Ce que le Bitcoin nous dit des valeurs de notre époque

Notre monde a développé comme jamais la spéculation financière. Le Bitcoin en est l’exemple pur. Conçu pour faciliter les transactions, il n’a déclenché les passions qu’en se révélant un formidable outil spéculatif : une loterie financière mondiale, sans prélèvement fiscal ni plafond des gains (payés par les nouveaux joueurs aux anciens) et une loterie « cool » : je participe à une histoire extraordinaire, sans mobiliser aucune expertise technologique, économique ou artistique.

Notre monde est construit sur la gabegie énergétique et la fraude fiscale. Le Bitcoin repose bien sur ces moteurs : l’énergie « brulée » par Bitcoin pour chaque transaction est 3000 fois plus élevée que celle d’une transaction Visa et le système garantit le complet anonymat financier.

Notre monde préfère faire confiance à un outil technologique impersonnel qu’à des individus ou des institutions. Il n’y a pas de boîte noire plus noire que le Bitcoin, qui ne s’appuie sur aucun des réseaux de confiance construits laborieusement par nos collectivités : entreprises, produits, régulateurs, états…

Notre monde est dominé par des puissances économiques qui refusent toute responsabilité collective, la renvoyant sur des états appauvris et discrédités. Le Bitcoin franchit une étape supplémentaire : sans existence juridique, la « collectivité » le Bitcoin est parfaitement irresponsable.

Et nous contemplons avec un étonnement admiratif ce monstre qui nous ressemble tellement…

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Commentaires

Je souscris aux points développés par Jérôme mais si le bitcoin est le reflet de notre époque alors il reflète toute l’époque et on peut aussi considérer qu’il:
- est un nouveau protocole dont la valeur va se révéler dans le temps, comme IP qui permit au web de fonctionner sans que personne ne détecte, au départ, l'ampleur de la transformation
- fait reposer la création monétaire sur un algorithme plutôt que sur des décisions humaines et institutionnelles et que vue leur performance historique en la matière on aura peut-être de meilleurs résultats
- offre un service décentralisé, universel, transparent, dont toutes les transactions sont publiques
- est la réaction de la foule d’internet contre les intermédiaires (ici les banques) dont la rente vient, fondamentalement, de leur capacité à restreindre/ monnayer/ discriminer l’accès à un service, une marchandise et souvent, par voie de conséquence, à une communauté.
- nous oblige à penser différemment : une monnaie apatride, coupée des autorités étatiques et bancaires, technologique dont chacun peut s'emparer pour faire avancer ses projets ; bref le pendant monétaire de ce qui nous réjouit par ailleurs : civic techs, fab lab et wiki en tout genre dont le ressort fondamental est de concurrencer les autorités existantes et les acteurs établis

Difficile de parler de transparence quand l’attrait principal reste l’opacité ?
Une caractéristique de Bitcoin est radicalement originale et potentiellement très positive : l’absence de tout organisme central capable de faire évoluer les paramètres de l'outil. Une force quand nous doutons de nos capacités de décisions collectives ? Ou une faiblesse mortelle dans un monde faisant du changement la vertu cardinale ?

Il y avait Clash of Clans, Game of Thrones... et les autres.

Il y a maintenant le Bitcoin, le Ripple... et les autres cryptomonnaies.

Bien entendu, je souscris à ce que dit Jérôme sur les risques que font courir ces monnaies virtuelles au monde réel (consommation excessive d'énergie, absence de contrôle démocratique, etc.).

Mais, si on le considère sous l'angle du "jeu" (casino) ces "monnaies" - dont les variations sont stratosphériques : +1 500% pour le Bitcoin en un an, + 36 000% pour le Ripple sur la même période - peuvent procurer de très grosses décharges d'adrénaline au joueur qui sommeille en chacun de nous.

Plus sérieusement, on peut se demander si le Bitcoin est "durable". Car, non seulement, comme le souligne Jérôme, il "brûle" une énergie considérable, mais, si l'on en croit certaines spécialistes (ex. http://www.scilogs.fr/complexites/epee-de-damocles-bitcoin/), les "mineurs" (ceux qui produisent des Bitcoins et encaissent des commissions) ne gagnent pas vraiment d'argent car leurs coûts (notamment en énergie) et leurs investissements sont du même ordre de grandeur que leurs commissions...

Alors, le Bitcoin, feu de paille ?

Le Bitcoin est-il une monnaie ?
La chute récente de la valeur du Bitcoin (-30%) a relancé le débat sur les cryptomonnaies. Ces moyens de paiement récents (plusieurs centaines), à peine 10 ans, connaissent un engouement dans le grand public mais peu de succès auprès des grandes institutions financières. Alors peut-on vraiment dire que le Bitcoin est une monnaie ? En fait tout dépend des fonctionnalités essentielles que l’on propose dans la définition de la monnaie.
Oui, le Bitcoin est plutôt une monnaie :
Le Bitcoin permet d’effectuer des transactions entre un nombre encore restreint de particuliers quelle que soit leur localisation, à l’exception de certains pays ou régions.
Le Bitcoin constitue une réserve de valeur dans la mesure où il est rapidement convertible en une autre monnaie. Peut-on pour autant parler de réserve de valeur liée au temps ? Il est peut-être encore trop tôt pour valider cette fonction sur le long terme.
Le Bitcoin fluctue par rapport aux autres monnaies même si actuellement la composante d’anticipations spéculatives prédomine.
Non, le Bitcoin n’est pas une monnaie :
Une monnaie d’un pays vit en contrepartie de toutes les transactions effectuées au quotidien et qui constituent le PIB (s’y ajoutent les transactions à l’international). Le Bitcoin ne peut actuellement être associé à la quasi-totalité des transactions d’une économie relative à un pays. Aujourd’hui la part des transactions en Bitcoin ne représente qu’une infime partie de la totalité des transactions mondiales.
Le Bitcoin ne peut pas actuellement, faire l’objet d’une mesure de politique économique comme peut le faire un gouvernement par le biais de sa Banque centrale pour jouer sur la valeur de sa monnaie sauf, si l’on considère la possibilité de changer la limite maximale du stock de Bitcoin actuellement à 21 millions. En revanche, un gouvernement utilisant le Bitcoin peut agir sur sa valeur, comme par exemple la Chine par le biais de sa banque centrale.
A ce jour, les utilisateurs de Bitcoin ne sont pas assez nombreux pour que l’on puisse vraiment parler d’utilisation de la monnaie pour le motif de transactions dans le sens de la définition classique de la monnaie. De plus, du fait de ses fortes fluctuations, la confiance nécessaire à des transactions à terme risque d’être faible. Il y a cependant une grande proportion de Bitcoins qui est utilisée pour des transactions de blanchiment ou de corruption, ce qui va dans le sens contraire des politiques bancaires. En France, de plus en plus, les numéros des billets de banques fournis par les distributeurs sont mémorisés et associés à la carte bancaire utilisée pour le retrait.
Le Bitcoin n’est pas garanti ni géré comme la majorité des monnaies institutionnelles dans le cadre des actions des banques centrales. De plus le système de chambre de compensation entre banques n’existe pas. Le Bitcoin est alors condamné à demeurer un moyen de paiement marginal et autonome. La création et la destruction de Bitcoin n’est pas comparable au mécanisme bancaire fondée sur le crédit ou la dette. Un montant de monnaie nationale converti en Bitcoin est préalable à la transaction en Bitcoin. Le stock de Bitcoin actuel n’est certainement pas encore assez important pour impacter les prix relatifs au niveau international. Enfin, sur les plates-formes, le Bitcoin est quasiment traité comme une matière première.
La valeur du Bitcoin va-t-elle éclater comme une bulle ?
Beaucoup d’observateur le pensent mais la comparaison avec la bulle des tulipes est discutable dans la mesure où le marché potentiel du Bitcoin est aujourd’hui encore potentiellement immense alors que celui des tulipes était géographiquement limité. Les conditions d’éclatement d’une bulle seraient plutôt d’ordre sociologique, événementiel ou bien provoqué par une mise à jour brutale du logiciel. Faisons l’hypothèse de l’éclatement de la bulle Bitcoin : où serait le problème ? Des pertes pour des spéculateurs pourtant bien informés !
Le Bitcoin est-il contrôlable ?
Plutôt non, car il émerge dans un monde d’utilisateurs attachés aux idées libérales. De plus il est alimenté par l’économie souterraine avec le Dark Web. En revanche son support technique pourrait faire l’objet de contrôles.
Le Bitcoin est-il un placement ?
Non, car il ne rapporte ni intérêt, ni dividende.
A l’exception du motif de spéculation ou d’activités illicites, quels sont les avantages pour les utilisateurs actuels ?
-espérance de gains, outil spéculatif et réserve de valeur sous réserve de surveillance quotidienne car le Bitcoin subit une forte volatilité (jusqu’à 10% par jour) ;
-sécurité technique des transactions malgré quelques piratages sans possibilité de recours ;
-confidentialité business ;
-blanchiment ;
-coût d’utilisation actuel faible pour l’utilisateur, mais potentiellement plus élevé à cause du coût énergétique de chaque transaction traitée dans les fermes ;
-simplicité d’utilisation pour des transferts internationaux ;
-difficulté et imprécisions des contrôles pour l’administration fiscale qui doit utiliser Tracfin et plus généralement des marges de manœuvres très réduites.
Il faudra encore un peu de temps pour que l’on puisse se faire une opinion précise sur l’avenir et la définition du Bitcoin mais, du fait de sa « plateformisation » et de son alternative décentralisée à la situation de monopole certains pensent déjà que la notion même de monnaie éclate, et pour les plus libéraux, la monnaie est une chose trop importante pour être confiée à l’Etat !
Bernard Biedermann
http://theoreco.com

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