L’Empire contre-attaque

cloud-computing-risksLes Etats-Unis viennent de publier un rapport relatif aux pertes liées au vol de propriété intellectuelle. 300 milliards de dollars par an ! Tel serait le montant des pertes subies par les entreprises américaines.

En cause, les vols de brevet, détournement de marques et contrefaçons diverses, menées de plus en plus souvent par le biais d’intrusions informatiques visant à dérober des données sensibles et secrets industriels. Et c’est la Chine qui apparaît très clairement au centre des préoccupations.

Le phénomène est certes préoccupant mais les cyber-mesures proposées par la « IP Commission » (commission propriété intellectuelle) pour mettre fin à ces vols de données le sont tout autant. Outre les recommandations de mise en place de technologies antivol et l’utilisation de marqueurs sur les données sensibles (« DRM » et « watermarking »), la commission propose des modifications de la législation afin de permettre aux entreprises lésées de mener une contre-attaque informatique. Si ce volet est accepté, les entreprises pourraient, en cas de vol de données avéré, s’introduire à leur tour chez leur agresseur par le même canal, pour récupérer leurs précieuses informations, voire pour mettre hors-service les systèmes d’information de l’attaquant.

Les réactions au sein des experts en sécurité informatique n’ont pas tardé. Ils y voient l’exemple type de la « fausse bonne solution ». La concrétisation de ces mesures pourrait, à leurs yeux, engendrer des dégâts collatéraux importants et le risque de dérive est réel.

Il s’agit clairement d’une militarisation de l’espace numérique, qui rejoint d’ailleurs un second rapport récent, émanant cette fois-ci du Pentagone et qui pointe du doigt la Chine comme étant à l’origine de nombreuses cyberattaques. Bien entendu, les Etats-Unis sont d’ores-et-déjà sur le qui-vive, et ses « grandes oreilles »,  la NSA, ne se prive pas pour agir de même à tous les niveaux, comme le rappelle un journaliste de BusinessWeek.

Dans un tel contexte, les trois piliers du numérique en cette décennie que sont le Cloud computing, la mobilité, et les réseaux sociaux, tous hébergés ou pilotés d’outre-Atlantique, sont-ils un choix si judicieux, quand la météo se couvre et que le temps risque de virer à l’orage ?

Références :

Rapport de la Commission Propriété Intellectuelle US :

http://ipcommission.org/report/IP_Commission_Report_052213.pdf

Rapport du Pentagone sur les cyberattaques chinoises :

http://www.defense.gov/pubs/2013_china_report_final.pdf

Article au sujet de la NSA :

http://www.businessweek.com/articles/2013-05-23/how-the-u-dot-s-dot-government-hacks-the-world#r=tec-s

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Commentaires

Réaction à chaud à l'article de Bruno : ce qui me semble le + choquant c'est, indépendamment de l'aspect numérique de la chose, qu'on fasse fi du principe fondamental de droit politique selon lequel l'Etat possède le monopole de la violence légale (forces armées et police) comme du principe juridique de base selon lequel nul ne peut se faire justice soi-même.

On autorise des corporations à exercer des représailles elles-mêmes ? Sur le plan de la sécurité publique, on privatise donc les horreurs de la guerre : dommages collatéraux, boucliers humains (en la personne de nos données personnelles qui nous permettent de payer, de voter, d'avoir une existence juridique, de percevoir des aides...), droit de pillage des mercenaires embauchés pour leur expertise ou leur "plausible deniability", conquête, occupation, exploitation, asservissement et génocide d'un concurrent sur le prétexte d'un incident de frontière... Les parallèles historiques font froid dans le dos.

Et sur le plan de la justice, on accepte de revenir au duel, à la vendetta, au fait que la réalité, la nature et l'ampleur du préjudice sont estimées par l'offensé seul, qui décide également seul des cibles, de l'intensité, de la durée de sa réplique. Où sont la référence aux textes explicites et universels, le jury de pairs, l'instruction, la défense, le juge impartial ? Qui empêche l'offenseur de se venger à son tour de la vengeance exercée contre lui, relançant une guerre itérative que ne renierait pas la Sicile du XIXème siècle ? Même le code d'Hammourabi, dans la Mésopotamie la plus antique, s'attaquait à ces phénomènes.

Quelle extraordinaire démission des pouvoirs publics que d'avouer leur impuissance dans un des domaines fondamentaux de leur mission ! Après la mainmise donnée de fait à Monsanto sur l'alimentation, autre élément consubstantiel à l'humanité, les Etats sont bel et bien en train de nous bâtir un avenir CyberPunk en se défaussant, de par leur faillite économique, idéologique et numérique, sur les intérêts privés les plus court-termistes et égoïstes qui soient des engagements pris vis-à-vis des citoyens, électeurs et contribuables.

Prochaine étape du renoncement : la biologie - merci à la Cour Suprême d'avoir rejeté la brevetabilité du génome... mais en quels termes !

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