De la prévention à la sélection

071124-DPI.jpgConçu au départ pour les couples non stériles, confrontés au risque de maladies graves pour l’enfant, d'obtenir après fécondation in vitro, l'implantation d'un embryon certifié exempt de la maladie redoutée, le diagnostic préimplantatoire (DPI) a constitué, sans aucun doute, un progrès remarquable.

En France, il est encore très réglementé. Une extension au "bébé médicament" qui pourrait grâce a une moelle compatible sauver un enfant malade a toutefois été introduite. Partout ailleurs, une tendance inquiétante à la banalisation se dessine.

Certains pays, dont la Grande Bretagne et les USA, ont décidé d’étendre le DPI au dépistage des gènes responsables de certains cancers tels le cancer du sein, de l’utérus et du côlon. Ceux pour qui l’horreur absolue serait de voir, plus tard, leur fils ou leur fille mourir d’un cancer du sein ou du côlon souscriront à la mesure. D’autres considéreront qu’être porteur de tel ou tel gène de tel cancer ne veut pas dire automatiquement développer la maladie ; que le cancer ne tue pas à tous les coups ; que s’il tue, c’est souvent à un âge relativement avancé ; et que les années ainsi vécues n’ont pas de prix. Ces deux attitudes posent le problème de l’extension du champ d’application du DPI : jusqu’où et sur quels critères ? Selon le Centre de Politique publique et Génétique (GPPC) à Washington, plus de 40 % des cliniques spécialisées américaines reconnaissent, d’ores et déjà, autoriser leurs patients à choisir notamment le sexe de leur enfant. En Chine, nouveau pays de l’argent roi, le DPI est libre pour celui qui peut payer. La liste des gènes et caractéristiques (sexe, couleur des yeux...) dépistés sont laissés à l’appréciation du client.

En réduisant la personne à une caractéristique donnée, le DPI devient l’instrument d’une sélection qui est le premier pas vers l’eugénisme.

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Commentaires

bonjour Meriem
Merci pour votre contribution essentielle sur cette évolution de société, qui, vous le sentez bien, semble irréversible...
On peut certes la qualifier de dérive vers l'eugénisme
Mais se doter d'outils permettant de "choisir", est ce plus mauvais que de laisser le hasard faire ? Pourquoi donc culpabiliserait on si on fait un choix que l'on pense dans l'intérêt de l'enfant, alors que l'on n'aurait pas à culpabiliser si on laisse le hasard faire ? Pour ma part je refuse un tel "enfermement" moral.
Très amicalement

Cher Philippe,
Loin de moi l'idée d'un quelconque enfermement moral par rapport à la question soulevée. Ce n'est pas tant l'outil, le DPI, qui est en cause que ce que l'on en fait. Et c'est valable pour tous les domaines de la connaissance.

Il n'est pas dans mon propos de jeter l'opprobre sur une technique qui a aidé de nombreux couples à éviter d'avoir des enfants aux pathologies lourdes, irréversibles et incurables. Cela n'empêche pas de se poser la question du curseur. Où le mettre ? Quand 40 % des cliniques américaines reconnaissent sélectionner le sexe de l'enfant sur la demande des parents, il s'agit, à mon sens, d'un dérapage. Dérapage qui montre que les intérêts financiers (de la clinique ?) passent avant la déontologie médicale. Car, que je sache, ce n'est quand même pas une pathologie en soi que l'on naisse garçon ou fille !

Mais mon propos est ailleurs. L'élargissement sans fin des pathologies scrutées (cancers aujourd'hui) réduit la personne à un assemblage de gènes. Cet assemblage doit être parfait. Le moindre défaut et on passe l'humain à la trappe. L'humanité en sera-t-elle meilleure ? Pas si sûr !

Je n'hésiterais pas quant à moi à me placer du point de vue moral ou peut-être psychanalytique : un enfant naît-il que pour combler le désir de ses parents, ne devient-il pas dès lors un objet, et non un sujet ? (dérive qui n'a pas besoin d'eugénisme d'ailleurs).
Je reviens toujours à un livre vieux de 20 ans "Le magasin des enfants", dirigé par Jacques Testard, le "père" de la première fivette française. Mais il doit y en avoir d'autres.
Il a sans doute été terrible au cours des siècles d'être un enfant non désiré. Je me demande ce que sera l'enfant trop désiré.

@ VS : Vous avez tout à fait raison de pointer le désir d'enfant à tout prix. D'une part, cet enfant trop désiré apparaît comme un objet "narcissique". De l'autre, on veut gommer la maladie (éventuelle ?), la sigularité de chacun, en ramenant tout aux gènes. Doit-on "éliminer" un embryon parce qu'il est porteur du gène de tel ou tel cancer ? N'a-t-on pas autour de nous des personnes, mortes certes d'un cancer, mais dont la vie a été riche et bien remplie ? A moins qu'en voulant gommer toute idée de maladie, c'est l'idée de la mort elle-même que l'on tente d'oublier.

Je ne résiste pas à l'envie de m'inscrire dans ces échanges très intéressants !

Je suis, pour des raisons assez conjoncturelles, sensibilisé par la "pulsion d'eugénisme" qui habite l'être humain, depuis longtemps. J'ai en effet participé récemment, à CAEN, à une manifestation organisée par une association qui regroupe les "enfants nés de l'amour, de la guerre, des occupants nazis et des libérateurs américains ". J'y ai appris l'existence de l'organisation européenne des "Lebens Born" mise au point par le système NAZI lors de la Seconde Guerre Mondiale.
Bien peu de Français savent que la ville de Lamorlaye (Oise)en hébergeait le seul exemplaire pour notre pays.

Les Nazis souhaitaient en effet avoir de beaux enfants, purs et sains !

Cela rejoint le besoin d'idéal, de beauté absolue et effectivement de "victoire sur la mort" qui est l'expression la plus réelle de " Satan "...

Je me demande si, au fond, la science moderne, qui peut presque tout résoudre, du moment qu'on lui donne des moyens et du temps, n'est pas finalement l'autre forme qu'a prise la "Pomme de la Connaissance" dans laquelle Eve a mordu pour plaire à Adam qui voulait ( Tiens !) se prendre pour l'égal de DIEU...

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