Chine : le commerce et la peur

Début octobre, à Bruxelles, le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, a lancé un avertissement. Posant ses papiers, arrêtant de regarder ses notes, il a déclaré : « Si la Chine devait être confrontée à des troubles sociaux, les conséquences seraient désastreuses pour le monde entier ».

Comme le discours de M. Wen avait été consacré aux problèmes économiques et monétaires, sa remarque a généralement été interprétée comme un simple plaidoyer pour le maintien à un niveau élevé des exportations chinoises. Le message, pourtant, allait au-delà. Certains de ses interlocuteurs européens l’ont compris.

M. Wen estime que, si le mécontentement populaire débouchait sur de graves troubles sociaux, la direction de l’Etat et du Parti n’en conclurait pas qu’il faut davantage de démocratie. Le régime, au contraire, se militariserait. Sur le plan international, les coopérations se réduiraient, la mode serait à la confrontation.

A Washington, certains n’en seraient pas fâchés. L’aile nationaliste du Parti Républicain, peu encline aux partenariats, serait plus à l’aise avec un adversaire reconnu qu’avec un faux ami. Ses ténors traitent Obama de naïf. Selon eux, des « gentils » M. Wen, prétendument modérés et modernistes, seraient plus dangereux que des « méchants » militaires. Des troubles sociaux en Chine, en limitant l’essor économique de l’empire du Milieu, auraient pour effet de freiner sa conquête du monde.

Les pays du Sud-Est asiatique sont tiraillés entre le commerce et la peur. La Chine est leur principal client et fournisseur. Elle agit comme un aimant et a tendance à considérer ses voisins comme des vassaux qui lui doivent allégeance. Ceux-ci, du coup, cherchent un contrepoids du côté des Etats-Unis. Obama s’efforce d’en profiter pour donner plus de consistance aux organisations régionales et amorcer ainsi des vrais partenariats. En attendant, la flotte américaine peut renforcer sa présence près des côtes asiatiques : les riverains n’ont pas envie que la marine chinoise devienne la seule protectrice des routes du pétrole.

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Commentaires

Paradoxes chinois

Pendant que le Président chinois était reçu avec faste par Obama, l'opprobre était jetée en France sur Pékin en raison d'une très sombre histoire de soi disant espionnage industriel.
Il ne se passe pas de jour sans que des media français ne publient des articles cataclysmiques sur la Chine, devenue, après une période d'adulation, le symbole de la pollution, de la concurrence faussée, du non-respect des droits fondamentaux etc..
Comment a t' on pu en arriver là?
Les Chinois ont trouvé, en la personne de la France,le maillon faible de l'Occident et ils ne se privent pas de l'utiliser. La France est d’autant plus mal placée pour donner des leçons de démocratie ou de droits de l’homme, qu’elle fut au 19 éme siècle un des acteurs principaux de l’humiliation de la Chine. Qui a visité les ruines de Yuanmingyuan, l’ancien Palais d’été, splendeur érigée par les empereurs Yongzhen et Qianlong qui voulaient rivaliser avec Versailles, ne peut qu’avoir le cœur serré devant la sauvagerie dont nous fîmes preuve ( ce ne fut pas un exploit militaire mais une razzia). La Chine a une revanche de dignité à prendre et elle est en train de le faire.
La Chine, depuis la plus haute antiquité, ne respecte que la puissance (et l’autorité, qui en découle) qu'elle soit économique (l'économie étant devenue aujourd'hui le premier critère de la République Populaire de Chine), militaire ou politique. Or la France, toujours prompte à donner des leçons au Monde entier, est un nain dans ses relations économiques avec la Chine. L'état calamiteux de notre commerce extérieur avec la R.P.C. ne fait que se dégrader et il y a longtemps que nous sommes bien loin derrière l'Allemagne, la Grande Bretagne ou l'Italie pour les exportations vers la Chine. Berlin vend de plus en plus aux chinois mais n'hésite pas à prendre des positions politiques avancées. La France, elle, de part sa tradition jacobine, mélange toujours politique et affaires (les fameux grands contrats chers à nos gouvernants).Elle n'en gagne pour autant aucun respect dans l'Empire du Milieu, bien au contraire.
Le Tibet, une des causes des tensions actuelles, offre une parfaite illustration de l'histoire et du comportement très complexes des chinois. Au XIII éme siècle, le Tibet avait converti les mongols au boudhisme ce qui eut pour effet, entre autre, de réunifier les tribus mongoles. Un Khan mongol devint même Dalaï Lama. Les mongols apportèrent au Tibet leur protection militaire en échange de l'apport en Mongolie de la spiritualité tibétaine (deal original et intéressant !). L'union tibétains/mongols devint la puissance dominante de cette partie d'Asie centrale. Les mongols( dont il ne faut pas oublier qu'ils fondèrent le plus grand empire que connut notre Monde, remarquable par ses créations économiques: réseau postal remarquablement efficace, système bancaire moderne etc..) s'emparèrent de la Chine et Kubilaï (petit-fils de Gengis Khan) fonda la dynastie Yuan en 1271. Aprés la chute de la dynastie Yuan ( qui fut la seule dynastie impérialiste, au sens occidental du terme), la Chine perdit toute prééminence dans la région mongolo-tibétaine et les empereurs Ming (ethnie Han) s'en désintéressèrent complètement. Il faudra attendre les Qing (ethnie mandchoue) pour que la Chine, profitant de dissensions en Mongolie, reprenne une certaine main mise sur le monde tibeto/mongol à partir de la fin du 17eme siècle. Le démantèlement du Tibet historique, géographique, ethnique et culturel n'interviendra qu'à partir de 1950, après la création de la république Populaire de Chine en 1949. Si le Tibet fut longtemps un glacis stratégique entre la Chine,l'Inde et l'Asie centrale, c'est surtout aujourd'hui un magnifique source potentielle de matières premières (lithium, terres rares, uranium etc..) en forte demande en Occident.
L' Occident se laisse éblouir par les réalisations pharaoniques du littoral chinois mais il suffit de quitter les circuits touristiques pour faire un retour au XIX éme siècle. L'exploitation des terres rares à Baotou, mentionnée par Jacques Blamont dans sa note Terres rares...sales... et coûteuses, en est un bon exemple ( mais qui donc, sinon l'industrie occidentale, a, les yeux fermés, succombé au dumping chinois et fermé les mines américaines ou sud-africaines où se trouvent toujours le plus gros des réserves mondiales?)
La Chine, toujours communiste et en même temps hyper-capitaliste,
déconcerte nos esprits cartésiens.
Je ne peux que conseiller la lecture du remarquable ouvrage L'empire de la poudre aux yeux de Jean Leclerc du Sablon qui fut correspondant du Figaro à Pékin pendant près de 20 ans. Avec Francis Deron, malheureusement décédé récemment, qui représentait Le Monde, il formait le duo de choc des journalistes français à Pékin qui, par son non-conformisme, eut souvent maille à partir avec les autorités.

La Chine est éternelle..Le temps ne compte pas pour l'Empire du Milieu.

Michel Chevet

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