Facebook : vieilles idées pour nouveaux comportements

090423-Facebook.jpgEn février dernier, un vent de révolte a soufflé sur le réseau Facebook. 130 000 de ses membres ont rejeté le texte de modification des conditions d’utilisation qui était passé presque inaperçu depuis le début de l’année.

En voici le contenu : "Vous accordez à Facebook le droit irrévocable, perpétuel, non-exclusif, transférable et mondial (avec l'autorisation d'accorder une sous-licence) d'utiliser, copier, publier, diffuser, stocker, exécuter, transmettre, scanner, modifier, éditer, traduire, adapter, redistribuer n'importe quel contenu déposé sur le site." 

Au-delà du procès en bigbrotherisation intenté au fondateur du site Marc Zuckerberg par plusieurs groupes de membres et de nombreux médias ; il y a dans cet événement une rencontre entre vieilles idées et nouveaux comportements. 

D’un côté, l’entreprise Facebook est l’objet d’un fantasme de marketing : ses 175 millions de membres ont tous renseignés, lors de leur inscription, un questionnaire particulièrement précis sur leur identité (y compris leur préférence sexuelle et leurs opinions politiques et religieuses) et habitudes de vie. Les bases de données du site sont donc virtuellement le plus grand et le plus actif des fichiers de prospection commerciale et de Customer Relationship Management. Cette caractéristique explique que les financiers soient prêts à valoriser l’entreprise pour des sommes qui dépassent l’entendement. Mais cette vision commerciale rencontre un grand obstacle : les membres de Facebook rejettent ce mode de fonctionnement, les nombreuses tentatives avortées d’intégration de contenus publicitaires ciblés et de campagnes de marketing en attestent. 

D’un autre côté, la révolte de 130 000 utilisateurs a donné l’idée à certains d’importer sur la toile un nouveau syndicalisme. Cela s’est traduit par la création de groupes de lobbying regroupant plusieurs milliers de membres et plusieurs tentatives d’élection d’un « président Facebook » pour défendre les intérêts des utilisateurs. De nouveau, le fantasme se cogne contre la réalité des comportements. Certes il existe sur le web 2.0 des mobilisations spectaculaires, mais celles-ci sont avant tout ponctuelles et constituent plus souvent une réaction épidermique qu’un engagement citoyen. L’attachement à une cause y semble plus lié au besoin de partager qu’à celui de s’engager. 

Ces deux conflits entre fantasmes et la réalité des comportements nous invitent à poser une question simple : le site Facebook est-il à la hauteur du mouvement qu’il a créé ? A l’origine, le site a été conçu pour favoriser l’échange entre les étudiants d’un grand campus, c’est-à-dire à relier plus étroitement les membres d’une population relativement homogène. Aujourd’hui la population des utilisateurs comme leurs usages est de plus en plus hétérogène et ses usages également. A tel point qu’ils ont fait muter le concept : on y échange régulièrement le récit parcellaire de ses vies (photos publique et/ou privée, prises de position et confidences), on y étend progressivement son réseau de connaissances (proches IRL confirmés sur le web et proches virtuels attachés par un échange régulier), on y construit une chambre d’écho aux actes, intentions, émotions de sa vie hors écran. 

Les usages des utilisateurs Facebook, à l’instar de ce qui se vit sur le web 2.0, sont de type bottom-up (foisonnement à la base et accompagnement du changement au sommet). Les méthodes et outils commerciaux, comme la plupart des structures syndicales restent de type top-down (décision en haut ou au centre et application en bas). Il n’est pas aujourd’hui certain que le créateur de Facebook et son équipe aient les moyens pour réaliser le saut paradigmatique qui pourrait les aider à surmonter cette équation : les vieilles idées ont toujours mal encadré les nouveaux comportements et la réalité de nos usages va désormais plus vite que nous structures mentales.

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