Et la démocratie en Italie, tout le monde s’en fout ?

Où vont la démocratie, les libertés et l’Etat de droit en Italie ? Cette question capitale semble secondaire dans les réactions et commentaires suscités par les cataclysmes politiques qui s’enchaînent depuis les élections législatives du 4 mars qui ont mis en tête les deux principaux partis anti-système : la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. L’économisme est à son comble.

Certes le contrat de coalition qu’ont tenté les deux partis anti-système, simple addition des promesses démagogiques de l’un et de l’autre, était irréaliste et avait tout pour déclencher une crise financière en Italie et en Europe. Après le refus par le président de la République d’un ministre des Finances eurosceptique et le renoncement du président du Conseil que souhaitaient les deux partis gagnants pour appliquer leur contrat de coalition on a entendu un gros « ouf » de soulagement. Sergio Mattarella, le Président, opte pour un gouvernement technique et sans doute la convocation de nouvelles élections.

Résultat : les deux mouvements élus par les Italiens hurlent au déni de démocratie imposé aux Italiens par « l’étranger » c’est à dire l’Europe. Sergio Mattarella court le risque de se retrouver, après de nouvelles élections, dans la position du Maréchal de Mac Mahon, président de la République entre 1877 et 1879, comme le fait remarquer dans Le Figaro Jacques de Saint-Victor, fin connaisseur de l’Italie et de l’histoire : les Italiens risquent de confirmer leur vote et il sera obligé de se démettre. 

On sera alors ramené aux questions que l’on devrait se poser dès aujourd’hui sur les risques que peut présenter pour la démocratie cette alliance improbable de mouvements anti-système. Ultra-démocratiques en apparence, dirigés de fait par des leaders omniprésents, auront-ils l’élégance de se retirer quand ils auront fait la preuve de leur inefficacité (elle ne sera pas forcément immédiate) ou tenteront-ils de s’accrocher ?

Il ne faut pas chercher bien loin dans l’histoire proche ou lointaine pour trouver des dirigeants autoritaires arrivés au pouvoir, voire confortés au pouvoir, par des voies démocratiques ou quasi démocratiques : Mussolini et Hitler dans l’entre-deux-guerres; Erdogan ou Orban aujourd’hui. La technique des petits pas anti-démocratiques est désormais bien au point et un pouvoir menacé par ses échecs peut être vite tenté de faire taire les critiques. Berlusconi a habitué son pays à des situations limites : mainmise sur la télévision, luttes incessantes contre la justice pour lui échapper, etc.

De plus le nationalisme est toujours le meilleur ennemi de la démocratie. Or la nouvelle majorité italienne est portée par une violente vague de nationalisme. On peut craindre d’ailleurs que la plus nationaliste de ses deux composantes, la Ligue, déteigne sur l’autre, 5 étoiles, et l’emporte. L’électorat a notamment réagi contre l’immigration, qui, venant de Lybie, atteint d’abord l’Italie. Mais il a réagi sans doute tout autant contre le lâchage de l’Italie, face à cette immigration, par les autres pays européens. Comme l’Italie qui a mené Mussolini au pouvoir réagissait contre le lâchage du pays par ses alliés de la guerre de 14-18 et sa « victoire volée ».

Dans ce genre de situation il faut être attentif aux petits signes. L’auteur de ce texte n’a aucun rapport avec la franc-maçonnerie, ni de près ni de loin. Mais un contrat de coalition où deux partis d’un des pays fondateurs de l’Union Européenne écrivent noir sur blanc que ne peuvent entrer au gouvernement des personnes qui appartiennent à la franc-maçonnerie, voilà qui réveille de sinistres souvenirs et sonne comme un signal d’alarme.

Les réactions du peuple italien seront évidemment déterminantes. C’est pourquoi on attend avec impatience des analyses plus fines sur ses motivations. Où va cette « peuplecratie » que décrivent le politologue français Marc Lazar et le sociologue italien Ilvo Diamanti dans un livre publié en Italie au moment des élections, livre où ils essayent d’aller au delà de la dénonciation fourre-tout du « populisme » ? Vers de nouvelles formes de démocratie ou vers le suicide de la démocratie ?

 

 

 

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Commentaires

En nommant un "technocrate" refusé par les partis arrivés en tête aux élections, en lieu et place de Guiseppe Conte, le président Mattarella réalise une sorte de "coup d'Etat".

Certes, juridiquement, il est sans doute (je ne suis pas un spécialiste de droit constitutionnel italien) en droit de le faire. Mais, politiquement, il dénie le choix 100% démocratique des Italiens, qui risquent, lors des nouvelles élections prévues à l'automne, de lui infliger un douloureux camouflet. Il conforte l'opinion de ceux (nombreux) qui pensent que cette décision a été prise sous la pression des instance européennes, ce qui va accroître, si besoin était, le désamour des gens ordinaires vis-à-vis de l'Europe. Et pas seulement en Italie.

L'histoire montre que ce genre de "manipulation" du vote populaire n'est jamais une stratégie gagnante.

Certes le programme de la coalition pouvait apparaîre dangereux aux tenants d'une rigoureuse orhodoxie budgétaire (mais l'entêtement pour la rigueur à tout crin est-elle réellement la solution à nos maux ?) et les "petits signes" que tu mentionnes n'étaient pas encourageants, mais il faut soigner les causes de cette victoire "populiste" et non en colmater grossièrement les effets.

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