Le ciné-portrait de Bernard Esambert - Une vie presque normale

Bernard Esambert n’est pas un homme riche parce qu’il a fait d’une petite banque perdant de l’argent la Compagnie Financière Edmond de Rothschild. Il est riche de tout ce qu’il a vécu, réfléchi et transmis. Riche de sa curiosité, dont il fait une vertu essentielle. Au Club des vigilants nous croyions le connaître. Il est Président d’honneur du Club et membre du conseil d’administration ; nous le côtoyons. Certains d’entre nous ont lu ses mémoires*. Pourtant, ces 90 minutes de ciné-portrait, réalisées en 2018 par Rina Sherman*, écoutées dans le calme à la faveur du confinement, sont comme un trésor caché, un privilège, le condensé de ces conversations de fond que nous pourrions avoir et que nous ne prenons pas le temps d’avoir avec notre ami. C’est pourquoi le Club a décidé d’en offrir pendant un an le visionnage à ses visiteurs, ainsi que le ciné-portrait de Jacques Blamont, un de ses membres fondateurs.

L’évocation de sa jeunesse de fils d’immigré juif polonais est, pour Bernard Esambert, l’occasion d’une réflexion sur l’antisémitisme mais aussi sur ce qu’était la capacité d’intégration de la société française d’avant-guerre (un sujet auquel se consacre un groupe de travail du Club). Malgré le traitement qu’elle infligea aux juifs et notamment aux juifs immigrés et/ou étrangers pendant l’Occupation, Bernard veut se souvenir surtout de la manière dont son père s’intégra avec bonheur dans la société française. Et il considère qu’il a une dette inextinguible à l’égard de ce pays qui permit au fils d’ouvrier immigré d’accéder à Polytechnique, au Corps des Mines et aux plus hautes fonctions.

Il évoque cette République des ingénieurs, cette République de l’industrialisation, des centrales nucléaires, des TGV, d’Airbus, dont il fut le chef d’orchestre au cabinet de Georges Pompidou, président de la République de 1969 à 1974, et dont il trouve des équivalents… dans la gestion actuelle de la Chine.

Il nous parle de la vision qu’il a de la recherche à travers la fondation et la fédération de recherches sur le cerveau qu’il a créées. Fort de l’idée que les découvertes fondamentales se font souvent « à côté », il a systématisé les passerelles et favorisé les recherches portant sur deux maladies et pas une. Il regrette de ne pouvoir revenir voir tous les dix ans les innovations « incroyables » que nous réserve encore le numérique.

Enfin, ce grand technocrate et homme d’affaires nous parle de ses doutes sur la mondialisation et l’économie libérale.

Sa grande entreprise, souvent évoquée sur le site des Vigilants et dans Vigilances, est l’établissement d’une sorte de code éthique permettant de réintroduire justice, fraternité, solidarité, dignité dans un développement économique débridé qui effraie même ses acteurs. Tant pis s’il faut y sacrifier un peu de notre croissance.

Il nous fait partager ses idées sur l’école, sur la transmission et finit par une méditation très actuelle en ces temps de « guerre ». L’évolution a laissé survivre, pense-t-il, ceux de nos ancêtres qui vivaient en groupe et s’entraidaient. On avait un peu tendance à l’oublier. Un virus vient nous le rappeler.

* Un vie d’influence – Dans les coulisses de la Vème République, par Bernard Esambert, Ed Flammarion, 2013.
* Bernard Esambert, une vie presque normale, par Rina Sherman dans la collection VOICES k éditeur. www.rinasherman.com

Pour accéder au ciné-portrait de Bernard Esambert (maintenant "payant") cliquez ici

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