« Main de velours dans un gant de fer »

Depuis sa chute dans un escalier, Helmut Kohl, 80 ans, se déplace en fauteuil roulant. Ces derniers mois, il a contemplé avec tristesse mais sans étonnement le comportement d’Angela Merkel.

Dans les années 1990, il avait favorisé l’ascension de cette jeune ambitieuse venue d’Allemagne de l’Est. En janvier 2000, elle l’a froidement laissé tomber. En 2005, elle est devenue chancelière. Elle n’avait pas la fibre européenne et l’a prouvé tant qu’elle a pu croire que la crise n’était que grecque.

La tricherie, dans la présentation budgétaire de la Grèce, est apparue en octobre 2009. La demande d’aide du nouveau gouvernement hellène date de janvier 2010. Si Mme Merkel ne s’était pas opposée à l’adoption de mesures concrètes en février, l’Union européenne aurait fait l’économie d’une crise grave. L’addition aurait été moins salée que celle consentie dans l’urgence le 9 mai.

En ce jour anniversaire de la Déclaration Schuman pour la création d’un premier marché commun, le parti de Mme Merkel a perdu les élections dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie. D’après les enquêtes d’opinions, les électeurs reprochaient moins à la chancelière sa tardive prodigalité européenne que son indécision. « Une main de velours dans un gant de fer » a écrit un bloggeur.

Kohl ne se serait pas comporté de cette manière. Son prédécesseur Schmidt non plus. L’un et l’autre auraient, dès le départ, parlé franchement, pris des décisions et volé au secours de l’euro pour le bien de l’Europe.

Reste à savoir si le faux pas de Mme Merkel est dû à sa personnalité ou s’il reflète l’état d’esprit de toute une génération. Les « pères de l’Europe » ne sont plus de ce monde et leurs héritiers ne sont pas de prime jeunesse. Quand Mr Kohl a fêté ses 80 ans à l’automne dernier, Jacques Delors était présent mais aucun membre du gouvernement allemand n’avait jugé utile de se faire inviter.

L’Europe semble en danger mais la mutation, qu’on appelle « crise », ne fait que commencer. Dans un monde de plus en plus instable, les jeunes auront besoin d’Europe. Même en Allemagne. Mme Merkel peut encore le comprendre.

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