L’ignorance, fabrique de la guerre qui vient

Nous n’importons pas le conflit israélo palestinien, nous fabriquons un conflit qui sera le résultat de notre propre aveuglement.

Les massacres du 7 octobre ont suscité l’indignation et le soutien au droit d’Israël à se défendre.
Les massacres dans Gaza poussent les plus audacieux à réitérer leur soutien à l’édification d’un Etat palestinien.
Ainsi, pense-t-on, la symétrie de la position permettra de préserver la paix dans nos frontières.
Ce ne sera pas le cas pour de multiples raisons
.

Le droit d’Israël à se défendre n’est pas le droit d’Israël d’humilier la population palestinienne et de la déposséder de son propre pays. Cette politique, continue depuis 1948, est le fondement de la haine que subi Israël qui ne peut appeler au secours l’occident en creusant lui-même sa tombe.

La diplomatie européenne, marquée par une position française assez favorable à la Palestine, est entravée par la mauvaise conscience allemande. La position allemande de soutien inconditionnel à Israël est entravée par la nécessité pour la France de ne pas humilier les Arabes outre mesure. Le résultat en est la nullité de la politique étrangère des Européens et le recours à une position d’équilibre fictif, droit à se défendre d’un côté, promesse d’Etat de l’autre. Fictif, car le droit à se défendre représente une autorisation à recevoir des armes et à en user aujourd’hui alors que la promesse d’Etat ne relève que du discours sans perspective concrète. Bombes contre promesses, mauvais équilibre.

Le hiatus entre les gouvernements et les médias occidentaux, majoritairement favorables à Israël et la réalité de la rue propalestinienne s’accroît. Plusieurs raisons à cela. Israël a importé les juifs européens et l’Europe a importé les musulmans d’Afrique du Nord et de Turquie. La sympathie de ces derniers pour les Palestiniens ne résulte pas que de la proximité religieuse. Le souvenir de l’Empire ottoman, des royaumes almohades et almoravides qui ne défavorisaient nullement les juifs, et plus loin, des califats laisse ancrée en eux la certitude que la persécution des juifs est une affaire européenne, et non orientale. Voir les Palestiniens souffrir au nom de la souffrance passée des juifs en Europe ne les convainc pas et le discours culpabilisateur n’a pas de prise sur eux.

Ces mêmes gouvernements et médias commettent une grave erreur, ferment d’une guerre de religions. Le concept nu de « droit d’Israël à se défendre » occultant les raisons pour lesquelles les Palestiniens se révoltent renvoie les Arabes à une guerre de religion. Occulter la dimension nationale de la cause palestinienne (et nombre de Palestiniens sont chrétiens) réduit la révolte palestinienne à la violence islamiste. En balayant l’aspiration nationale palestinienne, nous donnons prise au discours israélien : eux ou nous, juifs contre musulmans, et donc judéo-chrétiens, détenteurs de la civilisation contre barbares.

La réussite de ce discours a pour corollaire l’enfermement des musulmans d’occident dans leur identité religieuse, ce que certains ne souhaitent pas, et la démonstration de leur infériorité, en tant que musulmans, face à l’inéluctable succès militaire israélien qui n’existerait pas sans la pompe à dollars branchée sur les Etats-Unis.

Oubliera-t-on que les Etats-Unis ont créé Al Qaeda pour bouter les Soviétiques hors d’Afghanistan, qu’ils ont utilisé les mouvements islamiques pour affaiblir Bachar el Assad en Syrie et qu’Israël a favorisé le Hamas pour réduire une organisation laïque : l’OLP. Or les premières victimes de ces créations sont d’abord des musulmans. La question de savoir qui est plus coupable, du barbare ou de celui qui le fabrique peut légitimement se poser.

Ainsi, s’il est certain que la guerre en cours ne peut susciter que du ressentiment de la part de la population musulmane européenne, le facteur déclencheur des tensions internes n’est pas le conflit lui-même, qui pourrait rester une affaire externe, mais le parti pris occidental pour Israël, caractérisant pour les arabo-musulmans d’Occident qu’il ne sauraient être autres que des citoyens de seconde zone, des inférieurs sans entendement et in fine d’autres Palestiniens.

Les mêmes causes engendrant les mêmes effets…

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