Allemagne : le tropisme industriel

Tropisme-IndustrielPendant que des manifestations contre l’austérité se multiplient en Europe, l’Allemagne affirme tranquillement sa domination industrielle et donne, avec bonne conscience, des leçons de discipline. Les Grecs, les Portugais, les Espagnols, les Italiens (et les Français ?) doivent payer le prix de leur insouciance. Le Mark a été fort, l’Euro doit l’être aussi.

Est-ce la faute aux bons élèves si les autres ne suivent pas ?

Le raisonnement se tient mais les « bons élèves » oublient qu’ils ont été aidés par leurs parents et même leurs grands-parents. Il y a exactement un siècle, en 1913, l’industrie allemande était, de loin, la plus vigoureuse d’Europe. Quelques années plus tôt, en 1896, Max Weber, qui allait devenir le grand sociologue de son temps, avait écrit un opuscule sur « La Bourse[1]». Il avait observé les mécanismes financiers tels qu’ils étaient pratiqués à Londres et qui, selon lui, faisaient émerger un monde à part où l’argent était la seule finalité. A ses yeux, la bourse de Frankfort encore naissante devait s’inspirer de l’efficacité des modes transactionnels londoniens mais garder en tête que la finance, pour avoir une utilité économique et sociale, avait mission de concourir au développement de l’industrie.

Les « mauvais élèves » du Sud de l’Europe n’ont pas été à l’école du « capitalisme rhénan[2] ». Pour effacer leurs périodiques déséquilibres, ils ont souvent eu recours à la dévaluation qui, de même que l’inflation, est une sorte de « vaseline ». Aux yeux des Allemands, c’est un péché. Aux yeux de beaucoup d’autres, c’est une sauvegarde. L’Europe n’a pas fini de tanguer.



[1] La Bourse (1894-1896), traduction Pierre de Larminat, Editions Allia, 2010 (147 pages).

[2] Capitalisme contre capitalisme (Michel Albert), Editions Seuil - L'Histoire immédiate, 1999(320 pages).

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Commentaires

Juste une question ... est-ce l' allemagne qui est protectioniste ou la france nous qui a oublié de défendre ses intérêts ?

Dans le grand jeu de la mondialisation engagé depuis longtemps, idéalistes, nous avons pensé et nous continuons de penser que l'on peut tout partager, nos usines, notre savoir faire, ... mais est-ce vraiment la bonne attitude?

Malgré l'europe et surtout à cause de l'europe, l'intérêt national se doit d'être un des éléments de nos choix y compris dans les entreprises privées françaises.

J’ajouterai la nécessité de toujours se positionner par rapport :

1. A une Vision globale non biaisée
2. A une approche métier réelle
3. A une projection moyen/long terme
4. Et pour finir de prendre aussi en compte les aspects géostratégiques un peu trop souvent oubliés

Ce que font nos amis d'outre-Rhin !

Au risque de paraître rabat-joie, je me demande depuis longtemps et encore plus actuellement si la vielle rivalité entre la France et l'Allemagne, qui s'était exprimée au plan militaire par les grandes guerres que l'on sait, n'est pas en train de renaître ?

De grands chefs politiques et militaires français et allemands ont rêvé et parfois commencé de réaliser, chacun pour leur part, une "Europe aux couleurs de leur drapeau national" !

La dernière guerre mondiale a interdit à l'Allemagne de détenir des armes tactiques offensives et défensives stratégiques, comme l’arme atomique.

Après guerre, la sortie par le haut pour l'Allemagne était alors de prendre le pouvoir de l'Europe par l'Economie : les français allaient voir ce qu'ils allaient voir !

Cela semblait d'autant moins réaliste aux autres européens et aux USA, que l'Allemagne était totalement dévastée par la guerre, divisée en deux nations et longtemps placée sous surveillance militaire américaine.

N'assistons nous pas, en fait, sous nos yeux à une véritable guerre économique entre nos deux pays historiquement rivaux pour le pouvoir européen ?

Madame Merkel envisagerait-elle, par hasard, d'être, femme, la digne héritière d'un Bismarck ou d'un Napoléon et, enfin, d’imposer à une grande Europe, politiquement à la dérive, l’éternel « Deutschland über Alles ?

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