Inde : la révolution Bush

Ce n’est pas parce que Bush a commis beaucoup d’erreurs que tout ce qu’il fait est nécessairement mauvais. L’accord qu’il vient de signer en Inde est une révolution. Seuls les Etats-Unis pouvaient l’oser. Espérons que le Congrès l’approuvera.

L’Inde, rappelons-le, a refusé de signer le Traité de Non Prolifération parce qu’elle voulait garder les mains libres pour construire sa bombe. Du coup, elle subit un embargo sur toutes les technologies nucléaires, y compris sur les technologies civiles. C’est cette dernière disposition que Bush veut faire sauter et, dans le cas particulier de l’Inde, cela paraît justifié pour, au moins, trois raisons. Primo : l’Inde est une grande puissance au même titre que la Chine et peut légitimement se sentir menacée par le Pakistan. Secundo : à la différence du Pakistan qui a vendu à la ronde ses secrets nucléaires, l’Inde n’a jamais été « proliférante ». Tertio : priver l’Inde de centrales nucléaires c’est la contraindre à utiliser massivement des combustibles fossiles et contribuer ainsi à la destruction de l’environnement. Ajoutons que l’Inde est un marché prometteur pour les centrales nucléaires et que la France, à cet égard, n’est pas mal placée.

Share

Commentaires

@ Jean-Claude Leny : En ce qui concerne la position de Bush sur l’Inde, vous avez omis, me semble-t-il, de mettre l’accent sur la véritable motivation de Bush. En fait il n’a qu’une seule raison de vouloir modifier la politique U.S. vis-à-vis de ce pays : contenir la Chine. Seule l’Inde, d’après les analystes de la Maison Blanche, pourrait parvenir à contenir l’expansion de la Chine.

La question que nous devons nous poser est donc ; doit-on essayer de ralentir, de contenir l’expansion chinoise ? En quoi la Chine est-elle un danger pour l’Europe ? N’est-ce pas notre intérêt de voir apparaître une puissance capable de mettre un terme à l’hégémonie de la seule super-puissance qui domine le monde depuis 15 ans ? Compte tenu de la haute qualité du vote U.S. on ne sait plus très bien qui peut venir prendre la place de Bush ! Quelqu’un de pire ?

Depuis Singapour, où je réside, je vois peut-être les choses différemment, le gouvernement local est à la fois très proche des U.S. (dommage pour le Rafale ! ) mais il reste chinois de cœur. On perçoit cette gêne dans les quotidiens locaux (réputés pour leur sens critique !!!!!) La Chine va devenir d’ici 1 à 2 ans le principal partenaire économique de Singapour (il est déjà N°2) L’annonce de Bush à Delhi n’a donc pas été saluée ici comme elle aurait dû l’être par un « fidèle ». Lee Tsien Long sait très bien ce qui se cache derrière cette annonce : crédibiliser la force militaire Indienne et lui fournir une aide technologique pour améliorer son armement nucléaire. On est bien loin d’une aide pour l’usage civil de l’énergie nucléaire, ce n’est pas à nous qu’il faut le raconter ! Les U.S. nous ont aussi aidés pour compliquer l’équation que l’URSS avait à résoudre en cas d’attaque contre l’OTAN. Créer une force nucléaire « indépendante » c’est passer d’une équation à 2 dimensions à une équation à n dimensions… C’est quelque peu plus compliqué à résoudre !

La question qui vient ensuite est : doit-on renforcer la puissance nucléaire d’un pays qui est en état de tension permanente (et parfois de guerre) avec un autre pays également possesseur d’armes atomiques ????
En complément je trouve insupportable le culot de Bush qui dans la même semaine veut traîner l’Iran devant l’ONU en mettant en doute sa volonté de se limiter au nucléaire civil et dit à l’Inde « vous avez contrevenu aux règles Onusiennes mais pour vous montrer qu’on ne vous en veut pas on va même vous aider à aller plus loin » !!!

Personnellement j’espère que le Congrès s’opposera à cet acte anticonstitutionnel ! Mais je crains d’être resté un grand rêveur.

@ Gérard,

Vous avez tout à fait raison de relever ce point stratégique. En effet, comment pourrions-nous contenir dorénavant les velleités nucléaires de l'Iran, qui jusqu'à présent, n'a jamais été mis réellement en défaut sur ses intentions d'armement nucléaire et avait signé le TNP tout en permettant à l'Inde qui est en quasi-conflit avec ses voisins de piétiner allègrement ce grand principe qu'elle n'a par ailleurs pas signé ? La stratégie de George Bush est soit illisible, soit trop lisible car elle s'apparenterait quasiment à un acte délibéré de pousser l'Iran à la faute. Puisse ce dernier n'être pas suffisament naïf pour tomber dans le piège... Ahmadinejad est loin d'être aussi idiot que les medias voudraient nous le faire croire en se trompant (volontairement ?) sur la transcription de ses discours...

@José,
Nous sommes parfaitement d'accord sur le caractère illisible que prend souvent la stratégie de l'actuelle administration américaine . Un exemple récent à la lecture de 2 articles dans le Straits Times de Singapour ce samedi. Le 1er article traite du rapport virulent sur la Chine dans lequel les U.S. disent au gouvernement chinois qu'il ne peut à la fois libérer l'économie, l'esprit d'entreprise de ses citoyens et refuser de leur offrir la même liberté en matière de droits à la contestation politique. Le 2éme article traite de la prochaine visite de Mr MA, maire de Taïpei et leader du Kuomitang, aux U.S. Mr MA est loué par la même administration pour ses propos par lesquels les Taïwanais sont priés de ne pas perdre leur temps sur le théme de l'indépendance ou de la réunification mais de se concentrer plutôt sur la bonne marche de leurs affaires!!!!!Il est vrai que 2 gongs chinois ne produisent pas le même son!

@ Gérard,

Il faut cependant relativiser cette illisibilité car elle n'est souvent que régionale. Comme je le relevais récemment sur Europeus (dont je suis l'un des contributeurs), en réponse à un excellent article de Hajnalka Vince, il ne faut pas interpréter la politique internationale américaine au sens où nous l'envisageons nous-mêmes, c'est à dire historique, ils n'en ont pas puisqu'ils ne font que défendre des intérêts économiques. Les Américains sont un peuple de marchands et on ne peut analyser leurs décisions et positions internationales qu'en fonction de ces intérêts. Il faut alors se placer sur un champ de vision global qui permet alors de comprendre leur stratégie géopolitique. Les Anglais, quant à eux, adoptent parfois des attitudes contradictoires parce que leur politique se situe à cheval entre celle des Américains et celle, plus "historique", de la vieille Europe.

La manœuvre américaine avec l'Inde apparait alors, comme l'écrit Jean-Claude, une tentative pour contenir la Chine non seulement économiquement mais aussi militairement. L'implantation de bases américaines au Proche mais aussi Moyen Orient procède du même phénomène vis à vis de la Russie : l'expansion militaire américaine précède toujours les capitaux et par là même l'économie américaine. Celle-ci étant très largement imbriquée avec l'économie israëlienne (nombre d'oligarques russes actuellement très surveillés ou "attaqués" par Vladimir Poutine possèdent la double nationalité), il devient alors possible de comprendre comment les américains placent leurs "pions". Ce que j'écris, qui pourrait être mal interprété, ne relève pas d'un quelconque complot mais d'une stratégie globale d'expansion économique (ou guerre selon le degré de virulence que l'on veut donner au propos) par l'asphyxie de celles qui sont réticentes au modèle et capitaux américains. Ce sont les marchés contrôlés par d'autres détenteurs qui sont visés, les conflits locaux permettant de susciter d'une part des relances économiques et d'autre part une preuve que le monde entier a besoin de leur puissance militaire.

L'Europe et sa construction n'échappent d'ailleurs pas à ce phénomène. Le bourbier irakien n'aura finalement que relativement peu modifié la donne, l'économie américaine n'ayant quasiment pas souffert de cette guerre (au contraire), sauf si une réaction iranienne improbable survenait alors que les américains y sont toujours jusqu'aux genoux. C'est en cela que la période actuelle est incertaine mais je ne crois pas le président Ahmadinejad suffisamment idiot pour s'attirer les foudres des opinions publiques internationales alors qu'actuellement elles ne lui semblent pas forcément défavorables malgré des propos qui sont toutefois souvent déformés par les médias.

Enfin bref, nous aurons encore quelques années d'interrogations devant nous pour en débattre...

Je sais qu'il est de bon aloi de vitupérer Georges W Bush mais c'est, à mon avis, le petit bout de la lorgnette.
Pour moi, il y a les régimes démocratiques et les régimes totalitaires.
Les Etats-Unis sont un régime fondamentalement démocratique. Ils peuvent parfois élire un Président contestable mais celui ci ne reste pas plus de 8 ans. Et les fondamentaux démocratiques du pays sont inviolables.
En regard de cela,l es régimes totalitaires aspirent à la permanence. 72 ans pour l'URSS, 60 ans pour la Chine (et ce n'est pas fini). En Iran,cela fait déjà 30 ans que le régime des mollahs est en place. Et on peut également admettre que le régime totalitaire en Allemagne a duré 70 ans avec la brève parenthèse de la République de Weimar.
Une des caractéristiques des régimes totalitaires est de ne pas se soucier des"Droits de l'homme" ni respecter leur parole. Les exemples sont nombreux et l'Iran,en refusant d'honorer sa signature du TNP, en fournit un exemple supplémentaire.
En revanche, l'Inde est d'une autre nature.C'est indiscutablement une démocratie, complexe certes, mais avec des élections, des alternances etc. A propos du TNP, ils ne voulaient pas se lier en le signant et donc ils ne l'ont pas fait. Je ne les approuve pas nécessairement mais il faut leur reconnaitre la cohérence.
Pour en revenir aux Etats-Unis, il ne faut pas oublier que s'ils n'étaient pas arrivés en 1917, en 1941 et pendant la guerre froide, je ne sais pas ce que nous serions à l'heure actuelle. Autant j'aurais aimé que l'Europe soit capable de fournir un contre-poids à la puissance américaine, autant je n'ai pas envie que la Chine joue seule ce rôle.
Je ne sais pas du tout ce que pense Bush et son Administration mais si leur objectif est de jouer une sorte d'équilibre des forces en Asie, cela ne me fait pas protester.

Ajouter un commentaire