La politique au sens fort - Pour un choc de recomposition (suite).

UnknownIl y a aujourd’hui trois raisons pour réformer le marché du travail. C’est une condition pour que les mesures non conventionnelles de la BCE fonctionnent. Mario Draghi, le Président de la Banque centrale, le répète à l’envi, l’abondance de liquidités se transforme en crédits créateurs de croissance si les Etats réforment. A défaut elles se placent sur des actifs dont la valeur est artificiellement gonflée et enrichissent leurs possesseurs sans produire aucune utilité sociale supplémentaire. Ensuite parce que l’absence de flexibilité sur un marché du travail favorise l’exclusion en protégeant ceux qui ont un travail aux dépens de ceux qui n’en n’ont pas.

Enfin l’innovation est devenue le cœur de la croissance des pays développés. La croissance fondée sur l’innovation prend d’autres formes que celle fondée sur l’accumulation ; il s’agit d’investissement et de technologies mais aussi de nouvelles façons de travailler et de produire. Cette croissance n’apporte pas seulement un supplément de richesse, elle stimule la mobilité sociale comme l’explique l’économiste Philippe Aghion dans sa leçon inaugurale au Collège de France*.

Que la réforme soit discutée est normal mais certains veulent l’interdire qui demandent son retrait pur et simple sous la pression de la rue et de pétitions en ligne. Les syndicats conservateurs et la gauche de la gauche qui s’appliquent à torpiller la loi ElKhomri favorisent, dans les faits, les rentes du travail, aux dépens des jeunes notamment. Pour être honnête, à leur conservatisme répond la méfiance sédimentée du patronat envers l’embauche. Etrange époque où les banques centrales sont non-conventionnelles et les soi-disant forces de progrès tellement conventionnelles.

La réforme bouscule les équilibres qui ont soutenu la croissance d’accumulation déjà fragilisés par les transformations profondes de la mondialisation. Les forces vives de la mondialisation-innovation ne sont pas tout à fait les mêmes que les forces vives de l’accumulation. C’est la raison profonde des crispations. Les vraies réformes posent toujours la question de la mobilité sociale, elles déplacent les rentes vers des acteurs plus dynamiques.

Pour cette raison il y a un besoin de faire de la politique au sens fort. Trente années de chômage de masse et la désespérance sociale qui l’accompagne ont rendu le conservatisme intenable. Le vieux clivage politique et les appareils, syndicats compris, conçus pour l’entretenir ne peuvent plus paralyser des forces vives qu’ils sont incapables de représenter. Soyons lucides, l’ajustement social se fera de toute façon et l’histoire française nous enseigne qu’à défaut de réforme il peut être brutal.

Pour être clair, le choc de recomposition (déjà évoqué dans un précédent article du 26 février) signifie que le PS tranche le nœud gordien par une candidature inédite en 2017 ; c’est une des conditions pour stabiliser une offre politique réformatrice plus forte politiquement que les conservateurs qui la menacent constamment.

*Les enigmes de la croissance. Philippe Aghion. Fayard. 2015

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