GPA, le temps du courage

Au cours de l’été, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a, de nouveau, condamné la France pour son refus de retranscrire à l’état civil les actes de naissance d’enfants nés, à l’étranger, de mères porteuses ; elle lui reproche une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants, sans pour autant contester son droit de prohiber la GPA. En juin 2015, après deux arrêts la CEDH sur le même sujet, la cour de cassation avait pourtant bouleversé sa jurisprudence. Deux couples avaient alors obtenu la transcription des actes de l’état civil du pays de naissance mentionnant le père ayant fait déclaration et la femme ayant accouché. Cette évolution constitue un progrès pour des parents qui, jusque-là, étaient poursuivis pour fraude à l’adoption ; elle est soutenue par presque deux tiers des Français (64%) selon un récent sondage de l’IFOP.

La décision de 2015 a laissé ouvert un point majeur : elle ne dit rien sur la maternité d’intention, la filiation maternelle restant, en droit français, acquise par le seul accouchement. De ce fait elle perpétue un déséquilibre important : pour le père filiation par une simple déclaration, pour la mère refus de la filiation par intention.

La maternité de substitution est interdite en France depuis la loi bioéthique de 1994. Le verrouillage théorique et intellectuel est solide : pas de droit à l’enfant, indisponibilité et non-marchandisation du corps humain. Certaines pratiques commerciales sont, à juste titre, brandies comme un repoussoir, notamment en ce qu’elles favorisent l’exploitation de femmes en difficulté financière. Les révisions successives, chargées de faire évoluer la loi sur la base de l’expérience, ont maintenu l’ensemble des interdictions, sans débat réel. Récemment un projet de loi a été rejeté, il prévoyait de réprimer la seule présentation sous un jour favorable de la GPA.

Pourtant la gestation pour autrui existe, c’est toute la difficulté. La loi française ne suffit pas à l’arrêter : le désir d’enfant est plus fort que la loi positive; cette même loi positive permet d’autres pratiques dans des démocraties dont l’environnement social, culturel et politique n’est pas très éloigné du notre. C’est le cas en Grande-Bretagne où l’on accepte une indemnité qui écarte la possibilité de profit. En France la société change mais les institutions calent ; elles laissent, hypocritement, les individus se débrouiller à l’étranger.

Dans les questions éthiques, la théorie est confrontée aux situations réelles, aux choix des vrais gens. Répondre à ces évolutions nécessite de bâtir des compromis et d’entrer dans une logique d’évolutions progressives. Faute d’avancer la France est contrainte par une cour européenne. Les ministres suivent. Ils espèrent qu’une communication habile  les sauvera : les uns clament que la GPA reste interdite en France, les autres qu’il faut inscrire les enfants nés à l’étranger, sans plus de précision. Sur une autre question d’éthique médicale, la fin de vie, un pas important vient d’être franchi à la quasi-unanimité des députés : toute personne atteinte d’une affection incurable et réfractaire aux traitements peut recevoir une sédation profonde qui altère sa conscience et la souffrance en attendant que la maladie provoque le décès. C’est la preuve que le système institutionnel français (législateur, comités d’éthiques, parties prenantes) sait trouver un équilibre autour de pratiques parfois largement répandues.

La science ne s’arrêtera pas, la volonté des citoyens non plus. La première offrira de nouvelles pratiques de procréation et autant de sujets d’affrontement. L’abstentionnisme des politiques n’est plus possible. Le pouvoir politique est la force motrice des débats éthiques, à lui la responsabilité d’organiser un débat pluriel, inclusif de la parole des citoyens, et de donner l’onction de la représentation nationale. Les candidats de 2017 doivent montrer la voie avec une proposition forte pour dire leur volonté que la société française progresse et reste maîtresse, et fière, de ses choix.

Ils pourraient, par exemple, s’engager à faire aboutir un débat pour décider les conditions nécessaires pour que l’état civil des enfants nés de GPA à l’étranger comprenne le nom du père biologique et de la mère d’intention et englobe ainsi l’ensemble du projet parental. Ce serait la démonstration du courage politique et l’affirmation que l’intelligence des situations humaines reste au cœur du projet de la société française. 

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Commentaires

Il y a deux approches de la GPA, une approche économique et une approche éthique. Le Politique a opté en France pour l’approche éthique, est-ce déraisonnable ?
L’approche économique fait de l’enfant un bien marchand comme un autre soumis au droit de propriété pour l’acheteur après accord sur le prix. C’est une approche défendable en univers consumériste, je veux, j’achète…
L’offre est mondialisée (Ukraine, Inde, USA…), la demande plutôt américaine et européenne. Cette approche existe pour les organes humains dans certains pays comme l’Iran.
L’approche éthique repose, quant à elle, sur l’inexistence d’un « droit à l’enfant » et le respect du corps des femmes. Si le Politique pénalise les clients de la prostitution sexuelle au nom du respect des femmes, l’autorisation de la prostitution procréative est-elle logiquement soutenable ? Pas certain…
Enfin, plus qu’un projet parental, il y a souvent pour les personnes qui recourent à la GPA un désir inconscient de « normalité ». En soi, il est compréhensible mais est-il du rôle du Politique de satisfaire tous les désirs de ses citoyens quand d’autres voies existent pour donner du sens à sa vie…

Penser que l'éthique c'est d'interdire et que l'alternative c'est la voie économique, sous entendez le diable, est une approche totalement caricaturale. En France l'éthique est un pur prétexte pour imposer une vision paternaliste de la famille. D'ailleurs le principe premier de l'éthique n'est-il pas l'autonomie de la personne ? Un principe que l'on dénie aux femmes pour porter l'enfant d'autrui.
Il me semble que les pratiques aux USA, en Angleterre ou au Canada par exemple relèvent du respect de l'éthique et des libertés individuelles. Il serait utile de les analyser avant de se figer dans de grandes déclarations qui ne reposent sur rien.

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