Le CESE, incubateur de démocratie participative

Le Conseil Economique Social et Environnemental - CESE, troisième assemblée constitutionnelle française, est peut-être en train de changer le visage de notre « vieille » démocratie sans que beaucoup en prennent pleinement conscience.

Cette institution encore trop méconnue a en effet engagé depuis quelques années un processus susceptible de métamorphoser notre vieille « démocratie représentative, bureaucratique et hiérarchique » évoquée par Alain de Vulpian dans « Eloge de la métamorphose ».

Le CESE a été conçu dès le départ pour constituer le trait d’union entre la « société civile organisée » et les pouvoirs institutionnels. A travers ses membres (les conseillers) sont présentes en son sein 80 organisations reflets de la multiplicité des questions qui suscitent de l’engagement citoyen. Mais si le CESE garantit l’expression de la société civile « organisée », a mûri l’idée qu’il se devait de prendre également en compte l’expression « spontanée » de la société civile pour jouer pleinement son rôle central de « conseil » du gouvernement (les 2/3 des textes de loi reprennent les conclusions des avis qu’il rend à titre « consultatif »).
Depuis deux ou trois ans, sous l’impulsion de son président Patrick Bernasconi, la volonté est affichée d’aller encore plus loin pour épouser de plus près les évolutions de notre société et particulièrement des besoins de renouvellement de sa pratique démocratique.

Deux grandes orientations prises dans ce sens semblent essentielles à mettre en avant et à mieux (faire) connaître. Elles sont toutes deux symptomatiques de la transformation en cours : l’introduction de citoyens tirés au sort pour l’élaboration de ses « avis » et la mise en place d’une procédure « d’auto-saisine » de pétitions.

La procédure d’auto-saisine tout d’abord, qui relève d’un vrai travail de repérage des « signaux faibles » émis par les citoyens à l’adresse de ceux qui les gouvernent.
Depuis 2017, le CESE a mis en place un « comité de veille des pétitions » en ligne. L’objectif est de repérer les sujets entrant dans son champ de compétence et pour lesquels, soit il n’a pas été saisi directement, soit la contrainte légale de saisine automatique du CESE n’est pas remplie[1]. Ce comité, présidé par le président du CESE, est constitué de 6 conseillers du CESE et se réunit chaque mois pour discuter de la pertinence de se saisir de telle ou telle question émergeant des pétitions en ligne.
Ainsi par exemple, le CESE s’est auto-saisi pour rendre un avis « Vieillir dans la dignité » à partir du repérage de 5 pétitions portant sur ce sujet.
Le grand intérêt de ce système est de prendre en compte des « paroles » citoyennes qui ne s’expriment pas forcément dans le cadre « organisé » des entités représentées au CESE. Et de se donner les moyens de repérer des thématiques émergentes dans la société et dont le traitement par les pouvoirs publics représente un véritable enjeu.

L’introduction du tirage au sort quant à elle a été initiée pour l’avis « Fractures et transitions : réconcilier la France » élaboré dans le cadre du Grand débat national.
Après avoir conduit fin décembre une consultation en ligne au cours de laquelle plus de 31 000 personnes se sont exprimées, le CESE a auditionné deux porteuses de pétitions en ligne (Priscillia Ludosky « Pour une baisse des prix du carburant à la pompe » avec plus de 1,2 millions de signatures et Célia Gautier pour « l’Affaire du siècle » avec plus de 2 millions de signatures). Puis a tiré au sort 28 citoyens (sur des critères de représentativité : âge, sexe, catégorie sociale, répartition géographique) pour constituer un groupe invité à participer à l’élaboration de l’avis.
Cinq d’entre eux (tirés au sort parmi les 28) ont même été intégrés directement à la commission temporaire chargée d’élaborer l’avis. Une première historique !

Et l’expérience semble avoir été couronnée de succès. Ainsi, aujourd’hui, avec le lancement de la « Convention citoyenne pour le climat », le CESE réitère l’expérience, mais à plus grande échelle. Cette expérience inédite représente un premier vrai test pour une généralisation du système. Sous l’égide du CESE, ce sont 150 citoyens tirés au sort parmi 50 000 personnes pré-repérées comme volontaires qui vont travailler ensemble pour rendre un « avis ».

Le CESE devient ainsi un véritable « incubateur de démocratie participative ».
Et cette assemblée se transforme progressivement en ce fameux « Conseil de la participation citoyenne » évoquée par le président de la République dans sa conférence de presse post-Gilets jaunes… Il compte bien, Patrick Bernasconi l’a affirmé lors de sa venue récente au Club des vigilants, tester d’autres outils de participation citoyenne : plateforme citoyenne, consultations, ateliers…

 

Cet article paru dans une forme légèrement différente sous le titre « Le CESE au cœur de la métamorphose de notre démocratie » dans le Carnet de la métamorphose n°7, publié par un groupe de chercheurs réunis autour d’Alain de Vulpian, co-fondateur et ancien secrétaire du Club des vigilants.

 


[1] Depuis 2010, le CESE peut être saisi par voie de pétition citoyenne de toute question à caractère économique, social ou environnemental. Mais ces pétitions doivent atteindre le seuil de 500 000 signatures en format papier, ce qui est une contrainte très (trop) forte.

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