Défis d’après crise

081224-Defi.jpgLa crise financière est comme un accès de fièvre symptomatique d’une évolution pernicieuse qui affecte l’économie réelle depuis de longues années.

Plusieurs auteurs (1) ont établi un constat dont l’essentiel peut être résumé en quelques lignes : 

Ø       Les gains de productivité ont permis de produire puis de distribuer un surcroît de richesses.

Ø       Malgré les progrès de l’informatique, la productivité des services augmente moins vite que celle de l’industrie.

Ø       La part des services dans l’économie augmente régulièrement.

Ø       Au-delà d’un certain seuil, l’accroissement du niveau de vie devient problématique. 

De ce constat découlait un processus qui, logiquement, devait conduire à la crise : 

Ø       Acte I : Pour conserver leur train de vie, les Etats et les particuliers (des pays riches) prennent l’habitude de s’endetter.

Ø       Acte II : Pour trouver de nouvelles marges, les entreprises (des pays riches) partent à la conquête de « nouvelles frontières » nationales (déréglementations) et internationales (délocalisations). Le capitalisme financier triomphe. Les inégalités se creusent.

Ø       Acte III : Faute de « mondialisation heureuse » pour tout un chacun, les consommateurs, et tout spécialement les consommateurs américains, se montrent avides de crédits.  

Pour déclencher la crise actuelle, il a suffi qu’au cœur même du capitalisme, des financiers imaginatifs (et cupides ?) trouvent des ruses pour consentir des prêts à des clients insolvables, puis pour camoufler et propager les risques encourus.  

Une débâcle financière s’en est suivie. Elle a des répercussions lourdes en termes d’activité et d’emplois. Plusieurs milliers de milliards de dépenses publiques finiront par faire baisser la fièvre mais les causes profondes de la maladie seront toujours là. C’est d’elles que naîtront les défis d’après crise :  

Ø       Premier défi : Augmenter la productivité dans les services, notamment au sein des entreprises. La marge actuelle est un peu plus grande en Europe qu’aux Etats-Unis qui ont réagi les premiers, mais les limites sont étroites. 

Ø       Deuxième défi : Orienter l’affectation du capital vers la création d’industries nouvelles qui génèreront progressivement des gains de productivité pour satisfaire des besoins essentiels. Le secteur de l’environnement est tout indiqué, mais il coûtera avant de rapporter.     

Ø      Troisième  défi : Faire émerger des contre-pouv
oirs susceptibles de déboucher sur une forme rénovée du capitalisme et sur un renforcement de la cohésion sociale (
2). Moins de biens, plus de liens : c’est facile à dire mais difficile à faire.

(1) Voir notamment “Productivité et équité. La fin d’un rêve ? » Jacques Villiers in « « La Jaune et la Rouge », Revue des anciens élèves de l’Ecole polytechnique, janvier 2002.

(2) Un groupe de travail piloté par Alain de Vulpian explore les différentes façons dont le Club pourrait contribuer à cette évolution.

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Commentaires

Et ce à quoi, j'ajouterai un quatrième défi pour les Etats : augmenter substantiellement la compétence financière des citoyens afin, d'apprendre à utiliser à bon escient le crédit, et d'apprendre à gérer avec intelligence son budget personnel.

Défis d’après crise
L’après crise verra d’abord la course à la dévaluation que le dollar fera contre l’euro et le yen – elle a commencé avec le nouveau taux zéro du dollar, rattrapant celui du yen – taux refusé, pour l’instant par la BCE – les gardiens du temple étant toujours hanté par les dévaluations du DM jusqu’à l’arrivée d’Hitler – dévaluation qui meublaient nos collections de timbres de millions en DM – le yuan étant aussitôt parti en course – pensant sans doute récupérer une petite partie de ses pertes de change avec le dollar -
jacques

Plusieurs milliers de milliards de dépenses publiques engagées..pour maintenir notre niveau de vie et notre degré de complexité. Cela me fait penser à l'étude de cet archéologue américain, Joseph Tainter, auteur de "The Collapse of Complex Societies" et cité par New Scientist et Courrier International N°946. J.Tainter observe que les anciennes civilisations ont disparu dès lors qu'elles ont été contraintes d'utiliser toute leur énergie et leurs ressources pour maintenir le niveau de complexité auxquelles elles étaient parvenues. Sommes nous déjà à ce seuil ? Ou avons nous encore des progrès à faire dans la complexité de nos circuits économiques et financiers?

Certes cher Marc "Moins de biens, plus de liens"... également "moins du sien, plus de bien"
Et bonjour à ma voisine (ici) Francine

@ Francine...

Certes nos sociétés modernes sont complexes mais n'est-ce pas là une "Loi de Nature". La connaissance intime de la réalité physique du monde nous persuade que notre monde est bien dans un processus long de complexification croissante.

Ce n'est pas, selon moi, la complexité qui est la source des problèmes,car c'est ce que nous montre en fait l'évolution, mais c'est la déviance que les hommes en font au service de leurs désirs les moins "avouables"...

La complexité est liée, en particulier, au concept de comportement "systémique", ie un comportement dont certains des effets qu'il produit rétroagissent sur le comportement lui-même. Une sorte de "boucle" en somme.

Il ne peut y avoir de système libre sans régulation, sauf dans certains cas bien particuliers et rares.

Souvent, les systèmes "divergent" loin de ce à quoi on pouvait s'attendre au départ...

Par contre, si la régulation est faite sans "consigne ou sans commande" (comme disent les cybernéticiens) ou bien si la régulation n'est pas construite pour diminuer l'effet constaté mais sert plutôt à l'accentuer, tout "système" devient explosif.

Si un "système" produit des effets à risques et si on cherche à le "réguler" en lui injectant dans son fonctionnement normal un signal de "diminition" de ces risques (ex. du cas de la titrisation qui amoindri le risque apparent perçu), il n'y a pas d'inquiétude à avoir : il est conçu pour exploser...

Lorsque l'on parle de "contre pouvoir" dans un "système humain", on parle bien de "régulation", ie d'un dispositif qui s'oppose à l'effet normal du système en place.

On ne peut réguler qu'en contrariant...

C'est une règle physique. Dommage, mais c'est comme ça que marche le monde !

HPS

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