Une baisse inéluctable de la part du nucléaire

Dès qu’on parle du nucléaire, les esprits s’échauffent. Pourtant, indépendamment de tout effet "Fukushima", de montée de sentiments anti-nucléaire ou de volonté de complaire aux verts, la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique français est inéluctable.

Selon Jean-Marie Chevalier, ancien Directeur du Centre de Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières (CGEPM) à l’université Paris-Dauphine et Senior Associates au Cambridge Energy Research Associates (CERA), cette baisse tient à plusieurs raisons dont :

  • Le besoin urgent de diversification du mix électrique français où le poids du nucléaire est exorbitant : 75 % de l’électricité est produite à partir du nucléaire.
  • Les prix bas de l’électricité nucléaire ne reflètent pas les coûts qui sont croissants : le prix dit Arenh, qui est le prix d’accès au nucléaire régulé, a été fixé à 42 euros par MWh pour la centrale EPR en construction à Flamanville. Or, Flamanville a vu son coût multiplié par 3. Le prix devrait être d’au moins 60 euros, sinon plus proche de 70 euros pour amortir ces surcoûts.
  • Ces prix "artificiellement" bas font que l’incitation au financement de nouvelles centrales est très faible. Aujourd’hui, EDF est dans une situation financière intenable.
  • Les coûts du démantèlement mais aussi de la sureté sont aussi croissants : là où EDF a provisionné près de 17 milliards d’euros pour 58 réacteurs, le Royaume Uni en a provisionné près de 80 pour 19 réacteurs !

Des arbitrages techniques sont, selon lui, à faire pour le choix des nouvelles énergies, avec un débat inévitable : les prix bas de l’électricité ne reflètent pas les coûts qui sont croissants. D’où, à terme, un vrai problème de financement de la politique énergétique française et un risque considérable pour le niveau de vie des foyers les plus modestes.

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Commentaires

J'ai 2 remarques sur cet article important qui en dehors de son titre et une fois les commentaires apportés me parait assez clair :
Il semble qu'au fur et à mesure que la religion de l'antinucléaire progresse on "charge la barque " de la sécurité et donc de son coût : ce n'est pas une science exacte et il serait dommage de tuer tel ou tel procédé par ce biais.
La deuxième est l'information concernant la réutilisation éventuelle du CO2. Peux-t-on en savoir plus ? Si cela se confirme ce serait une extraordinaire découverte.

@ Sky : Merci pour la vidéo. En cinq points, Rifkin donne des arguments sérieux sur le "pourquoi" de la baisse du nucléaire.

@ Yves Buchsenschutz : Rappelez-vous lorsque la France a perdu le marché des centrales nucléaires aux Emirats au profit des Coréens, on commencé par dire "la sécurité, cela commence à bien faire !"

Après Fukushima, les mêmes se sont empressés de dire : "certes on est chers mais on est plus sûrs".

La question des coûts n'est donc pas une assertion en l'air. L'EPR a vu doubler son coût. C'est un fait. L'ASN est intervenu pour demander à EDF des travaux de consolidation supplémentaires qui ont un coût. C'est un fait et ces informations sont disponibles sur le site de l'ASN.

La loi "Nome" qui prévoit l'augmentation de 30 % du prix de l'électricité dans les 5 années à venir, c'est un fait. Son but : permettre justement de faire face à ces coûts croissants.

Donc, à mon sens, l'électricité ne restera pas la "moins chère" d'Europe longtemps. D'où un problème d'arbitrage en différentes sources d'énergie.

Pour l'information sur la réutilisation du CO2, voir l'info détaillée sur le site du CNRS :

http://www2.cnrs.fr/presse/communique/2309.htm

Je suis un peu surpris de lire un texte relatif à la production d'électricité nucléaire en France qui ne répond à aucun besoin d'originalité, mais se contente de reprendre simplement les idées et arguments de EELV sur le sujet.

"le besoin urgent de diversification du mix électrique français". Besoin urgent sorti du néant : je ne vois pas en quoi le fait que 75 % de l'électricité soit produite à partir du nucléaire imposerait une diversification. Rappelons que ces 75 % proviennent de 58 unités distinctes.

"...les coûts qui sont croissants". Certes, les deux premiers EPR sont chers. J'avais appris, dans les entreprises industrielles que j'ai pu connaître, voire diriger, que les coûts d'une production courante n'étaient pas ceux des prototypes ; mais il est vrai que je n'ai jamais été Directeur du CGEPM...

"EDF est dans une situation financière intenable". Je préférerais lire cette affirmation sous la plume d'un dirigeant d'EDF. Je note seulement que les dirigeants d'EDF ne semblent pas partager l'analyse, et moins encore les conclusions, de Jean-Marie Chevalier ; seraient-ils incompétents ? Je note également que le cours de l'action EDF ne semble pas apprécier particulièrement les perspectives offertes par les accords EELV-PS.

"les coûts du démantèlement mais aussi de la sûreté..." Là aussi, je préférerais entendre EDF, et j'aimerais en savoir davantage sur les coûts de production et de transport de l'éolien, fonctionnant 25 % du temps, ou du solaire, absent précisément quand les foyers ont besoin d'électricité pour s'éclairer.

Je n'ai enfin rien à dire sur la conclusion relative au coût croissant de l'électricité, sauf le fait qu'il ne pose pas "un vrai problème de financement de la politique énergétique française", sauf, bien sûr, si on veut remplacer des unités de production existantes et au coût de production particulièrement faible par de nouvelles unités, appelant de nouveaux investissements aujourd'hui inutiles, et, s'agissant des centrales à gaz ou à charbon indispensables pour répondre à l'intermittence du vent et du soleil, nous plaçant sous la dépendance de producteurs étrangers et augmentant fortement notre production de CO2.

Ajoutons que je regrette de voir un aussi pauvre texte titré "une baisse inéluctable de la part du nucléaire", de le voir figurer sous ce titre péremptoire dans ce blog.

Tout débat est fructueux. La valeur du Club des Vigilants tient, à mon sens, notamment à la diversité de ses membres et donc des points de vue. Je commencerai par la fin ou vous écrivez "de la voir enfin signé M.S.D.".

Ne voyez en cette signature nulle envie de se cacher mais un respect d'une règle de vigilances : si plusieurs alertes sont écrites par un même auteur, la première est signée du nom complet, les autres soit par les initiales soit carrément
sans signature.

Je reviens à Jean-Marie Chevalier. Lors de l'entretien que j'ai eu avec lui autour de la notion du "coût de sortie du nucléaire" et des chiffres que se balançaient les uns et les autres, il disait en substance :

"Pour moi, la question n'a pas de sens. Ma position sur le nucléaire, en tant qu'économiste, est la suivante : arrêter une machine qui marche et qui produit des KWh, c'est une absurdité, tant du point de vue économique que technique, ou du point de vue de la sécurité ; c'est une destruction de valeur. La décision allemande de fermeture immédiate des centrales est, à mes yeux, absurde économiquement.

Ceci étant dit, chaque centrale est un cas particulier. En effet, toutes les centrales ne vont pas vieillir de la même façon et n'auront pas la même durée de vie. Certaines devront être fermées au bout de 40 ans, d'autres au bout de 60. C'est à l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) d'en décider. D'autant qu'en France, on a la chance, me semble-t-il, d'avoir une Autorité que je considère comme experte, transparente et indépendante. Ce qui est un atout considérable. Et pour ma part, j'écoute et fais confiance à ce que dit cette Autorité. C'est à elle de dire s'il faut fermer Fessenheim ou si, en faisant par exemple 300 millions d'investissements, on peut prolonger de dix ans son exploitation. Dans ce dernier cas, c'est à l'opérateur, en l'occurrence EDF, de décider si le jeu en vaut la chandelle. En d'autres termes, décider si cela vaut le coup d'investir tant de millions pour avoir tant de KWh supplémentaires dans les dix ans qui viennent."

Il ajoute concernant l'EPR :
"Aujourd'hui, il y a quatre EPR en construction : deux en Chine, un en Finlande et celui de Flamanville. Il faut bien évidemment finir ce chantier. Dans le cas contraire, c'est comme si on mettait les pouces aux yeux du monde entier. Ensuite l'EPR va démarrer. Lequel, du chinois ou du finlandais, fonctionnera en premier, on ne le sait pas encore. On va regarder comment ça marche, le niveau des coûts de fonctionnementŠ et tirer un premier bilan. Même si, je pense qu'on est dans une phase de coûts croissants qui fragilise l'option d'en construire un second en France.
Concernant ce second EPR prévu à Penly, en Seine-Maritime, Henri Proglio, le PDG d'EDF, a demandé que l'on repousse l'enquête d'utilité publique. Ce qui est tout à fait rationnel."

Je trouve donc excessif d'en faire un "vert" ! Mais si telle est votre opinion, je la respecte.

tout débat est fructueux

merci à Raymond Lévy d'apporter ces arguments, et merci à Meriem d'apporter le témoignage de Jean Marie Chevalier

je reviens sur les arguments "anxiogènes" des antinucléaires: ils ne devraient pas prospérer, c'est une démagogie à visée électorale que d'agiter ces arguments.
En effet, aussi désastreux que soit la catastrophe due au tremblement de terre et au tsunami au japon, il faut enfin en tirer un bilan objectif.
au total pour le tremblement de terre et le tsunami: 150 milliards d'euros de dégats, et 23000 morts.
Pour fukushima tout seul : au maximum 60 milliards d'euros, si l'on compte le manque à gagner résultant de l'évacuation de la zone contaminée, pour une durée estimée entre 20 et 30 ans, et 2 (deux) morts.
Deux morts, c'est toujours deux morts de trop. Mais là, mettre l'accent pour redire que le nucléaire tue, c'est excessif.

la zone contaminée: A Tchernobyl, accidentée il y a 25 ans, la zone était bien plus contaminée qu'à Fukushima. Aujourd'hui, il ne reste quasiment plus rien de cette contamination, sauf dans un périmètre très réduit autour de la centrale. On peut réintégrer toute la région, sans aucun danger.

A Hiroshima, en 1945, une bombe atomique a fait 75000 morts, et a contaminé une zone de plusieurs kilomètres. Qu'en reste il aujourd'hui ? RIEN. La vie est normale à Hiroshima.

Fukushima est donc cent fois moins grave que Hiroshima !!!

Le nucléaire civil a d'indéniables avantages économiques et environnementaux. Et il a aussi eu un prix: Hiroshima, Tchernobyl et Fukushima. Le risque d'accident à venir a certainement baissé, mais on ne peut ni affirmer qu'il est nul, ni affirmer qu'il est apocalyptique. En France, on peut situer ce risque à une petite fraction des conséquences de Fukushima. Encore faut il admettre que le risque sismique est très inférieur au risque sismique au japon. Si un tsunami identique à celui du japon survenait en mer du nord, soit une vague de vingt mètres de haut, il ferait entre dix et cinquante millions de victimes. Alors, on ne va tout de même pas renforcer toutes les installations nucléaires existantes dans cette région pour éviter un second Fukushima.
Et pourtant, personne ne peut garantir qu'il n'y aura pas de tsunami de vingt mètres de haut en mer du nord...

cordialement à vous tous

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