C’est grave ce qu’a dit Gérard Collomb ? Et bien…oui.

« Si on veut garder le droit de manifester (...) il faut que les participants puissent s’opposer aux casseurs et ne pas, par leur passivité, être d'un certain point de vue complices de ce qui se passe », a dit le ministre de l’Intérieur sur BFM, le 26 mai. 

Au Club des vigilants, nous n’avons pas l’habitude de monter en épingle les petites phrases et maladresses qui ne font que trop l’écume de l’actualité. Celle-ci ne mérite pas la démission d’un ministre. Mais si elle se répétait et n’était pas recadrée, venant du gardien de « la violence légitime », elle poserait un grave problème. Et, à ce titre, elle mérite une analyse.

Dans le doute, supposons que le début de phrase, laissant entendre que le maintien du droit de manifester pourrait être soumis à des conditions en France, n’est qu’une maladresse. Non, le vrai problème est qu’un ministre de l’Intérieur d’un pays démocratique appelle d’autres que la police à casser du casseur.

Car ceux qui s’opposeraient aux casseurs et autres black blocs ne seraient évidemment pas les pacifiques manifestants. L’exemple récent des occupations de facultés est parfaitement révélateur. Ce seront des casseurs de droite plutôt extrême et fascisante et en tout cas violente qui viendront chasser ou casser des occupants, perturbateurs ou casseurs réputés être anarchistes plus ou moins de gauche. L’impression de désordre serait encore accrue pour la population. Et à la fin de ce genre de processus ce sont toujours les plus violents, les plus autoritaires et les plus fachos qui emportent la mise sur le plan politique.

Deux cas d’école historiques : l’Italie de Mussolini et l’Allemagne d’Hitler.
En Italie, l’Etat de droit, l’armée et la police ont été d’une grande faiblesse pendant les quatre années d’après-guerre qui ont précédé l’arrivée au pouvoir de Mussolini, en octobre 1922. Les troupes en uniforme de Mussolini, les célèbres « chemises noires », se sont peu à peu imposées dans la rue, exerçant une violence extrême qui aurait dû dresser le pays contre elles. Certains, socialistes, syndicalistes, ont tenté de leur résister, ce qui n’a fait qu’accroitre l’impression de désordre. Les fascistes étaient violents, mais ils semblaient représenter un ordre. À la fin les Italiens ont voté de plus en plus fasciste et le roi a appelé Mussolini au pouvoir.

Dans l’Allemagne de Weimar, entre 1918 et 1933, la violence a été omniprésente. Elle venait de tous les camps et notamment de la gauche révolutionnaire au début. Même dans les dernières années, celle de l’ascension électorale très rapide des nazis, la rue n’était pas abandonnée aux SA de Hitler, contrairement à l’image qu’en donne souvent le cinéma ou la télévision. D’une certaine manière les opposants aux nazis faisaient, plus qu’on ne le pense, ce que semble souhaiter Collomb. De vraies batailles rangées opposaient notamment la Reichsbanner, sorte de milice démocratique, aux nazis. Résultat : impression de désordre accrue. Le plus violent, le plus déterminé, le plus facho l’emporta.

Bien d’autres facteurs expliquent bien entendu l’arrivée au pouvoir de Mussolini et Hitler. Ces deux exemples historiques majeurs prouvent cependant que dans la rue ce n’est pas la bagarre entre démocrates et antidémocrates de tous poils qui défend le mieux la démocratie. La défendre est le devoir de la police, monsieur le ministre de l’Intérieur !

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Commentaires

C'est grave ce qu'a dit Gérard Collomb ?
Eh bien, c'est surtout un sujet très sérieux !
Soyons lucides : au cours des dernières manifestations, nous avons observé une recrudescence de l'organisation de la violence et de la casse, avec la complicité, avouée ou pas, de certaines organisations de gauche.
1200 blacks blocks, en tête de la manif du 26 mai, c'est une sacrée organisation !
Bien sûr, et comme d'hab, personne n'a rien vu, rien entendu, rien préparé...
L'Etat, pour de nombreux manifestants en tentation de casser, est le seul responsable de ne pas avoir contenu les casseurs...
L'Etat a le devoir d'interdire des manifestations quand le risque de casse est avéré.
C'est ce qu'a voulu rappeler Gérard Collomb, et c'est ce que certains ne veulent pas entendre, mon cher Jean Claude...

Les "Black Blocs" (gaffe à l'orthographe anti-casseuse) n'existent pas... Ce sont les flics allemands, dans les années 80, qui ont utilisé cette appellation (Schwarzer Blocks), désignant des groupes luttant contre les assauts policiers contre les squats d'autonomes... Appellation reprise par d'autres flics, US, lors des manifs contre la guerre en Irak... Première chose... Ensuite, "Black Blocs" désigne des gens d'obédience plutôt anarchiste, autonome, mais pas forcément violents... Certains montent à l'assaut des flics ( surtout ceux qui frappent, tirent, blessent, tuent), cassent du matériel urbain ou des symboles ultralib' (banques), d'autres s'organisent en équipes de secours pour les blessés, tous les blessés, ou de gestions diverses, parcours, guet, informations, etc. Surtout, l'existence d'un Black Bloc est éphémère : il rassemble un nombre variable de personnes selon les caratéristiques de la manifestation... On est donc loin des confusions médiatiques reprises dans ce commentaire. Vous devez confondre avec les hooligans. Tout le monde peut participer à un Black Bloc, c'est à dire prendre ses responsabilités face aux violences policières et refuser la soumission brutale du bras armé de l'exécutif. Dissimuler son visage permet alors de ne pas être identifié par la police, en uniforme et en civil, et les protections diverses de pouvoir tenir le choc face au sur-armement policier. Voilà. L'histoire au secours de la vérité...

Cher Philippe j'entends bien qui'l  y avait dans la déclaration du désormais ex ministre de l'Intérieur une menace d'interdiction des manifestations, mais il n'y avait pas que cela. Et c'est le reste qui m'a semblé important et me semble toujours important.

Un peu même réponse à notre autre commentateur. Merci pour ces précisions. Je ne suis effectivement par spécialiste des black blocs et autres hooligans. Je parle, comme Gérard Collomb, des affrontements violents en marge de manifestations autorisées. Et une fois de plus, la question importante et qui le reste est celle de la violence, légitime ou non. Faut-il encourager de simples citoyens, éventuellement organisés, à répondre à la violence par la violence? Pour moi, à la lumière de l'histoire, la réponse est et reste: surtout pas!

En arriver à dissimuler son visage, c'est qu'on a quelque chose à se reprocher.
Toutes les "escalades" de violence conduisent à l'irréparable. La solution, possible aujourd'hui avec les vidéos prises in situ, c'est de sanctionner tous les abus, policiers ou manifestants. C'est ce qui s'est passé avec Benalla. Mais arrêtons de croire que la violence est toujours du coté des policiers.

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