Pourquoi ils ne gagneront pas

« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser » écrivait Pascal. L’offensive djihadiste nous oblige à y penser : la mort à Paris, la misère des réfugiés syriens, l’ignorance des terroristes. Nous sommes tirés de la routine de notre société développée et pacifique. Nous y pensons et nous réagissons, sur la sécurité notamment, mission primordiale, et parfois irritante, de l’État. Doit-on pour autant concéder une victoire aux terroristes ?

On ne connaît pas leurs buts de guerre de façon précise. On pressent qu’ils veulent du chaos pour prospérer (charia et mafia) mais la France n’est pas la Lybie ou la Syrie, désagrégées par la guerre civile. La France a un état puissant et un corps social résilient. La résilience ne vient pas de l’unanimité, aucune société n’est unanime. Elle vient de la capacité à canaliser et gérer pacifiquement les tensions à travers une arborescence d’institutions et d’initiatives. Sommes-nous plus divisés qu’avant les attentats ? Probablement non, mais les attaques irritent les tensions latentes. Depuis un an, plus que les tensions, ce sont les réactions qui sont frappantes : les mosquées portes ouvertes, la réserve citoyenne, les journaux lycéens, les drapeaux attachés aux fenêtres symbole d’un attachement au creuset républicain, l’affluence au recrutement de l’armée, l’effort pour comprendre le phénomène de radicalisation, la célébration des héros ordinaires, bientôt les événements transfigurés par la littérature, la bande dessinée, le spectacle vivant. A une écrasante majorité, à travers une myriade d’initiatives, les Français ont formulé un message très clair : le mode de vie pluriel-libéral n’est pas négociable. Entrer dans un cycle de violence civile ne les intéresse pas. Que l’on soit enthousiaste ou pas, le respect de l’autre est le socle de la société française et, au-delà, européenne ; des épisodes de violence isolés ou certains sentiments xénophobes ne changent pas la donne. Les terroristes nous forcent à ouvrir nos sacs pour entrer dans un musée mais ne les faisons pas  plus grands qu’ils ne le sont. Car les commanditaires des attaques – issus de sociétés claniques – font une erreur d’analyse : dans une société ouverte, les tensions sociales dégénèrent rarement en violence endémique.      

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Commentaires

Puisqu'on en est à citer Pascal (ce génie trop méconnu) allons y:
"l'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que s'il veut faire l'ange, eh bien il fait la bête".
Les terroristes se prennent pour des anges (pour des martyrs s'ils se réfèrent au Coran).
Citons aussi Foch, à qui on disait méchamment, au plus fort de l'avancée allemande en juillet 1918 : "l'armée allemande est invincible", lequel Foch a répliqué : "aucune armée n'est invincible, sauf une, l'armée des cons, et vous en faites partie".

Tout ça pour dire que notre plus grave problème c'est notre bêtise individuelle, et citons cette fois Decartes: "le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, car chacun croit en être suffisamment pourvu pour ne point en réclamer plus qu'il n'en a". La bêtise individuelle n'a de salut possible que par l'intelligence collective. Les terroristes ne gagneront pas parce qu'ils ont l'intelligence collective contre eux.

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