Pour diminuer l’avidité des dirigeants, changeons ce qui les rend heureux

Le grand patron indien Narayana Murthy propose une idée forte pour diminuer les rémunérations scandaleuses des dirigeants d’entreprise et les inégalités qu’elles donnent en spectacle. Il faut modifier ce qui, dans leur esprit, les rend heureux, leur attire le respect et la considération de leur entourage. Aujourd’hui c’est trop exclusivement l’argent.

Voici, en substance, l’idée forte développée par le co-fondateur et patron depuis de longues années de la célèbre entreprise informatique indienne Infosys, le 14 septembre à Paris, au cours de la conférence de rentrée du cycle sur l’éthique du libéralisme organisé par notre ami Bernard Esambert.

Narayana Murthy a commencé par rappeler, comme la plupart des orateurs de ce cycle, que le capitalisme reste le système économique le plus efficace, notamment pour diminuer la pauvreté. Encore faut-il corriger ses excès. Il a ensuite longuement rappelé ce qu’a été l’envolée vertigineuse des rémunérations de dirigeants, notamment aux Etats-Unis, et ce qu’elle a d’inacceptable pour beaucoup.

Comment corriger cela ? Les réglementations peuvent y contribuer ; il en faut. Mais le grand patron indien ne se fait aucune illusion sur les capacités illimitées de ses pairs pour contourner toutes les réglementations. Ce qu’il faut, c’est donc « définir le succès comme autre chose que l’argent ». Dans un développement qu’une partie des participants a perçu comme éminemment indien il a prôné les vertus de la « retenue » (self-restraint) et des plaisirs simples (« il n’y aucune taxe sur une conversation avec un ami cher »), de la générosité, de l’humilité, autant de vertus personnelles.

Mais il a aussi évoqué l’importance du regard porté par les autres sur les dirigeants. Les magasines publient des listes des plus grandes fortunes. Pourquoi ne publient-ils pas des listes des dirigeants les plus respectés ? Et, à un enseignant de business-school qui l’interrogeait sur les cours d’éthique à dispenser dans ce genre d’institutions, il a répondu en abordant un autre aspect de l’enseignement. Ce qu’il faudrait c’est que, dans l’enseignement élémentaire, on parle aux enfants de quelques figures de dirigeants d’entreprises respectés à côté des rois, des empereurs et autres conquérants.

 

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Commentaires

En Suède, dans les pays nordiques, on a eu l’exemple de ministres obligés de démissionner pour avoir utilisé la carte bleue du ministère pour quelques petits achats privés… cela démarque bien la psychologie nordique !
En France quand un premier ministre se permet de prendre un avion privé pour aller voir un match de foot, à Berlin, La polémique enfle..., mais " ça passe" quand même ! (sans oublier les 10.000 € mensuels de frais de coiffure du président Hollande...). Cela montre la différence de psychologie entre un pays « latin » comme la France et d’autres, plus rigoureux...

Il y a donc plusieurs façons de faire de la politique en fonction de la psychologie d’un peuple et de ses dirigeants.Quand nous serons capables de déterminer quelle est la meilleure psychologie...(*), nous pourrons commencer à envisager de changer la société… !Et, devant l’importance des blocages de notre société, nous avons créé le PARTI PSYCHOLOGIQUE DE FRANCE pour promouvoir le développement psychologique de tous les français.

La transformation sociale dans notre pays ne pourra être réalisée que par la transformation des mentalités : celles des politiques (et des dirigeants d'entreprises) en premier, pour donner le "bon exemple" !

Nous devons aller vers le progrès psychologique !

Richard Brunet

(*) : taux de chômage, début 2015 : Norvège : 3,7% ; Suède : 7,6% ; France : 10,6%.

Narayana Murthy est sûrement peu rémunéré comme dirigeant.

Combien de dirigeants français ai-je entendu prôner l'éthique dans les affaires et la retenue dans l'avidité pour les gains ? Je ne sais plus, tellement il y en a eu....

Ce qui fait question, c'est que les actionnaires votent de plus en plus des revenus élevés pour les dirigeants, tout simplement parce qu'ils sont "performants" ou susceptibles d'être performants. Performants pour attribuer des dividendes, vous avez compris.

Les rémunérations élévées des dirigeants ne sont donc qu'un sous-produit de la tendance générale à spéculer pour gagner de l'argent. Le Capital est un acteur de plus en plus dominant dans notre économie, et le travail de moins en moins dominant. Karl Marx doit se retourner dans sa tombe.

 

 

Je crois que ta remarque est très pertinente Philippe. Il y a une sorte de collusion actionnaires-dirigeants. Les dirigeants sont en quelque sorte « poussés au crime » par les actionnaires. Il me semble néanmoins que si l’on suit la logique de Narayana Murthy (les dirigeants trouvant d’autres signes de réussite que l’argent) on peut faire bouger les lignes. 

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