Pour gagner la guerre idéologique : un « devoir » civique ?

Nous ne gagnerons pas la guerre contre l’esprit du djihad. Tout au plus pourrons-nous (peut-être, et en y mettant davantage de moyens qu’aujourd’hui) écraser Daesh. Mais on sait déjà qu’il renaîtra ailleurs. C’est donc sur un autre terrain qu’il faut (et que nous avons peut-être les moyens de) gagner : celui des idées et des valeurs. Notamment nos fameuses « valeurs républicaines », celles que nous évoquons volontiers lorsque tout va mal, et que nous avons un peu de mal à voir à l’œuvre dans la vie courante. Ainsi par exemple : primauté de l’intérêt public sur les intérêts particuliers, soumission de chacun à la loi dans le souci du bien de tous.

De toute évidence l’école (notre fameuse « école républicaine ») peine (le mot est faible) à inculquer ces valeurs. Les cours d’instruction civique, un temps supprimés puis heureusement rétablis, n’y suffisent pas. N’est-ce pas, notamment, parce qu’il manque un vécu concret et commun de ces valeurs ? Ne serait-il pas bénéfique de créer les conditions pour que les jeunes, par exemple entre 16 et 18 ans (âge auquel ils sont les plus sensibles aux idéaux, éventuellement mortifères), participent ensemble à des travaux d’intérêt général ? Nous pourrions appeler cela un service, ou mieux, un « devoir » civique. Pour marquer la symétrie avec les « droits » civiques que nous accorde la République. L’idée n’est pas nouvelle. Elle est évoquée à chaque fois qu’un événement traumatisant atteint notre société. Elle est (trop) rapidement qualifiée d’irréaliste (pourquoi donc ?) et, l’émotion retombée, passe aux oubliettes. Ce devoir civique remplacerait le service militaire, ancien (mais sans doute désuet) creuset de mixité sociale, miné par les innombrables exemptions dont bénéficiaient, à tort ou à raison, toutes sortes de nos jeunes. Il remplacerait également l’actuel service civique qui fonctionne sur la base du volontariat. Ce devoir civique (d’une durée par exemple de 3 à 6 mois) serait obligatoire et mixte. Il serait aménagé pour tenir compte au mieux des contraintes (études, emplois, …) de chacun. Il se ferait dans le respect des croyances des uns et des autres. Mais nul ne pourrait y déroger. Et on y pratiquerait sans faillir les principes fondateurs et les lois de la République. Nos jeunes se verraient proposer des projets d’intérêt général qui ne viendraient pas en concurrence avec le secteur marchand, par exemple : alphabétisation, entretien du patrimoine architectural (il existe des milliers de châteaux à rénover), historique (on pourrait multiplier les chantiers de fouilles archéologiques), naturel (campagnes de nettoyage des plages, rivières, sites géographiques), assistance à la réalisation de démarches administratives, assistance aux plus démunis, etc. Ainsi, plongés ensemble dans des projets concrets, nos jeunes prendraient conscience de ce qu’est l’intérêt général, apprendraient à mieux se connaître et à se respecter, entendraient une histoire qui deviendrait réellement leur histoire commune. Irréaliste ? Peut-être. Mais antidote contre les idéologies néfastes et le communautarisme, certainement.

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Commentaires

C'est bien que ce soit dans les programmes de Bartolone et de Pécresse.
Mais ça ne pourra être basé que sur le volontariat.
Pense-t-on sérieusement qu'un potentiel futur éventuel djihadiste se portera volontaire ?

Bonne question, Bernard
c'est bien pour ça que cet éventuel service civique sera obligatoire ou ne sera pas...
Le grand problème de notre société, c'est la tentation de la violence. Cette tentation est dans les gènes de tout être humain. La réfréner est le but de toute civilisation. On peut réfréner cette tentation par la persuasion ou par la dissuasion, mais jamais par la violence. Voilà notre condition.

Ce projet fait, semble-t-il, parti du programme de Claude Bartolone pour l'Ile de France.

Cette idée est de plus en plus dans l'air, et fait consensus. La preuve : elle est dans le programme de Bartolone et dans celui de Pécresse...
Un service, oui, mais plus qu'un travail individuel. Il faut une tâche réalisée obligatoirement en collaboration avec les autres (qui ne sont pas forcément de la même opinion sur les grands sujets).
Apprendre à travailler ensemble, à partager des objectifs d'intérêt général. Nos jeunes ont besoin de vivre cette expérience.

Réalisme oblige, si l'idée est dans les deux programmes, c'est qu'il s'agit d'une idée sans avenir...
Le passé a connu les chantiers de jeunesse mais c'était le passé nous sommes en 2015... :-)

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