Les enjeux de l’éthique au XXIème siècle

EthiqueDidier Sicard, président d’honneur du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), a commencé, lors de son intervention au Club, par lever la confusion que l’on peut faire entre les notions d’étique médicale et bioéthique.

Pour lui, la première relèverait des « relations entre le "sachant" qui est à priori le médecin ou la médecine en général et le porteur – le malade – de la fidélité de la médecine en termes de consentement aux soins, de priorité par rapport à une liste d’attente pour une greffe … En un mot tout le champ de la pratique médicale ». Le second, la bioéthique, mot forgé à la fin des années 70 par les Américains, est, selon lui « une réflexion pluridisciplinaire sur les rapports entre les biotechnologies et le vivant. Cela concerne la procréation, les cellules souches, les greffes d’organes, les neurosciences …». « En bref, dit-il, tout ce que la science contemporaine apporte à la connaissance dans sa relation avec le vivant

Une fois cette distinction établie, Didier Sicard met en garde contre le danger de « l’institutionnalisation de l’éthique ». Il faut, affirme-t-il, accepter le fait que « l’étique est par essence instable. Qu’elle est faite d’inquiétudes, d’interrogations indéfiniment renouvelées. Elle se doit surtout d’être insolente, critique et considérer qu’aucun terrain ne lui est étranger. Elle peut dire que la religion peut poser des problèmes éthiques ; qu’une loi peut parfaitement poser des problèmes éthiques … En un mot : s’arroger la liberté de penser "à côté" ». (L’alibi éthique, 2006, Plon)

Après ce préambule, l’orateur s’est particulièrement attardé sur deux enjeux dans le futur : le concept du "vivre ensemble" et le système de santé.

Le premier rôle de l’éthique assure-t-il est de réfléchir au "vivre ensemble". Or, cette notion est devenue, selon lui, «une sorte de tarte à la crème » qu’on ressert à tout bout de champ». Il estime que « notre société est en train d’abandonner complètement cette conception au profit du rassemblement des egos et des narcissismes, au profit des "moi j’ai droit à …" » et s’inquiète du sentiment de « déréliction » qui semble atteindre le corps social.

Le deuxième concerne l’évolution de la médecine et du système de santé. Une évolution qu’il déplore puisque « le corps, devenu une fiction, n’intéresse plus la médecine » et que le rapport au corps a été remplacé par « les techniques – imagerie, endoscopie, examens de dépistage divers … ». Cette dérive "technologiste" met, selon lui, la médecine mais plus généralement notre système de santé en danger. Didier Sicard s’insurge contre « la disparition d’une médecine humaine au profit d’une médecine technologique qui, elle-même, a perdu son indépendance au profit de la finance ». « Un médicament par exemple, ajoute-t-il, n’est plus là pour soigner une maladie mais pour être un "blockbuster" pour tel ou tel laboratoire ! ». Une dérive qui met à mal aussi, insiste-t-il, « notre sécurité sociale, un système unique au monde ! ».

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Commentaires

Le remarquable exposé du Pr Sicard devant les Vigilants est à rapprocher de l'interview du Pr Khayat parue il y a peu dans le Point. Tous deux dénoncent la déshumanisation de la médecine, phénomène récent mais que l'on pouvait pressentir quand, entre autres, les nouveaux établissements hospitaliers évoquent plus Alphaville que de véritables lieux de soins. Quels sont les causes? Innombrables. Certainement le "technologisme" poussé à l'extrême (en particulier par un principe de précaution devenu absurde) et ,last but not least, la financiarisation de la médecine, de la pharmacie et des comportements humains ( le "tiroir caisse" pour ne pas le nommer).
Le mot clé ETHIQUE s'est évanoui dans nos sociétés dites modernes.

Je reagis sur ce blog que je visite regulierement.
Je suis etonne que la suggestion faite par Gilles, qui est tres decalee par rapport a nos modes de pensees occidentales, soit passee inapercue de la part des vigilants et n'ait fait l'objet d'aucune reaction intelligente de leur part !

Je me demande si certains problèmes de notre médecine occidentale ne sont pas liés tout simplement au fait que son unique objet est de guérir la maladie plus que de prévenir l'arrivée de la maladie ?

Au fond, plus les malades sont nombreux et plus l'industrie médicale dans son ensemble est prospère.

Certes, cela est louable car il faut soigner les malades mais ne pourrait-on pas imaginer une voie complémentaire ?

Dans certaines régions de Chine, il est resté une tradition étrange pour nous.

Le "médecin" est payé par chaque personne de la collectivité chacun des jours où celle-ci est en bonne sante.
Par contre, il n'est pas payé par la personne concernée les jours où elle est malade !

A méditer ...

Ces évolutions technologiques, positives en elles-mêmes, ont hélas été accompagnées par des mutations sociales plus larges. Le bon sens s'efface devant le profit, la rentabilité est érigée en vertu tandis que l'individu est partiellement déresponsabilisé.

Il appartient en effet à chacun de se comporter (dans son sens le plus large) de façon appropriée afin d'être (et de rester) en bonne santé. Si toutefois la maladie s'installe, le système de santé devrait l'encourager à être actif dans tout le processus aussi bien de compréhension de son état, du sens à lui donner que dans les étapes vers sa guérison.

Dans les approches holistiques et intégratives, le patient est perçu dans sa globalité (corps et conscience), et appréhendé dans ses dimensions sociales, professionnelles, familiales, environnementales. Avec un impact possible sur l'ensemble d'une société depuis le coeur qui la compose : l'Homme. Demain, peut-être...

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