Populisme

Jean-Claude Hazera : "Extrême droite : la France est beaucoup plus en danger que les autres démocraties"

Comme dans les années trente, l’angoisse de l’avenir et l’impuissance de l’État face au désordre alimentent un nationalisme dangereux, estime l’historien journaliste. "Néo-nazis, néo-fascistes… la rentrée politique est marquée en Europe par l’arrivée au pouvoir de partis héritiers de mouvements d’après-guerre, en ligne directe avec les heures les plus sombres des années trente du XXe siècle. En témoigne le succès annoncé en Italie de Giorgia Meloni à la tête de Fratelli d’Italia, et celui de Jimmie Åkesson, des Démocrates de Suède, lors des dernières élections dans le pays berceau de la social

Un leurre dangereux : l’enseignement supérieur pour tous

Longtemps nous avons vécu dans la croyance qu’il nous fallait toujours plus de diplômés du supérieur. Moi le premier. Nous vivions dans la certitude que cet accomplissement garantirait plus d’emploi et de rémunération aux premiers intéressés, de meilleures performances à l’économie et un meilleur fonctionnement d’une société plus cultivée donc plus démocratique. Cette croyance était largement soutenue par les économistes, l’Europe, etc. Pourtant ce que nous soupçonnions sans oser regarder la réalité en face commence à devenir de notoriété publique : tout cela s’avère trop largement faux . Il y

La France en colères, avec Christophe Bourseiller

Avec « la France en Colères », ouvrage instructif fruit d’une décennie de recherche scientifique, Christophe Bourseiller apporte un éclairant témoignage sur les nombreuses formes de radicalité présentes et émergentes. Il fixe l’idée que ces phénomènes et mouvements, non spécifiquement français, ébranlent et disloquent bon nombre de sociétés occidentales. Notons qu’il délivre avec ce dernier opus un nouveau regard et une réponse à un état des lieux antérieur et précurseur remontant à 1989, intitulé « Les ennemis du système ». [i] Plusieurs points saillants ressortent des grandes lignes de son

Lisez, relisez "Les ingénieurs du chaos"

Quand je suis invité à parler de Comment meurent les démocraties [1] des questions me sont souvent posées sur la menace que représentent (ou pas) aujourd’hui les réseaux sociaux. Je n’en traite pas dans mon livre puisqu’ qu’il porte sur l’entre-deux-guerres. J’ai trouvé peu éclairantes beaucoup de longues digressions consacrées au rôle des réseaux par des auteurs traitant un sujet voisin du mien. Jusqu’à ce que je lise enfin Les ingénieurs du chaos [2], de Giulano da Empoli. J’avais lu Le mage du Kremlin et laissé de côté ce livre antérieur (première édition 2019). J’avais tort. En moins de

Les émeutes menacent-elles la démocratie ?

Je reviens sur le lien complexe entre démocratie et révolution, à partir de la présentation que Christophe Bourseiller a faite de son dernier livre " La France en colères" à une matinale du Club des Vigilants, et de l’excellent débat qui a suivi. Les colères ne sont pas nouvelles en France, mais Christophe Bourseiller note qu’elles semblent s’accélérer : d’une fois tous les 10 ans environ dans la seconde moitié du siècle dernier, à une fois tous les 5 ans dans le début de ce siècle. Les colères, prises au sens d’émeutes, sont-elles une menace dirigée contre la démocratie pilotée par des

Relecture de "Comment les démocraties finissent"

Je vous suggère, quarante ans après, une relecture du livre de Jean-François Revel : « Comment les démocraties finissent » (Grasset,1983). Plus généralement, ces relectures de livres jalons sur des thèmes d’actualité peuvent être un exercice salutaire. L’auteur mettait en lumière les principales menaces qui pèsent sur les régimes démocratiques Revel souligne que le populisme peut jouer un rôle majeur dans la fin des démocraties en exploitant les frustrations et les peurs populaires pour parvenir au pouvoir. Il met en garde contre les leaders populistes qui utilisent des discours simplistes et

Contre les referendums

À la faveur des débats et manifestations contre la réforme des retraites en France voici mon « coming out » : bien que très attaché à la défense de la démocratie, des libertés et de l’État de droit je crois que le référendum est une fausse bonne idée. J’imagine ce que cette affirmation peut avoir de choquant pour tous ceux qui, logiquement, y voient une rare occasion d’expression démocratique directe du peuple. Comment tenter de justifier cette position dans laquelle entre, je dois l’avouer, une part d’intuition ? Une partie non négligeable de la mission non dite ou peu dite de l’État, donc du

La Langue de Zemmour

Professeur à l’université de Stanford (États-Unis), chercheuse associée au Cevipof de Sciences Po, Cécile Alduy s’est penchée sur les procédés rhétoriques du candidat aux élections présidentielles Éric Zemmour, dans un essai bref et incisif, La Langue de Zemmour (Éditions du Seuil, 2022). Elle montre que son style s’inscrit dans une longue tradition de la langue fasciste. Disséquant le discours du candidat à la magistrature suprême, elle montre les procédés par lesquels il clôt toute discussion : la répétition à outrance et l'assertion de vérités générales ( « on sait que », « depuis la nuit

Anti Bullshit

On a profondément tort de ne pas s'intéresser à la sémiologie, fondamentalement l'étude des signes. Très connue des communicants et des publicitaires, elle concerne vraiment tout un chacun. Il faut vraiment lire ce remarquable ouvrage d' Elodie Mielczareck, sémiolinguiste, intitulé Anti Bullshit. Quel est le point commun entre l'affaire Benalla, le changement de nom de Total, la gestion des masques Covid par le gouvernement, le pouvoir d'achat "ressenti" et le greenwashing? Comme dit la 4 ème de couverture du livre, " fake news, storytelling, nudge, post-vérité, langue de bois, bienvenue dans

Réinventons la démocratie pour ne pas céder au désarroi !

Ce ne pourrait n’être qu’une surprise, à la fois bonne et mauvaise, c’est de l’inédit en tout cas. Quelques centaines de milliers de Français, qui souffrent dans leur vie quotidienne et se sentent ignorés de ceux « d’en haut » expriment leurs souffrances par des manifestations répétées et crient leurs revendications. Signe que ces Français ne sont pas des « veaux » enfermés dans leur individualisme, qu’ils croient à la politique, qu’ils veulent la réinventer. Toute demande de changement venant de la base est à prendre au sérieux dans une démocratie, même si elle engendre désordres et