Une autre manière de regarder le Ségur de la santé

Notre santé n’a pas de prix mais elle a un coût, comme chacun sait ou plutôt croit savoir vaguement. Qu’il s’agisse d’augmenter les rémunérations des soignants ou le nombre de lits de réanimation ce coût concerne tous les patients que nous sommes. Que nous le payions sous forme de cotisations facultatives (mutuelles complémentaires), obligatoires (cotisations maladie) ou indirectes (CSG, CRDS, etc.) nous le payons tous de manière assez égalitaire. Toutes ces contributions sont en effet peu progressives. Ce coût il serait bon que nous en ayons mieux conscience, individuellement et collectivement au moment où le Ségur de la santé risque de déboucher sur une augmentation du budget de la santé en France.

Individuellement, il n’est pas normal que nous puissions repartir d’un hôpital sans savoir ce qu’a coûté notre opération et notre hospitalisation à la collectivité ou que nous sortions d’une pharmacie en sachant seulement qu’il n’y a rien à payer. Connaître le coût n’empêcherait pas d’apprécier encore plus la solidarité sociale à la française ou plutôt à l’européenne.

Collectivement, la progression des dépenses de santé et l’ampleur du déficit (qui ne devrait pas exister) sont certes des indicateurs fondamentaux. Mais il faudrait familiariser le public avec un autre, la part de la richesse produite que nous consacrons à la santé : 11,2% en France comme en Allemagne en 2018, au-dessus de la moyenne OCDE qui est de 8,8%. L’inertie des dépenses de santé étant ce qu’elle est, cette part a augmenté avec la crise de 2008 et va encore augmenter avec celle que nous traversons. Cet indicateur bouge moins, certes que les deux autres d’une année sur l’autre et n’est pas un instrument de pilotage à court terme. Mais il est capital. Il n’est d’ailleurs pas choquant que cette part de la santé augmente légèrement dans un pays développé, à condition qu’elle soit financée (pas de déficit) et connue. Cet indicateur est de fait l’expression d’un choix collectif  non débattu qui pourrait l’être au moment des grandes échéances électorales. Ce qu’on dépense en santé on ne le dépense pas ailleurs.

Ce coût de la santé est aussi une ressource collective au sens où il génère de l’activité et de l’emploi. Il devrait en générer plus. Mais pas forcément sous forme d’emplois payés par la sécurité sociale. La médecine française a une réputation internationale. La France a une industrie pharmaceutique et notamment une industrie des vaccins. Nous avons pu apprécier pendant le confinement la réactivité d’une jeune entreprise comme Doctolib qui a très vite mis en place des téléconsultations efficaces. Tout ceci est bien mais n’est pas à la mesure du budget français de la santé et des talents de son monde médical.

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