Aux sources de l’aveuglement

Au lycée, la meilleure amie de ma fille cadette est tunisienne. A la maison, une employée est tunisienne. Difficile d’imaginer sources d’informations plus partielles. Pourtant, je savais qu’en Tunisie la situation était explosive et qu’une étincelle pourrait créer des « évènements ».

Pourquoi donc nos responsables ont-ils été surpris ?

Une première réponse propre à la France, est due au fonctionnement de ce que l’on appelait jadis les « Renseignements Généraux ». Leurs agents infiltrent fort bien les milieux islamistes et contribuent puissamment à repérer des réseaux. Cela a permis d’éviter des attentats. Il est permis d’applaudir tout en regrettant que les « immigrés ordinaires », ceux qui peuvent renseigner utilement sur l’état d’esprit dans leur pays d’origine, soient assez largement ignorés.

Le problème est, cependant, plus vaste. La « politesse », l’ambition, les préjugés se combinent pour altérer le jugement.

A moins d’être poussé dans ses derniers retranchements, un responsable arabe, par politesse, dit à son interlocuteur ce que celui-ci souhaite entendre.

A moins d’être poussé dans ses derniers retranchements, un fonctionnaire ou un cadre occidental dit à son supérieur ce que celui-ci souhaite entendre.

Tout en haut, trônent des hommes d’Etat débordés par leurs tâches immédiates. Ils vivent sur un stock d’idées qu’ils ont assimilées quand ils en avaient encore le loisir. Ces idées sont souvent dépassées mais nos leaders ne souhaitent guère se l’entendre dire.

Conclusions :

1/ Les princes qui nous gouvernent devraient toujours se méfier des « oui-oui ». Un bon conseiller est celui qui a le courage de déconseiller.

2/ Les experts devraient se méfier des consensus. « La difficulté, écrivait Keynes, n’est pas de comprendre les idées nouvelles, elle est d’échapper aux idées anciennes qui ont poussé leurs ramifications dans tous les recoins de l’esprit des personnes ayant reçu la même formation ».

3/ Les Occidentaux (et, en particulier, les Américains) devraient se méfier des simplifications abusives. Chaque société a des racines qui lui sont propres. Nos diplomaties auraient urgemment besoin de recruter ou de consulter des anthropologues.

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