Comment on détruit croissance et emploi en bloquant l’innovation

Le Président Chirac en son temps prit la peine de faire inscrire le Principe de Précaution dans la Constitution. Le Président Sarkozy, lui, fit voter une loi interdisant ne serait-ce que la recherche de gaz de schiste en France. Les écologistes encouragés par les socialistes, refusent eux, au nom du développement durable, toute modification, aussi infime soit-elle, de notre environnement car ils oscillent invariablement entre : « ne touchez à rien » et « revenez à un âge d’or où l’homme n’était pas encore intervenu » soit, revenons à la nature « vierge ».

Ces positions de principe, interprétées soigneusement par les associations idoines, voire par les tribunaux et accompagnées par les politiques de manière quasi unanime car gagnante sur un plan électoraliste (maire bâtisseur, maire battu !) ont tout de même un inconvénient majeur, c’est qu’elles bloquent toute innovation. En effet, qui dit innovation, dit changement, et qui dit changement dit risque potentiel donc conflit avec le principe de précaution, surtout si l’on exige de l’inventeur la preuve qu’il n’y aura aucune conséquence possiblement néfaste avant expérimentation. On rétorquera, pourquoi changer ? Tout simplement parce que simultanément à ce gel décrété de notre situation, nos concitoyens veulent eux voir leur situation s’améliorer. Rappelez-vous le nombre intolérable de pauvres et d’inégaux que notre société génère chaque jour. Comment en sortir ? Par la croissance, car il est simple à calculer que la répartition n’y suffira pas (Divisez la fortune de Madame Bettencourt par 65 Millions de français : vous obtiendrez un billet de 500 €uros et ceci une seule fois !). Or la croissance est par essence changement, évolution, innovation, et …risque. La croissance, en particulier de l’emploi, dans les grands pays développés, est le fait quasi exclusif d’entreprises nouvelles et innovantes, celles très exactement que le principe de précaution écarte, voire interdit – largement secondé par une politique fiscale et administrative confiscatoire et paralysante (à côté du gaz de schiste, pensons aux OGM, au foisonnement exponentiel des normes, à l’hypertrophie du Code du Travail etc…..). On trouve des études étayant cette idée sur le site de l’IRDEME (Institut de Recherche pour la Démographie des Entreprises), proche de Bernard Zimmern, comme l'IFRAP. Au passage, il ne faut pas se faire trop d’illusions sur la croissance dite « verte ». Si celle-ci consiste en une augmentation ou une aggravation de normes diverses, elle va non seulement avoir beaucoup de mal à se réaliser mais encore augmenter l’insatisfaction des consommateurs puisqu’en face d’efforts supplémentaires demandés, ils ne bénéficieront que de peu d’effets positifs perçus. Examinons par exemple le cas de la construction dont le coût a dérapé de près de 30 % en 10 ans par prise en compte de contraintes « vertes » ou sociales : La prestation perçue par le consommateur n’a évolué que dans son prix ! Il n’est pas facile de constater chaque jour l’avantage d’un double-vitrage ou d’une isolation. Par contre la hausse du prix des logements ou des loyers est immédiate et concrète. La plupart des prestations « vertes » sont chères et leurs effets peu sensibles pour le consommateur. S’il s’agit de nouveaux produits ou services, le principe de précaution va freiner leur développement. La prudence généralisée et le développement durable vont aller de fait dans le même sens. Un faible espoir s’était fait jour, début 2015 : de plus en plus de personnes commençaient à  comprendre le caractère anti croissance et anti-emploi du Principe de Précaution. Peut-être allait-on l’aménager ? La réponse – intégrée dans le code de la consommation par la loi sur la transition énergétique - est pour le moins curieuse : c’est la nouvelle réglementation sur « l’obsolescence programmée des produits », cette prétendue dérive systématique des industriels qui consiste à fournir des produits délibérément fragiles ou irréparables pour en vendre plus souvent. Cette infraction, plutôt durement réprimée - 300 000 €uros d’amende et/ou 2 ans de prison – va de fait de nouveau à l’encontre de l’innovation. Qui désormais va prendre le risque de lancer, d’améliorer ou de modifier un produit avec une telle épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête ? (Sachant que des règles existent déjà : un fabricant d’automobiles doit fournir des pièces de rechange pendant 10 ans par exemple, ou la garantie décennale dans la construction) A noter qu’avec ce principe, on aurait dû garder en service les charrues de nos grands-pères puisqu’elles ne sont pas encore usées! Nous devrions réparer des ordinateurs ou des téléphones portables d’il y a 10 ans alors que les technologies ont multiplié leur puissance par 10 ou 100 et divisé leur coût dans les mêmes proportions ? Stupide. Au demeurant, un industriel qui fournit ce type de prestation risque fort d’être vite repéré et de perdre ses clients car non fiable. La cerise sur le gâteau vient de la récente loi « anti-gaspillage », heureusement bloquée pour le moment par le Conseil Constitutionnel. Il est bien connu que l’objectif d’un commerçant ou d’un super marché est de générer de la marchandise invendable et de la détruire ensuite… comme celui d’un industriel d’ailleurs ! Les invendus sont bien évidemment l’objet d’une recherche d’élimination permanente dans les circuits de production et de distribution et quand on ne peut les éviter, on cherche à minima des solutions pour en diminuer le coût : soldes, réutilisation, recyclage etc ….. Alors faisons une loi et interdisons le gaspillage donc l’essai, donc l’erreur! Donc quelque part l’innovation et la croissance.   Les problèmes du chômage et des réformes nécessaires à son recul, en particulier celui de l’innovation, ne sont pas encore près de commencer à se régler.

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Commentaires

Mon Cher Bernard,
Merci de tes remarques, tout à fait pertinentes au demeurant et que je partage bien entendu en grande partie. Le problème est que nous devons choisir : la sécurité avec le principe et tous ses satellites ou la liberté et ni le principe, ni les satellites. J'ai personnellement choisi et je souffre de voir mon pays s'engluer dans le confort et couler doucement mais sûrement. Yves.

bonjour Yves, bonjour Bernard

1) Il y a en effet de quoi s'insurger contre le principe de précaution mis en place sans contrepartie. La contrepartie, ce sont les enjeux bénéfiques d'une innovation ou d'un changement. C'est bien le bilan enjeux/risques qu'il faut s'efforcer d'établir pour chaque innovation.
Refuser d'étudier l'exploitation du gaz de schiste sous prétexte que cette exploitation comporte des risques est absurde.
2) la croissance fut une notion utile pendant les trente glorieuses. On mesurait (facilement) la production de biens et l'augmentation du pouvoir d'achat. Aujourd'hui le deal ce n'est pas de produire plus de biens. C'est de produire de nouveaux biens et de nouveaux services, qui dans bien des cas vont remplacer des biens et des services existants. Dès lors la mesure de la "croissance" n'a plus d'intérêt.
Quels sont donc les indicateurs de progrès économique et social ? cet indicateur est à inventer !
Mais une chose est sûre : il y a aujourd'hui une extraordinaire compétition entre les individus, entre les entreprises et entre les nations pour innover. A terme, ceux qui réussiront dans leurs innovations prendront une meilleure place dans la société que ceux qui n'innoveront pas.

3)Les bagarres menées par les lobbies ou par les associations pour faire des lois anti "x" ou anti "y" sont des pertes énormes d'énergie. Mais comment faire autrement ? voilà un bon thème pour des think tanks!

Si je partage ton point de vue sur le très discutable et probablement pernicieux "principe de précaution", il me semble qu'il ne faut pas l'amalgamer avec les autres points.
La "croissance verte" apporte sans doute un surcroît de coût. Mais elle est dans l'intérêt général, à défaut de satisfaire les intérêts particuliers des acheteurs de biens immobiliers (dans ton exemple).
La loi anti-gaspillage me semble également tout à fait défendable, voire indispensable. La distribution, par exemple, jette chaque année 2,3 millions de tonnes d'aliments non vendus (périmés, pourris, etc.). Jusqu'à cette loi, ils étaient tenus de rendre impropre à la consommation ces déchets. Les obliger à rechercher des débouchés, par exemple auprès des associations caritatives, me semble aller dans le bon sens.
Quant à l'"obsolescence programmée", elle s'attaque à un véritable fléau : la surconsommation de produits (high tech le plus souvent). Oui, on pourrait largement réparer des ordinateurs ou d'autres appareils dès lors qu'ils rendent les services attendus. Est-il réellement indispensable d'être obligé de racheter des produits 10 fois plus puissants lorsqu'on en n'a pas l'usage ?
J'ajoute que ces services de réparation créeraient certainement beaucoup d'emplois locaux.
Je pense même, pour pousser le bouchon un peu plus loin, que, fasse à la "croissance zéro" qui nous menace, cela pourrait engendrer tout une (nouvelle) économie de services.

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