Vers un autre capitalisme qui fasse alliance avec la vie

090316-Croisee-Chemins.jpgRéalisé par le groupe de travail "Pour un capitalisme durable", piloté par Alain de Vulpian, ce rapport ébauche une analyse systémique et bio-socio-économique de la crise globale dans laquelle est plongée la planète. Il s’appuie sur deux enquêtes de terrain auprès de dirigeants français (Club des Vigilants) et d’agents de changement opérant dans des entreprises européennes (Sol). Il voudrait contribuer à éclairer la réflexion du Club et de divers réseaux amis sur les opportunités d’influencer le cours des choses.

La crise financière et économique a éclaté au sein d’une crise beaucoup plus large, crise de la civilisation, crise de la gouvernance planétaire. 

Le laisser-faire qui inspire l’action de nos gouvernants depuis la fin des années 70 a laissé se faire deux évolutions qui ont fini, au cours des années 1990 et 2000, par devenir radicalement contradictoires.  

La société des gens s’est librement auto organisée sous la forme d’enchevêtrements de réseaux de personnes relativement autonomes et de socio-systèmes qui s’autorégulent. Ils forment (aux pathologies près) un tissu social qui parvient à fournir à la plupart des personnes les gratifications qu’elles attendent : petits bonheurs, affections, épanouissement, paix, sens… 

De son côté, la finance s’est librement auto-organisée comme un système clos qui a progressivement pris le pouvoir sur l’économie réelle dont il s’est nourri. Sous son influence, des entreprises, de plus en plus nombreuses, se sont centrées sur le court terme, la maximisation de profits exagérés, le serrage systématique des boulons, l’exploitation jusqu’à la corde des personnels,  des consommateurs et de la planète. Les profiteurs de la finance sont devenus de plus en plus riches alors que les classes moyennes et populaires s’appauvrissaient. 

Alors que la tension entre les deux univers s’exacerbait, la finance, perdant le contrôle de son développement, a explosé et entraîné dans sa chute l’ensemble de l’économie mondiale. 

Nous ne sortirons de la crise économique qu’en mettant à nouveau la finance au service de l’économie réelle et en facilitant l’émergence d’un capitalisme et d’entreprises apprenant à se décentrer du court terme et à faire alliance avec les gens, la société et la planète. 

Comment envisager d’intervenir ? 

Interventions auprès des dirigeants politiques

Même parmi eux, les voies de sortie de crise sont l’objet de discussions de café du commerce plus ou moins teintées de préférences idéologiques. Il n’est pas très intéressant de participer à leur conversation. Les dirigeants manquent, et nous manquons, d’une analyse cohérente et crédible du « système-crise-économique » qui ouvrirait des pistes d’intervention susceptibles de remettre l’économie réelle en état de marche en un ou deux ans. La science micro économique pragmatique qui nourrirait une telle analyse ne s’est pas encore développée. Les palpeurs qui pourraient éclairer les pilotes sur l’état momentané et détaillé des systèmes ne sont pas en place. Si des équipes de recherche-action sont sur la voie, peut-on les repérer, les appuyer, les aider à se connecter et à se faire entendre des dirigeants ?

La crise est systémique et planétaire. Or, en dépit de progrès récents, bon nombre de dirigeants conservent des modèles mentaux imprégnés de causalité étroite et de références nationales. Pouvons-nous envisager des interventions qui les aideraient à adopter des postures systémiques et planétaires ?

Interventions auprès des entreprises 

Les conduites effectives des entreprises au cours des prochains mois et des prochaines années seront décisives. Pour qu’elles contribuent au redémarrage de l’économie et émergent de la crise en bonne santé, il faut qu’elles se libèrent de l’obsession du court terme et du serrage des boulons. Il faut qu’elles trouvent leur façon de réveiller leur capacité à anticiper les transformations de leur métier, de leurs techniques, de leurs consommateurs et de leur écosystème et à se construire un futur de vitalité. Il faut qu’elles apprennent les pratiques qui leur permettront de tirer pleinement parti des potentiels humains de leurs équipes pour produire de l’efficacité et des profits raisonnables dans la durée.  

Le Club veut-il pousser sa réflexion sur les façons dont il pourrait contribuer à ce renouveau ? 

Interventions au sein de la société des gens 

La société des gens, avec ses vaguelettes et ses vagues d’intelligence collective, avec ses réseaux et ses manifestations diverses va continuer à peser sur les cours des choses et notamment sur les conduites des autorités politiques et des entreprises. Voulons-nous creuser la réflexion et mener quelques exp&eacu
te;riences pour comprendre comment faciliter et catalyser les poussées de la société des gens en direction d’une nouvelle harmonie ?

Le rapport complet est consultable à l'adresse suivante :

http://www.clubdesvigilants.com/mt-static/pdf/Vers-un-autre-capitalisme.pdf

 

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Commentaires

J'ai assisté récemment aux "Débats du Monde" au théatre
du Rond Point des Champs-Elysées à Paris dont le thème était :
" Crise, par où la sortie ? "

Si tous les intervenants s'accordaientt à dire que son origine est multifactorielle (économie, finance, écologie,société,...)
les types
de voies de sorties envisagées sont apparus peu nombreux.

Jacque Attali, a prôné le projet de la constitution d'un véritable "gouvernement du monde", arguant que la mondialisation
est un processus avéré sur lequel on ne reviendra pas.

Emmanuel Todd, a prôné le projet d'une organisation du monde en grandes zones géographiques économiquement et politiquement
autonomes (sans être réellement protectionnistes) mais de fait inter opérantes dans le cadre de règles de gouvernance définies par des conventions internationales.

Cela est intéressant mais ne dessine qu'un "état final" du "système monde" sans faire encore de propositions concrètes sur les voies et moyens pour y parvenir...

HPS

Mon cher Alain,

* Parler «d’agents de changements» dans les sociétés européennes est intéressant car ils existent, je les ai bien rencontrés. Hélas, ils sont comme des graines apportées par un vent rafraichissant, leur avenir dépend du milieu qui les accueille. Pour la plupart, le désert de l’indifférence voire du refus de la différence rendra leur avenir bien sombre… Il leur faudrait des «jardiniers» qui au nom de l’intérêt général de l’entreprise (c’est ce qu’on désigne sous le terme générique de Direction Générale) seraient chargés de les «piloter» au sein de l’entreprise, de les faire éclore en sachant que la récolte ne sera ni immédiate ni garantie.

* Il ne faut pas rejeter le «laisser faire» comme on le ferait d’un Satan mais plus comme un système de révélation des énergies latentes. Ces énergies mettent en œuvre des actions. La vraie question me semble être de trouver les voies et moyens de canaliser toutes ces actions, de les «mettre en processus» au profit d’une finalité identifiée et reconnue par tous au sein de l’organisation. Ces actions, nées de l’initiative locale sont ce quelles sont et ne peuvent être mises en cohérence que par des «règles», qui permettent de «régler leur réalisation collective». Ces actions on peut les qualifier de plutôt «bonnes» ou de plutôt «mauvaises«, comme si le Bien et le Mal n’étaient que de pôles fictifs jamais atteints entre lesquels navigue la réalité … C’est la vision du Yin et du Yang des Chinois. Mais il y a toujours aussi un peu de Yin dans le Yang et vice-versa. La seule question est de favoriser les actions qui, en fonction des époques et des circonstances, seront plutôt proche du pôle Bien que du pôle Mal. C’est justement le rôle des «règles» que de les faire coexister de manière harmonieuse en organisant, au-delà de leur seule justification propre, une justification collective. Cette justification collective c’est justement celle que se donne l’entreprise,l'organisme, la société dans son ensemble … Comment faire ? Il faut définir entre ces »actions autonomes» nées du laisser faire micro-économique local, un fil rouge, un processus vertueux qui les enchaîne de manière implicite vers l’obtention d’un «résultat» au profit de la collectivité que représente l’entreprise.

Comment qualifier le Bien et le Mal ? Je trouve que la définition qu’en donne Axel Kahn est assez simple et claire. Il dit à peu près: «Le Bien c’est ce qui ne nuit pas à l’autre et au contraire lui est d’une certaine manière favorable ou agréable. Le Mal c’est juste l’inverse !».

* Sur le délire du capitalisme « financier » et non «entrepreneurial», nous sommes dans une crise d’excès. Au lieu que la finance serve l’entreprise, la finance a eu l’idée de se servir de l’entreprise à son seul avantage. Le rôle de client et de fournisseur s’est tout simplement inversé…
* Pour ce qui est des voies de sortie de crise, il semble assez évident que la partition du monde globalisé en deux parties de dimensions très inégales, partitions qui traversent les territoires de gouvernance des politiques, grosso modo une partition dite de Pareto (20 % de population riche et économiquement développée contre 80% de population pauvre et peu développée) est la source d’un gradient d’intérêt qui ne fait que les opposer l’une à l’autre en donnant naissance à des forces plus ou moins violentes destinées à diminuer ce gradient. Pour les pauvres, c’est la cause naturelle d’une sorte de colonisation de population à l’envers qui se manifeste par l’immigration et et pour les riches, c'est la cause naturelle d’une sorte de nouvelle colonisation économique, basée sur les règles de la nouvelle mondialisation, qui permet aux riches de maintenir leurs conditions de vie privilégiées actuelles en utilisant à leur profit des populations majoritairement pauvres, prêtes à travailler sans limites pour des revenus très bas (sauf des poches d’exception).
Pour cela les pays riches, mais surtout les entreprises de ces pays avec leur profit propre pour seul objectif, sans lien avec les population des pays dont elles sont issues, souvent avec la caution d’un gourvernement local, s’organisent de manière à ce que la plus-value soit constatée dans ces paradis économiques (et non pas fiscaux) que sont encore, pour un temps, les pays économiquement développés, si ce n'est,hélas, dans un paradis fiscal...

La seule voie de sortie non conflictuelle et non guerrière serait de convenir, au niveau de notre planète ou bien au sein de vastes zones à gouvernance unique, d’un « Contrat Social International » comme nous avons si bien su le faire en Europe, et plus généralement dans la majeure partie du monde occidental, depuis le Siècle des Lumières

C’est selon moi, le seul moyen crédible pour reproduire à l'échelle de notre planète, le « miracle économique » qui a été celui de l’Occident depuis le XVII° siècle.

Toutefois, je crains que cette voie ne soit pas celle que le cours ou la propension des choses rende la plus probable.

La pensée économique et sociale dominante dans le monde me semble plus être reflétée par les conclusions de Hans-Peter Martin et Harald Schumann qui relatent dans leur ouvrage sur la mondialisation, le consensus avéré entre politiques et dirigeants de grandes entreprises lors des Entretiens de Fairmont à San Francisco.

Ce consensus est de lui de «La Société des deux dixièmes».

En synthèse :

« … Dans le siècle à venir (i.e. le XXI°), deux dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale …. On n’aura pas besoin de plus de main-d’œuvre… Un cinquième des la population du monde suffira à produire toutes les marchandises et à fournir les prestations de service de haute valeur que peut s’offrir la société mondiale… Cette partie de la population mondiale participera ainsi activement à la vie, aux revenus et à la consommation, dans quelquespays que ce soit… Mais pour le reste ? … ils vont avoir des problèmes considérables… A l’avenir, la question sera « to have lunch or be lunch »: avoir à manger ou être dévoré…”

C’est donc un nouvel ordre social mondial sans classe moyenne, digne de ce nom, que l’on dessine dans les salons de l’hôtel Fairmont à San Francisco.

L’un des mots qui restera de ces entretiens de la fin du XX° siècle sera celui de Zbigniew Brzezinski : «Tittytainment is the solution !».

Tittytainment est une combinaison des mots « entertainment » et « tits », donc un cocktail de divertissements abrutissants et d’alimentation suffisante accompagnés de sexe et de seins à discrétion, pour permettre de maintenir un peu de bonne humeur pour la partie la plus frustrée de la population de cette planète …

HPS

En lisant l'idée de créer un "contrat social international", j'ai voulu me rappeler ce que Rousseau voulait en dire... à l'époque de la pré-mondialisation !

J'ai eu envie de le reproduire ici ...

Dans "Du contrat social"
Ce pacte est contracté entre tous les participants, c’est-à-dire l’ensemble exhaustif des citoyens. Dans le pacte social, chacun renonce à sa liberté naturelle pour gagner une liberté civile.
La souveraineté populaire est le principe fondamental du contrat social. L’indivisibilité de cette souveraineté est un autre principe fondamental, par lequel il faut comprendre que le pouvoir du Souverain ne saurait être divisé (Rousseau emploie ce terme pour désigner le peuple souverain) et ne peut s’en séparer par intérêt personnel, car l’intérêt personnel est contraire à la recherche de l’intérêt général, seul objectif du contrat social.
Ce contrat social, Rousseau le voit comme faisant suite à l’état de nature dans lequel règne la loi du plus fort. Pour lui, la loi du plus fort ne peut être un principe directeur d’une société car il est incompatible avec l’intérêt général, et donc avec le contrat social : « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. »

La perte du contrat social, c’est le retour à l’état de nature, primitif, animal, « tyrannique et vain ». Une société qui rompt son contrat social ne serait plus une société libre...

Du contrat social commence par ces mots :

« Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu’ils sont, et les lois telles qu’elles peuvent être. Je tâcherai d’allier toujours, dans cette recherche, ce que le droit permet avec ce que l’intérêt prescrit, afin que la justice et l’utilité ne se trouvent point divisées. »

(Livre I, Préambule)

Ces quelques lignes, si on se place aujourd'hui à l'échelle de la planète, ont toujours valeur d'alerte pour l'humanité.

La liberté sociale n'est pas vraiment en voie d'expansion à l'échelle du monde ...

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