Monnet vécue de près lors de son expérience à la CECA, une coopération par touches successives qui permet à chacun de prendre conscience, par l’exemple, des bienfaits de la coopération. Ce qui était vrai des Européens hier l’est des Humains aujourd’hui : plus de choses les rapprochent qu’elles ne les séparent. Cette méthode permet de dépasser les égoïsmes entretenus par les Etats ou divers groupes d’intérêts. De là découle l’importance de valoriser les initiatives, aussi minimes soient-elles. Marc donne une prime à l’action. Il veut « glorifier les bienveillants », il suggère « des points clés » et des « Olympiades de la générosité » autant d’initiatives dont il sait le pouvoir de catalyse. Cette méthode pragmatique est au service d’un humanisme et de ce qui, probablement, va avec  : l’optimisme. Marc croit en « la solidarité humaine » et la fraternité. La méthode et l’humanisme ont, ensemble, une force considérable. Elles font progresser l’intelligence collective et les solutions, par-delà les aléas et les désillusions.

Prenons deux exemples dans l’actualité récente. Russes et Ukrainiens, Israéliens et Palestiniens. Aucun des protagonistes de ces deux couples ne peut ignorer l’autre ; tous sont, aujourd’hui, prisonniers de l’orgueil obsidional des dirigeants et des factions. La force, la méfiance, la haine ne mènent à rien. Dire, avec Marc, qu’il faut « trouver les bifurcations vers le meilleur, pas vers le pire », ce n’est pas faire preuve d’angélisme, c’est agir en pensant que poursuivre la confiance et le bien est une méthode rationnelle de l’action ; c’est, à terme, la seule possible.

 

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