De Trotski à Guizot

070527-Trotski.jpgAvant d’être assassiné dans son exil mexicain, Trotski a consacré son intelligence à déceler les failles du système stalinien. Il a notamment souligné que les hiérarques du régime jouissaient d’avantages matériels considérables qu’ils ne pouvaient légalement transmettre à leurs enfants. Il en déduisait que, faute d’un idéal vraiment communiste qui réduirait les privilèges, le rétablissement de la propriété privée finirait par s’imposer. La chute de l’URSS s’est produite avant que sa prédiction put s’y réaliser.

Le PC chinois, lui, est allé au bout de la logique. La propriété a désormais droit de cité. Des fortunes se créent. Elles sont transmissibles. Les hiérarques en profitent mais ne sont pas les seuls. Plus de dix millions de Chinois possèdent des actions.

Plusieurs ouvrages et de nombreuses thèses sont consacrés à Guizot, cet homme d’Etat français qui, en 1840, s’est rendu célèbre en lançant la formule : « Eclairez-vous, enrichissez-vous, améliorez la condition morale et matérielle de notre France ». Remplacez le mot France par le mot Chine, vous croirez entendre Deng Xiaoping.

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Commentaires

Les Chinois semblent, cher Marc, prendre au mot Deng Xiaoping. Et le "enrichissez-vous" de Guizot est devenu un sport national. Ainsi, selon The Economist daté du 19 mai, 5 millions de comptes en actions ont été ouverts pour les quatre premiers mois de l'année 2007. Soit 2/3 de plus que pour toute l'année 2006.

Cet engouement s'explique par la faible rémunération des comptes à vue en regard de l'explosion des cours en bourse.
De nombreuses sociétés, cotées à la bourse de Shanghai ou à celle de Shenzhen, affichent des PER (Price Earning Ratio) inégalés depuis la bulle Internet des années 2000. A titre d'exemple, cite The Economist, l'action de la Bank of Communication - sixième banque chinoise -, a connu un saut de 71 % en une seule journée lors de son introduction en bourse le 15 mai dernier.

La performance des places chinoises, malgré le mini séisme à la bourse de shanghai en février dernier, ne se dément pas avec une hausse de 50 % cette année et 250 % sur les deux dernières années. Résultat : certains Chinois, toujours selon The Economist, n'hésitent pas à quitter leur emploi, le plus souvent mal payé, pour s'adonner à plein temps aux plaisirs de la bourse !

Cher Marc,
Votre article sur l'évolution de la politique chinoise nous rappelle le paradoxe idéologique dans lequel elle semble s'épanouir : Etat totalitaire et antidémocratique d'un côté, Economie ultra-libérale de l'autre.
Je suppose que la cohésion cette société repose autant sur l'esprit de discipline collective de ce grand peuple que sur la férocité dont est capable le pouvoir central pour réprimer l'indiscipline...
Outre qu'il soit parfaitement inexportable dans les démocraties occidentales, ce système mérite d'être critiqué sauf à être prêt à y vivre y compris comme salarié de base (aux conditions de vie que l'on sait).

Admirer la Chine pour la croissance en ignorant qu'elle écrase des millions de vies dans sa quête de puissance me paraît hypocrite pour ne pas dire schizophrénique.

On ne peut pas à la fois vomir le communisme en se référant à l'URSS de Staline et admirer celui, "pragmatique" du PC Chinois qui réalise en fait la synthèse rêvée des ultralibéraux : un Etat (très) fort qui ne se mêle pas du marché, autrement dit une main de fer dans un gant de fer.
Après tout, pour s'enrichir vite, il faut exploiter le plus possible le plus grand nombre possible et le plus longtemps possible avant révolte...

Pour l'heure, admirons le festin de rois capitalistes dont les miettes font le bonheur d'un tas de petits boursicoteurs se rêvant rois et qui seront les derniers avertis de la fin du banquet.
Eh oui, l'enrichissement sans cause ça marche d'autant mieux qu'on est au sommet ou tout près... comme à EADS !
Vive l'économie libérale de marché !

Gagner en bourse, c'est du bonheur !

Vivant en Chine actuellement, j'observe le récent phénomene d'explosion boursière comme un accroissement du facteur de bonheur :

- Toutes les classes sociales y participent et gagnent, même les chômeurs avec souvent des sommes modestes.

- Il permet de dépenser sans se soucier et de jouir de la vie : plus de voyages à l'etranger, plus de produits de luxe ou aller plus souvent aux restos tout simplement.

- Il donne le sentiment de réduire l'inégalite sociale créée par l'autre bulle immobiliere.

Même si les corrections ne vont pas tarder à venir, tout le monde en convient ici, le sentiment de bonheur a pénétré le coeur de chaque Chinois et le processus est tellement jouissif que peu de gens y resistent.

A vous entendre cher Hao Guan, on devrait dire : heureux comme Dieu en Chine !
"Toutes les classes sociales y participent et gagnent, même les chômeurs", dites-vous. Dans un pays où l'allocation chômage n'existe pas et où le salaire minimum permet à peine de survivre, avec quel argent ces catégories s'adonnent-elles aux joies de la bourse ?

"Il permet de dépenser sans se soucier et de jouir de la vie : plus de voyages à l'etranger, plus de produits de luxe ou aller plus souvent aux restos tout simplement," ajoutez-vous. A vous lire, on croirait que la Chine est un nouvel Eldorado où il n'y aurait que des gagnants. Fini l'errance des mingong pour assurer un revenu de survie. Il leur a suffi de boursicoter pour entrer dans l'ère du bonheur !

"Le sentiment de bonheur a pénétré le coeur de chaque Chinois", concluez-vous. Il faut croire qu'il y en a qui résistent à ce sentiment de bonheur. Je pense notamment à tous ces Chinois qui ne cessent de grossir les rangs des sans papiers dans de nombreux pays et qui se sont souvent énormément endettés pour payer leur passage vers un pays tiers en Europe, en Amérique et ailleurs.

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