Faim, OGM et bonne conscience

OGM.jpgLes adversaires des OGM, en particulier en Europe, mettent en doute leur innocuité sur la santé humaine et animale, s’inquiètent de la contamination des cultures sans OGM et, s’alarment des atteintes qu’elles porteraient à la biodiversité. Ils s’insurgent aussi contre le sort qui sera réservé aux paysans dans le monde, en particulier dans les pays pauvres. Les OGM étant protégés par des brevets, les petits paysans, assurent-ils, n’auront plus le droit de garder des semences d’une récolte pour les replanter l’année suivante, comme ils l’ont toujours fait. Ce qui constituerait un surcoût insupportable pour la plupart d’entre eux.

De leur côté, les pro-OGM, et au premier chef les grands groupes d’agrochimie, tels les américains Monsanto et DuPont ou le suisse Syngenta, rejettent tous ces « anathèmes » par des arguments inverses. Ils insistent sur le caractère inoffensif des OGM que ce soit sur la santé ou les cultures, sur les bienfaits pour l’environnement – moins de pesticides utilisés pour des plantes devenus résistantes à tel ou tel insecte etc. Ils vont jusqu’à taxer les anti-OGM du Nord d’ « égoïsme ». Ils seraient, à leurs yeux, insensibles à la faim qui sévit dans certaines parties du monde alors que les OGM, grâce à des rendements importants, pourraient venir à bout de ce fléau.

Mais las ! Et c’est la FAO qui le souligne dans un rapport sur les biotechnologies agricoles : « Les recherches sur les cultures transgéniques sont, pour la majorité, le fait de sociétés privées transnationales. (...) Les plantes et les caractéristiques présentant un intérêt pour les pays pauvres sont dédaignées. »

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Commentaires

Le transgénique prolifère inéxorablement depuis que Mosanto & Co s'en donnent à coeur joie dans leur course effrénée de plantations (plantages, plantades ?!) à ciel ouvert. Les abeilles, maillon crucial de la biodiversité, sont déjà "malades" de ce traitement Ogmisant. Les effets du transgénique se constateront, très probablement et à terme, sur toutes les espèces de notre écosystème.

Je suis un peu circonspect sur le flot énorme de critiques qui entoure la notion même d'OGM. Je crains que beaucoup d'entre elles n'aient plus une origine "émotive" que "rationnelle".

Depuis longtemps, l'Etre Humain a agi sur son environnement. Soit par filtrage au sein des espèces (chiens, chats, chevaux, etc... ) soit par mixage d'espèces histologiquement compatibles ( greffes végétales et animales, cas de chimérisme, etc...)

Tous les produits, substances ou organismes biologiques ingérés sont susceptibles d'avoir une action potentiellement nuisible. Pourtant, les alcools, les drogues, les cigarettes, les conservateurs,etc. sont de plus en plus utilisés !

Non, ce qui me paraît le plus dangereux ce n'est pas le concept même d'OGM mais la finalité de certains d'entre eux qui est de créer une "dépendance économique" visant à rendre définitive et incontournalble la "rente économique"( au sens de David Ricardo )que certaines entreprises transnationales veulent se faire servir par le reste des habitants du Monde.

Je ne supporte pas l'idée, par exemple, que des plantes qui auraient été semées avec des graines produites par la société X... soient stériles et ne puissent donc pas redonner de nouvelles graines !

Cela me semble un danger bien plus grand qu'une disposition conventionnelle du type de celle apportée par un brevet de fabrication qui, en général, doit retomber dans le domaine public au bout de quelques années.

Nous pourrons compter, pour une fois, sur l'habilité de certains pays à copier et à contrefaire, pour nous libérer d'un joug juridique trop fort...

Je voudrais m'inscrire dans la continuité d'Henri-Paul à ce sujet et compléter son propos pour aller jusqu'au bout du raisonnement.
Car associer les OGM à la "dépendance économique" n'est pas pertinent non plus. Il s'agit en fait d'un argument émotionnel de plus pour confisquer le débat au profit d'un dogme qui s'impose aujourd'hui à chacun de nous.
Les cultures hybrides utilisées actuellement par la plupart des agriculteurs dans le monde et par 100% des agriculteurs des pays développés (y compris sous le label bio) ne peuvent pas être replantées non plus. Cette situation peut être critiquée. Elle est malheureusement plus liée à des enjeux techniques que commerciaux mais en tout état de cause elle ne devrait pas être occultée à des fins de propagande contre les biotechnologies.
Et en prenant un peu de recul. Souvenons-nous : L'électricité allait endommager les systèmes nerveux de ceux qui s'en servaient, le train devait causer des dommages irréparables aux organes internes à cause de sa vitesse... Et pourtant.
Souvenons-nous du procès de Galilée et abordons avec rigueur et circonspection les arguments irrationnels de tous ceux que le progrès terrorise simplement parcequ'il remet en cause leur vision du monde.
J'espère que nous trouverons un jour en nous la force d'aborder le progrès dans une juste distance : trop près nous brûlons, mais trop loin nous gelons, c'est à la juste distance que notre civilisation peut grandir et s'épanouir. Et toujours dans le dialogue et l'intelligence plutôt que dans le dogme et le mensonge.

@Henri-Paul Soulodre et Brice Chalamel : mon objectif avec cet article n'était pas de discuter, quant au fond, de l'innocuité ou des méfaits des OGM mais de mettre en exergue les arguments des uns et des autres.

Les pro-OGM n'ont cessé d'insister, entre autres avantages des OGM, sur les bienfaits qu'elles apporteraient en matière de lutte contre la faim. Or, les conclusions du rapport de la FAO viennent les contredire sur ce point précis. Quand se décideront-ils de passer des discours aux actes ?

Mon objectif n'est pas non plus de discuter du fond mais de cette terrible évidence : le débat a été confisqué par des arguments émotionnels et des actes criminels qui terrorisent aujourd'hui l'un des deux camps.
Pour rappel, les pro-OGM sont passés aux actes de nombreuses fois. La plus marquante il y a quelques années en développant un riz contenant de la vitamine A (le célèbre "Riz doré"). Mais les navires l'acheminant en Afrique ont été coulés par des militants anti-OGM.
Quant à la FAO, elle joue aujourd'hui avec quelques autres le rôle de l'Eglise à l'époque de l'inquisition : prétendre à une autorité morale et neutre pour protéger un dogme. Ne crois pas que je sois en faveur des OGM. Il se trouve que je mange bio mais que j'essaie aussi de penser librement. Et ce n'est facile nulle part y compris en France.
J'ai posté une note sur mon propre blog à ce sujet après le commentaire ici... Je t'encourage à venir le lire et le commenter ! )

@Brice :
Je remercie Brice Challamel de son intéressante intervention. Pour ce qui concerne ma part, je n'ai aucunement l'intention de faire surgir un quelconque "dogme absolu" dont je pourrais être le porteur inconscient...

Comme j'ai été formé dans l'esprit "scientifique", je ne crois à une théorie qui me semble "logique" que jusqu'à ce qu'on m'ait démontré qu'elle était fausse. J'ai donc une Foi à Durée Limitée !

De même, je vous rejoins, sur l'idée que toute innovation n'est pas "en soi" bonne ou mauvaise : c'est l'usage qui en est fait qui peut être qualifié ainsi par cette sorte d'analyse de la... valeur.

J'apprends par vous, et j'ai tendance à vous croire, sauf preuve du contraire, que le risque que j'ai identifié a déjà été couru par l'usage en-cours des "cultures hybrides" que font les agriculteurs, toujours en recherche forcenée de "productivité".

Je voudrais préciser que l'idée qui me gêne, celle d'une dépendance des consommateurs vis à vis d'une entreprise est celle d'un "risque potentiel" qui semble maintenant s'avèrer.

Il est vrai que si on reste totalement libéral sur la question, on peut penser que cet "enfermement" du "consommateur", qu'est devenu l'agriculteur, pourra cesser d'être un "avantage concurrentiel durable" si une autre entreprise arrive à fabriquer un OGM concurrent qui ne possède pas cette propriété. Là, nous visualiserons un effet bénéfique de la concurrence...

Cependant, l'agriculteur n'est pas le consommateur final, le seul qui compte au fond. Il n'est qu'un maillon d'une chaine, d'un processus complexe, dont la "valeur" est donnée par le client final.

Mais au fond, ne croyez vous pas que le "marché des consommateurs finaux" sera, tout seul, le véritable juge et arbitre de ce qu'il faut faire ou ne pas faire en matière d'OGM.

Ma seule crainte, c'est que le "consommateur final élémentaire" qui constitue ce marché, ne soit pas informé des conditions de la production des produits qu'il achète sauf à mettre en place un véritable processus de bout en bout rendu public.
Information qui n'a pour but que de lui permettre d'agir de manière responsable, donc d'acheter, en toute connaissance de causes.

Ne pas interdire le progrès scientifique et technologique a priori, cela c'est l'un de mes "dogmes" personnels.

Mais aussi, ne pas admettre que l'être humain puisse être durablement asservi à un résultat, à un usage particulier que certains auraient pu faire de ce progrès. Cela est aussi un autre "dogme" auquel je crois !

HPS

Brice :
vous voulez dépassionner le débat. Bien. Arrêter les mensonges. Parfait.
Alors expliquez moi : vous affirmez que l'agriculture BIO ne ré-utilise pas ses semances?! depuis quand?

Ne pas interdire le progrès scientifique est la bonne démarche, la démarche progressiste.
Effectivement, le principe de liberté de choix prévaut sur tous les autres, qu'il s'agisse du choix du consommateur, comme du choix de l'agriculteur.
Aujourd'hui, la Chine, l'Inde et le Brésil ne se posent pas autant de questions. Ces pays sont forcés d'optimiser leurs productions pour nourrir leurs populations. Ils parviendront à terme à maîtriser eux-mêmes la technologie GM. Alors que nous Français, fiers que nous sommes de brandir notre étendard de précaution, nous finirons par ne plus dominer la technologie. A chaque fois que José Bové lance ces "faucheurs volontaires" sur une expérimentation en champ, il contribue à détruire quinze ans de travail et de recherche. Ce sont donc des dizaines de chercheurs qui, à chaque fois, voient leur travail ruiné et leur avenir réduit à néant.

@ Laurent : Le progrès scientifique est consubstanciel au progrès tout court, je vous l'accorde.
Les avancées de la médecine dans le traitement de nombreuses pathologies, par exemple, sont autant dues à des innovations techniques - laser, imagerie cérébrale, par exemple, ou IRM, scanner... - qu'à la découverte de nouveaux médicaments.
Toutefois, et pour ne s'en tenir qu'à ce dernier aspect, la mise sur le marché d'un nouveau médicament répond à des critères très stricts. La nouvelle molécule chimique est d'abord, longuement, testé sur des animaux ; des essais cliniques s'ensuivent sur un échantillon significatif ; les effets indésirables doivent être réduits au minimum et "last but not least" le service rendu par la nouvelle molécule doit être supérieure à celui du médicament existant.

Dans l'affaire des OGM, il me semble que certaines étapes ont été occultées.

Elles n'ont pas été occultées : les lobbys anti-ogm ont réussi à faire adopter un moratoire européen interdisant la recherche en biotechnologies de 1999 à 2004. Difficile après cela de comparer à l'industrie pharmaceutique et aux réglementations de l'AFSAPS. Décidément, votre note aura été le point de départ d'un nombre incroyable d'arguments décalés par rapport au sujet. Et pour défendre quoi ? Je ne comprends pas... Que craignez-vous vraiment au juste ?

@ Brice : Lorsque vous parlez de moratoire européen de 1999 à 2004, vous oubliez de spécifier qu'il s'agit de la culture en plein champ. Hors champ, la recherche a continué.
Mais pour ma part, je ne crains rien du tout, rassurez-vous. Je ne défends rien du tout, non plus. Je questionne...

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