Grandeur et gaspillage

Pierre-Gilles de Gennes a beau être prix Nobel, il peut se tromper. Espérons le car, s’il ne se trompe pas, le réacteur expérimental ITER, censé ouvrir la voie de la fusion nucléaire, ne serait rien d’autre qu’un immense gaspillage. Dans une interview au journal Les Echos (12 janvier 2006), Pierre-Gilles de Gennes met en cause aussi bien la méthode que la finalité du projet.

La méthode : « Avant de construire un réacteur chimique de cinq tonnes, on doit avoir entièrement compris le fonctionnement d’un réacteur de 500 litres et avoir évalué tous les risques qu’il recèle. Or, … on n’est pas capable d’expliquer complètement l’instabilité des plasmas ni les fuites thermiques des systèmes actuels. On se lance dans quelque chose qui, du point de vue d’un ingénieur en génie chimique, est une hérésie. Et puis … croire que des bobinages supraconducteurs, servant à confiner le plasma, soumis à des flux de neutrons rapides comparables à une bombe H, auront la capacité de résister, pendant toute la durée de vie d’un tel réacteur (10 à 20 ans) me paraît fou ».

La finalité paraît tout aussi absurde à Pierre-Gilles de Gennes : « Un réacteur de fusion c’est à la fois Super Phénix et La Hague au même endroit. Si, avec Super Phénix on a réussi à gérer un réacteur à neutrons rapides, ce serait difficile à reproduire sur 100 réacteurs en France – ce qu’exigeraient les besoins électriques nationaux – car ces installations réclament les meilleurs techniciens pour obtenir un résultat très raffiné dans des conditions de sécurité optimale. Et ce serait littéralement impossible dans le Tiers Monde ... Sans compter qu’il faudrait construire une usine du type de La Hague pour pouvoir traiter sur site les matières fissibles extrêmement chaudes qu’on n’a pas le droit de transporter par voie routière ou ferroviaire. Vous rendez-vous compte ! ».

Le gouvernement français était à la pointe du combat en faveur du projet. L’Union Européenne a suivi avec beaucoup plus d’enthousiasme que les Etats-Unis et autres participants. Les pays membres et, plus particulièrement la France vont, pendant 30 ans, consacrer à ITER au moins 10 % des fonds alloués à la Recherche.

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